Les fake news sont des nouvelles mensongères diffusées dans le but de manipuler ou de tromper le public. Avec le développement croissant d’Internet, elles prennent une importance singulière et des risques d’une grande ampleur, pouvant émaner de blogueurs ou de réseaux sociaux, de médias, de personnalités politiques ou bien même d'un gouvernement. Les articles contenant de fausses nouvelles reflètent souvent des titres accrocheurs en vue d'augmenter le nombre de lecteurs et de partages en ligne. La loi n° 20-06 du 28 avril 2020 modifiant et complétant l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal, a introduit récemment, des pénalités pour la lutte contre la diffusion de fake news, susceptible de porter atteinte à l'ordre et à la sécurité publique.
Quel est l’impact de la fake news sur la société ? La législation algérienne, est-elle à jour avec la propagation des fake news ?
Le phénomène de la fake news
Le phénomène de la fake news s'est rapidement propagé à l’heure de l’échange d’informations numériques, par le biais des réseaux sociaux. Ainsi, il a traversé le monde, et s’est répandu tant en Algérie qu'à l'international.
En Algérie, la question des fake news n’a été abordée qu’en 2020, par l’adoption de la Loi n° 20-06 du 28 avril 2020 modifiant et complétant l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal. Cette loi a introduit l’article 196 bis dans le Code pénal tel que :
“Est puni d’un emprisonnement d’un (1) an à trois (3) ans et d’une amende de 100.000 DA à 300.000 DA, quiconque volontairement diffuse ou propage, par tout moyen, dans le public des informations ou nouvelles, fausses ou calomnieuses, susceptibles de porter atteinte à la sécurité ou à l’ordre public.
En cas de récidive, la peine est portée au double.”
L’Algérie a aussi ratifié le pacte international relatif au droits civils et politiques en 1991, dont l’article 19, cite les restrictions aux droits de la liberté d’expression, prévues ci-dessous :
- Le respect des droits ou de la réputation d'autrui ;
- La sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publique.
A l'international, les informations fabriquées intentionnellement peuvent causer un grand préjudice en dressant les gens les uns contre les autres, ou encourageant une pensée antidémocratique. Elles représentent un impact significatif sur des événements mondiaux cruciaux. Conscients et soucieux des risques d'un tel phénomène, de nombreux parlements à travers le monde ont décidé d'agir :
- En février 2019, la Commission du sport, des médias, de la culture et du numérique de la Chambre des communes britannique a publiée son rapport final sur la désinformation et les "fake news", plaidant ainsi en faveur de l'instauration d'un code d'éthique en matière de technologie, supervisé par une autorité de régulation indépendante, dont les compétences pourraient être employées à des poursuites judiciaires envers les entreprises enfreignant le code.
- La France aussi, dans sa lutte contre la manipulation de l’information, a adopté la loi nommée “loi infox”, visant à mieux protéger la démocratie contre les diverses formes de diffusion intentionnelles “d’intox” (informations toxiques).
- L'Italie, le Brésil ou encore Singapour, s'apprêtent à légiférer en ce qui concerne ces fake news.
- Les Etats-Unis ne sont pas en mesure de faire de même, en raison du premier amendement de la constitution des Etats d'Amérique, qui donne une importance primordiale à la liberté d’expression. Cependant, cela n'empêche pas un justiciable de saisir la justice américaine, lorsqu'il s'estime « diffamé ».
