Le crédit immobilier finance les achats immobiliers. Ces crédits, qui présentent un attrait indéniable, sont souvent un facteur de surendettement dans les cas où le débiteur ne peut plus subvenir au remboursement de ses dettes, et notamment en cas de décès, perte totale ou irréversible d’autonomie, invalidité, perte d’emploi.
L'assurance-crédit est justement un mode de protection qui garantit les impayés. La banque prêteuse se voit accorder un gage de confiance et l'assuré est protégé grâce à un assureur crédit spécialisé, notamment en cas de décès ou d’invalidité. A noter que compte tenu des sommes en jeu et des risques encourus, les prêts immobiliers sont des prêts notariés. Mais les pratiques des ventes de ces assurances sont parfois peu claires, et détournées conduisant à certaines pratiques à la limite de l’abus et de la concurrence déloyale.
L’assurance crédit est-elle obligatoire? Une banque peut-elle contraindre un particulier à souscrire à une assurance imposée et conditionner l’octroi du crédit à son acceptation sans que cela ne représente une pratique commerciale illicite?
L’ obligation légale de souscrire à une assurance comme gage de garantie
Souscrire un crédit immobilier est un acte important qui engage le budget du ménage pour de longues années. Bonne raison pour être vigilant et passer un peu de temps pour bien comprendre la portée de son engagement. Depuis quelques années, des prêts aidés ont vu le jour et permettent aux personnes concernées, notamment les plus modestes, d'accéder à la propriété dans des conditions de taux d'intérêt plus intéressantes
Le crédit immobilier est un crédit de longue durée destiné à financer l'acquisition, la construction ou l'extension d'un logement. C'est un crédit amortissable : en clair, le taux est fixé dès le début ; l'emprunteur rembourse le capital emprunté et les intérêts par des mensualités identiques tout au long du prêt. L’emprunteur reçoit, à la souscription, un plan d'amortissement, c'est-à-dire un tableau dans lequel sont indiqués le montant et la durée des mensualités, sur lequel est greffé le montant de la prime d’assurance.
Il faut également savoir que la composition des mensualités n'est pas la même tout au long du prêt : au début du prêt, l'emprunteur rembourse essentiellement des intérêts ; progressivement, la proportion d'intérêts baisse au profit de la part de capital. C'est le mécanisme classique d'un plan d'amortissement.
Une garantie obligatoire
Le prêt est généralement garanti par une hypothèque légale: si l'emprunteur ne peut plus rembourser, le bien est vendu et la banque récupère le solde du prêt sur le prix de vente.
L'emprunteur doit, en outre, souscrire à une police d'assurance, pour un éventuel remboursement du prêt au bénéfice de l'état en cas de décès, ou d’invalidité.
Fonctionnement et encadrement strict du crédit
Des règles strictes existent pour encadrer le prêt, étendu sur une durée maximale de trente (30) ans, et calculé en fonction de plusieurs critères (montant du prêt accordé, âge du bénéficiaire et capacité de remboursement sachant que les mensualités de remboursement ne doivent pas dépasser 30% de son revenu mensuel). Le taux est fixe, laissé à la liberté de la banque ou de l'établissement financier, mais ne doit pas dépasser un « taux excessif » défini et mis à jour par la Banque d'Algérie comme suit à l’article 2 de l’ Instruction n° 08-2016 du 1er septembre 2016 relative aux modalités de fixation des taux excessifs :
“Constitue un crédit à taux d’intérêt excessif, tout concours consenti à un taux d’intérêt effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus d'un cinquième (20%), le taux effectif moyen pratiqué au cours du semestre précédent par les banques et établissements financiers pour des opérations de même nature.”
La CNEP, établissement public autonome, est le principal établissement spécialisé dans le financement du logement des particuliers, mais toutes les banques, publiques ou privées, peuvent proposer un crédit immobilier.
Elles passent des partenariats avec des compagnies d'assurance, publiques ou privées, algériennes ou étrangères, afin de proposer en même temps le prêt et l'assurance-emprunteur.
Cependant, c’est cette pratique, devenue courante pour les grandes banques algériennes qui frôle l’abus, dans la mesure ou, en pratique, si le particulier, a obligation de prouver qu’il bénéficie de garanties suffisantes et notamment d’une assurance, en cas de décès ou d’invalidité, pour l'achat d'un bien, aucune disposition légale ne l’oblige, de nécessairement se voir imposer l’assurance partenaire de la banque prêteuse.
