La Constitution algérienne a été l’objet d’une attention particulière ces derniers mois ; et pour cause : un projet d’amendement de la Constitution de 1996 a été soumis à référendum populaire en date du 1er novembre 2020.
Si la Constitution est également scrutée de près ces derniers jours, c’est en raison de son article 102. L’article 102 de la Constitution algérienne prévoit la procédure à suivre en cas de vacance du Président de la République (pour cause de maladie, décès, ou autre empêchement). L’article 102 est ancien. Déjà présent dans la Constitution de 1976, il fut modifié en 1989, à la suite de la maladie du président Houari Boumediène. À cette époque, fut ajoutée la condition de “maladie grave et durable”.
Dans notre article, nous vous proposons une analyse en détail de l’article 102 de la Constitution algérienne, prenant en compte le projet de modification constitutionnel.
La procédure “d’empêchement” prévue par l’article 102 de la Constitution algérienne
Le Conseil Constitutionnel à l’initiative
L’article 102 de la Constitution prévoit les cas dans lesquels le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit et propose au Parlement de déclarer l’état d’empêchement du Président de la République de poursuivre l’exercice de ses fonctions de Président de la République.
L’empêchement est prévu dans trois cas de figure :
- le Président est atteint d’une maladie grave et durable, dans ce cas, l’empêchement peut être :
- provisoire : après 45 jours, le Président est en état de reprendre ses fonctions ;
- ou définitif : après 45 jours, le Président ne se rétablit pas (soit 90 jours d’empêchement au total.
- la démission ;
- ou le décès.
Précisons que le Président doit se trouver dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions. C’est le Conseil constitutionnel qui vérifie, par tous les moyens appropriés la réalité de cet empêchement. Pour cela, il va en pratique ordonner une expertise médicale car il ne saurait être en mesure d’apprécier médicalement l’état de maladie.
Le Conseil constitutionnel, à l’unanimité de ses membres, propose au Parlement de constater l’empêchement.
Quorum au Parlement pour déclarer l’état d’empêchement
Toujours selon l’article 102, le Parlement doit respecter deux conditions pour déclarer l’état d’empêchement :
- Le Parlement doit siéger en chambres réunies (l’Assemblée Populaire Nationale et le Conseil des Nations) pour déclarer l’état d’empêchement ;
- La majorité des deux tiers (⅔) de ses membres est requise.
Conséquences de la déclaration de l’état d'empêchement par le Parlement : l'intérim du Président du Conseil de la Nation pour 45 jours
- L'intérim du Chef de l'État est assuré par le Président du Conseil de la Nation, pour une durée maximale de 45 jours. Le Président du Conseil de la Nation doit exercer ses prérogatives d'intérimaire en respectant les dispositions de l’article 104 de la Constitution. Néanmoins, ses prérogatives ne sont pas aussi étendues que celles du Président de la République. En effet :
- Il ne peut recourir au référendum ;
- Il ne peut pas gracier, ni effectuer une remise ou une commutation de peine ;
- Il n’a pas le pouvoir de dissoudre l'Assemblée Populaire Nationale ou de décider d'élections législatives anticipées (comme le peut le Président de la République en vertu de l’article 147 de la Constitution), ni même recevoir la démission du Gouvernement dont la motion de censure aurait été approuvée.
- Il ne peut demander une révision de la Constitution (comme le peut le Président en vertu de l’article 208) et encore moins promulguer la loi portant révision constitutionnelle sans la soumettre à référendum populaire (art 110).
- Il ne peut pas non plus démettre le Gouvernement en place ni opérer aucun remaniement.
- il ne peut non plus faire application de l’article 142 de la Constitution à savoir, en cas de vacance de l'Assemblée Populaire Nationale ou durant les vacances parlementaires, légiférer par ordonnance sur des questions urgentes, après avis du Conseil d'Etat, et les soumettre pour approbation à chacune des deux chambres à la prochaine session.