- La Convention internationale sur l'utilisation de la radiodiffusion au service de la paix de 1936 de la Société des Nations, consacre également un chapitre relatif aux fausses nouvelles. De même que le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques que l’Algérie a ratifié en 1991, et qui comprend dans l'article 19 une certaine restriction concernant le droit à la liberté d’expression, qui ne peut servir de fondement à tout type de dérives ;
La lutte contre la désinformation (Fake news)
La lutte contre la fake news représente une démarche contemporaine d’une importance éminente, en raison de l’ampleur intensifiée par l'omniprésence des téléphones portables et des réseaux sociaux. Elle s’applique selon différents moyens, ayant tous le même principe, celui de supprimer ce genre d’informations :
Le fact-checking
Le fact checking ou journalisme de vérification, est une technique de vérification des faits. Ce mode de traitement journalistique, originaire des Etats-Unis, est décrit comme un moyen de vérifier de manière systématique, les éléments du discours politique, ainsi que du débat public en général largement diffusé avec l’explosion d’Internet. Un des premiers site fut factcheck.org. Sa mission consistait à clarifier le débat public, en vérifiant et corrigeant les assertions trompeuses ou confuses. Désormais, certains journalistes ont pour seule fonction de procéder à une écoute exhaustive des déclarations politiques et à en vérifier aussi systématiquement que possible la teneur.
L’émergence des réseaux sociaux et le rôle qu’ils jouent dans l’information, ont poussé les fact-checkers à étendre leur veille sur la toile. Le fact-checking, est une technique qui ne se limite pas, que dans un champ politique, elle prend place, actuellement dans la vérification des rumeurs véhiculées sur le Net.
La pratique du fact-checking, n’a malheureusement pas encore vu le jour en Algérie, elle n’est d'ailleurs même pas mise à la disposition de ses étudiants journalistes. Une préoccupation qui donne lieu à suggérer au plus vite, une introduction d’un module spécifique sur le fact checking, la création d’un consortium entre les médias, mais aussi la coopération avec des experts étrangers dans le but de véhiculer ce savoir, pour un meilleur contrôle de l’avalanche des fake news circulant sur les réseaux sociaux.
Stratégies et Campagnes de Formation aux Médias et à la Maîtrise de l’Information MIL (Media and Information Literacy)
L’UNESCO propose des études de stratégies, afin de détecter la désinformation, et lutter ainsi contre sa propagation dans diverses matières :
- La connaissance des droits de l’homme,
- La connaissance de l’information, y compris les normes et l’éthique journalistiques,
- La connaissance de la publicité,
- La connaissance informatique,
- Étudier « l’économie de l’attention », dans le but de diriger les étudiants en journalisme, à prêter attention aux titres pièges qui abritent la désinformation, évitant ainsi le clic des utilisateurs.
- La connaissance de la vie privée et de l’interculturalité, concernant l’élaboration de normes sur le droit à la vie privée et une compréhension plus large.
Les limites de la réglementation algérienne concernant la lutte contre les fake news
L’Algérie, malgré son introduction à la lutte contre la fake news, par la loi n° 20-06 du 28 avril 2020 modifiant et complétant l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal, manque néanmoins de ressources à ce sujet d’actualité brûlant et tellement impactant à notre époque. En comparant avec les autres législations internationales, une évidence certaine fait apparaître les lacunes juridiques en matière de fake news dans la réglementation algérienne, laquelle se doit d’être complétée dans un futur proche. En effet, certaines notions gagneraient à être précisées au vu des manques suivants :
- L’absence de définition des « fausses informations », dans la loi précédemment citée, confère aux autorités, un pouvoir disproportionné et discrétionnaire, qui pourrait être utilisé pour couvrir des informations critiques et controversées, mais peut être pas fausses.
- L’ article 196 bis de la loi ne parle que de la diffusion de la fausse information relative aux autorités de l’Etat, sans se préoccuper de la fausse information concernant le grand public.
- La mise en œuvre des moyens moins restrictifs que ceux prévus à l’article 196 bis, dans le but de lutter contre les « fausses nouvelles », telles que la prévention par la création de mécanismes indépendants de vérification des faits, le soutien de l'État aux médias de service public indépendants.
- Le manque que subit l’enseignement journalistique supérieur, aux médias et au numérique,
- L'absence de formation en fact-checking pour les étudiants en journalisme.
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