Les sociétés d’assurance peuvent distribuer les produits d’assurance par l’entremise des banques et des établissements financiers et assimilés et autres réseaux de distribution, conformément à l’article 252 de l’ordonnance n°95-07 modifiée et complétée par la loi n°06-04 du 20 février 2006 sur les assurances. La pratique des ventes de ces assurances peuvent parfois être considérées comme des pratiques abusives ou déloyales.
La vente des produits d'assurance par les banques en Algérie rentre t-elle dans le cadre de pratiques abusives ou déloyales ?
Définition des clauses abusives
L’article 29 alinéa 8 de la loi n°04-02 du 23 juin 2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales dispose que “dans les contrats entre un vendeur et un consommateur, sont considérées comme abusives, notamment les clauses et conditions par lesquelles le vendeur :
8) menace le consommateur de la rupture de la relation contractuelle au seul motif qu'il refuse de se soumettre à des conditions commerciales nouvelles et inéquitables.”
Or, ne peut-on pas considérer qu’une banque qui conditionnerai l’octroi d’un crédit à un particulier à la souscription d’une police d’assurance avec une société d’assurance partenaire à l’obligation pour ce dernier d’accepter de se voir imposer cette assurance et non pas celle de son choix, qui lui serait peut être plus avantageuse, avec des primes moins importantes par exemple comme une clause abusive ou une pratique abusive? La réponse ne saurait être autre qu’affirmative.
Il est à rappeler en ce sens que la sanction de ce type de clause, est également précisée par l’article 38 de la même loi en ces termes :
“Sont qualifiées de pratiques commerciales déloyales et de pratiques contractuelles abusives, les infractions aux dispositions des articles 26, 27, 28 et 29 de la présente loi et punies d'une amende de cinquante mille dinars (50.000 DA) à cinq millions de dinars (5.000.000 DA).”
En définitive, un établissement bancaire n’a pas le droit d’imposer des contrats d’assurance et ne peut en principe que proposer un partenaire avec lequel elle aurait une convention, et certainement pas discréditer d’office les autres sociétés d’assurance au seul et unique profit de son partenaire sous peine de se voir reprocher de pratiquer un commerce déloyal et abusif.
Les contrevenances aux recommandations de la convention type de l’UAR
L’UAR (Union algérienne des société d’assurance et de réassurance) est une association professionnelle. Conformément à la législation en vigueur, toutes les sociétés d’assurances et/ou de réassurance agréées doivent adhérer à l’UAR, y compris les mutuelles. Or cette association fournit une convention type dite “convention de distribution type des produits d’assurance par les banques et établissements financiers et assimilés”, laquelle prévoit un article 10 qui précise les obligations de l’établissement bancaire, simple “mandataire”.
L’article 10 alinéa 3 de la convention UAR prévoit en effet que :
“Sans préjudice des obligations légales , le mandataire s’engage à (...) ne pas distribuer, au sein des agences prévues à l’annexe 2 ci jointe, les produits d’assurance des autres sociétés d’assurance”.
Cet alinéa semble fortement prêter à confusion et nous souhaitons l’expliquer ici. En théorie, les banques peuvent signer une convention et y annexer une annexe précisant une liste des agences bancaires dédiées à la diffusion de certaines assurances avec lesquelles elles auraient choisi d’avoir un partenariat, pour une certaine durée.
Dès lors qu’elle est mentionnée dans l’annexe et si l’assuré se rend dans cette agence, la banque a un devoir d’exclusivité quant à la diffusion de cette assurance qu’ elle s’est engagée à vendre. Il s’agit d’une exclusivité classique autorisée et largement répandue. Elle ne constitue pas une pratique abusive ou déloyale, si et seulement si, lorsqu’un client vient dans une banque avec sa propre assurance, ladite banque ne le renvoie pas au motif qu’il ne s’agit pas des assurances pour lesquelles elle a été conventionnée.
En résumé, une banque ne peut donc jamais refuser le contrat d’assurance choisi par un client, au risque de se voir accusé de pratiques abusives. Or en pratique, il arrive souvent que les banques publiques par exemple souhaitent signer un crédit assuré par une assurance publique, discréditant les plus petites assurances privées ou vice versa. Et s’il est vrai que la frontière entre liberté de contracter, équité et concurrence loyale est fine, il n’en demeure pas moins que la limite de tout droit est l’abus. De ce point de vue, les banques ont certes la liberté de mettre en avant les compagnies d’assurance qu’elles souhaitent, en signant des conventions avec elles, toutefois il ne devrait pas leur être autorisé d’entraver les autres compagnies d’assurance qui auraient été choisies par les clients, en émettant des refus systématiques.
Par ailleurs, à la lecture de la convention type UAR, il se dégage l’idée que, si les banques peuvent diffuser l’obligation légale de souscription à une assurance, elles n’ont certainement pas pour rôle de vendre directement les produits d’assurance. L’établissement bancaire doit “se conformer aux seules instructions de l’assureur en matière de conditions d’assurance, de tarifs, de règles de souscriptions”, dans la limite des pouvoirs conférés par ladite convention et ses annexes, rappelle la convention type. Or, malheureusement, en pratique, certaines banques se permettent de rejeter directement des dossiers de crédit provenant de compagnies d’assurance non partenaires au motif qu’il existe déjà des partenaires à proposer à leur clients potentiels, faisant alors le choix à la place du client, et discréditant d’office certains assureurs.
Enfin, il a été remarqué en pratique que l’inter-sectorialisation était souvent privilégiée en la matière. C’est à dire que le plus souvent, une banque publique va faire le choix de prioriser une assurance publique, et la banque privée, l’assurance privée. Or le président de la République, Abdelmadjid Tebboune avait déjà appelé à dépasser ce clivage, rappelant que le secteur privé devait contribuer au financement de l'économie nationale,et “à promouvoir le développement et à ne pas compter uniquement sur l'Etat et les banques publiques.” Faudrait-il alors que le secteur public accepte de céder du terrain afin de répondre aux préoccupations des tutelles.
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