En effet, le Président du Conseil de la Nation n’est pas élu. Or le Président tient justement les prérogatives léonines, propres à sa fonction, en raison de la légitimité qu’il tire du peuple. On ne saurait accorder les mêmes attributions au président intérimaire non élu, au risque de le voir en profiter pour s’installer durablement au pouvoir.
L’actuel Président du Conseil de la Nation est Monsieur Salah Goudjil, âgé de 89 ans.
La déclaration de vacance après 45 jours
À l’expiration du délai de 45 jours d’interim, si l’empêchement subsiste, le Conseil Constitutionnel procède à une déclaration de vacance par démission de plein droit (la Constitution évoque alors l’empêchement définitif). Dans ce cas, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit pour constater la vacance définitive du Président de la République, au sein d’un “acte de déclaration de vacance définitive”. Cela vaut aussi bien pour la démission que pour le décès du Président.
Immédiatement, l’acte de déclaration de vacance définitive est transmis au Parlement, lequel se réunit de plein droit.
Dans ce cas, la seconde période d'Intérim du Président du Conseil de la Nation débute et dure jusqu’à 90 jours, délai fixé pour l’organisation de l’élection présidentielle. Pour cette élection à venir, le Président du Conseil de la Nation ne pourra pas être candidat à la Présidence de la République.
Si la vacance du Président de la République et celle du Président du Conseil de la Nation se produisent, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit et constate à l'unanimité la vacance définitive de la Présidence de la République et l'empêchement du Président du Conseil de la Nation.
Dans ce cas, le Président du Conseil constitutionnel assume la charge de Chef de l'Etat dans les mêmes conditions restrictives que celles prévues pour l’intérim du Président du Conseil de la Nation et ne pourra lui non plus être candidat à la Présidence de la République.
Ce qui pourrait changer avec le nouveau Projet de loi Constitutionnelle
Tout d’abord, l’article 102 est remplacé par l’article 94 dans le nouveau Projet de loi Constitutionnelle du 5 septembre 2020.
Dans ce nouveau Projet, le Conseil Constitutionnel a une nouvelle appellation de Cour constitutionnelle et non plus de Conseil constitutionnel.
La Cour constitutionnelle doit toujours se réunir de plein droit mais sans délai : cela signifie que les rédacteurs n’ont pas souhaité enfermer la Cour dans un délai, lui laissant le temps qui sera nécessaire pour se réunir.
La Cour constitutionnelle n’a plus besoin d’attendre de convaincre l’unanimité de ses membres pour faire la proposition de déclaration de l’état d’empêchement au Parlement, seule la majorité des ¾ suffit. Il y a là une volonté de simplification.
Le Président du Conseil de la Nation exerce toujours ses prérogatives dans le respect des dispositions de la Constitution. Mais la numérotation d’article change. Ce n’est plus à l’article 104 que l’on doit se référer pour connaître les limitations des prérogatives du Président du Conseil de la Nation durant sa période d'intérim mais à l’article 96 de la version amendée.
Dans l’ancienne version, à l’issue de la période d'Intérim de 90 jours du Président du Conseil de la Nation, l’élection présidentielle est organisée. Dans la nouvelle version il est ajouté qu’en cas d’impossibilité d’organiser ces élections, ce délai peut être prorogé pour une durée de 90 jours supplémentaires après avis de la Cour constitutionnelle.
Enfin, concernant le dernier alinéa, le quorum change : le Conseil constitutionnel ne se réunira plus à l’unanimité pour constater la vacance définitive de la Présidence de la République et l’empêchement du Président du Conseil de la Nation en cas de conjonction de la démission ou du décès des deux ; désormais la majorité des ¾ suffit.
Vous êtes abonné ? Restez à jour en consultant les notes, communiqués et circulaires ainsi que l’ensemble des Codes en vigueur sur Legal Doctrine.
Restez à l’affût des dernières actualités juridiques en vous abonnant à notre newsletter Legal Doctrine.