Obliger un emprunteur à choisir une assurance imposée par la banque au moment de la souscription du prêt ne s’assimilerait-il pas à une pratique interdite en droit algérien, qu’est la vente concomitante susceptible d’affecter le libre jeu de la concurrence ?
La notion de vente concomitante
La vente concomitante (ou commerce sous conditions), est une pratique qui relève des pratiques commerciales dites illicites. Il s’agit de la subordination de la vente d'un bien, ou d’un service à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre bien ou service.
Cette pratique, prohibée par la loi, s’exerce par la vente d’un bien ou d’un service avec la condition, de rattacher cet achat, à celui d’un autre bien ou service dépassant ainsi les besoins de l’acheteur.
Elle est notamment régie par la Loi n°04-02 du 23 juin 2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales et l’ Ordonnance n°03-03 du 19 Juillet 2003, modifiée et complétée, relative à la concurrence.
Les principales causes qui peuvent conduire à pratiquer la vente concomitante sont traditionnellement les cas suivants :
- Le vendeur détient un pouvoir de monopole ou une position dominante sur le marché : Dans ce cas, le vendeur abuse de son pouvoir, et profite pour chasser ses concurrents ou se débarrasser des nouveaux concurrents en imposant l’achat d’un produit ou service connexe.
- Le produit vendu au départ est essentiel et important : l’acheteur voulant absolument acquérir le bien ou service principal, va céder à l’achat imposé du second bien ou service.
- L'impact des accords d'interconnexion sur le marché.
Prohibition des ventes concomitantes
L’article 17 de la loi n°04-02 du 23 juin 2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales prévoit qu’ :
“Il est interdit de subordonner la vente d'un bien à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre bien ou d'un service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un bien.”
La vente concomitante représente le consentement d’une partie à vendre un produit à condition, que l'acheteur achète également un produit différent, connexe à celui-ci ou du moins qu’il accepte de n’acheter ce produit à aucun autre fournisseur ou prestataire.
La vente concomitante est une pratique défendue par la législation algérienne, en ce qu’elle représente une charge imposée à l’acheteur par le vendeur, faussant ainsi, les règles de la libre concurrence, telles qu’ ordonnées et protégées par l’Ordonnance n°03-03 du 19 Juillet 2003, Modifiée et complétée, relative à la Concurrence, et notamment par l’article 11 qui pose qu’ “est prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le libre jeu de la concurrence, l’exploitation abusive, par une entreprise, de l’état de dépendance dans lequel se trouve à son égard une entreprise, client ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en :
- un refus de vente sans motif légitime;
- la vente concomitante ou discriminatoire ;
- la vente conditionnée par l'acquisition d'une quantité minimale ;
- l'obligation de revente à un prix minimum ;
- la rupture d'une relation commerciale au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées ;
- tout autre acte de nature à réduire ou à éliminer les avantages de la concurrence dans un marché.”
La vente concomitante représente donc une exploitation abusive d’un état de dépendance, dans lequel pourrait se trouver un particulier se voyant obligé de souscrire un crédit immobilier auprès d’un établissement bancaire, qui profiterait de ce besoin pour y greffer une police d’assurance partenaire comme condition à la signature du contrat, mais qui ne serait pas avantageuse pour le particulier. En effet, toutes les assurances ne proposent pas les mêmes primes, réductions, taux de remboursement. De ce fait, un particulier devrait pouvoir souscrire à un crédit immobilier tout en choisissant l’assurance qui convient à la couverture de ses besoins comme garantie. Et la banque prêteuse ne devrait pas se voir accorder la possibilité de refuser cette garantie, juste au motif qu’il ne s’agit pas d’une société partenaire. Cela affecterait indéniablement le libre jeu de la concurrence.
Les sanctions de la vente concomitante
Les pratiques commerciales illicites et plus particulièrement la vente concomitante est punie, conformément à l’article 35 de la loi n°04-02 du 23 juin 2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales, d’une amende de cent mille dinars (100.000 DA) à trois millions de dinars (3.000.000 DA).
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