Face aux enjeux croissants liés à la gestion des déchets et aux risques accrus de catastrophes naturelles, l’Algérie a pris des mesures législatives et réglementaires pour renforcer son dispositif de protection de l'environnement et de la sécurité publique. Ces enjeux sont devenus d'autant plus cruciaux au regard des défis liés à l'urbanisation rapide, à l'industrialisation, ainsi qu’aux changements climatiques, qui accentuent la fréquence et l’intensité des catastrophes naturelles.
Dans cette optique, des réglementations plus strictes ont été mises en place afin de mieux encadrer les obligations des acteurs publics et privés dans la gestion des déchets et la prévention des risques. Ces nouvelles mesures visent à renforcer la prévention, optimiser la coordination des interventions en cas de sinistres, et promouvoir des pratiques de gestion des déchets plus sûres, durables et respectueuses de l’environnement.
Dans ce cadre, quatre décrets exécutifs ont été récemment promulgués. Ces textes législatifs fixent les conditions de gestion des déchets, les modalités d’intervention en cas de catastrophes naturelles et les obligations des différents acteurs dans la chaîne de gestion, allant des autorités locales aux entreprises spécialisées. Ces décrets viennent ainsi compléter le cadre juridique national, en vue d'assurer une meilleure réactivité face aux risques environnementaux et d'accélérer la mise en œuvre de solutions écologiques adaptées aux défis contemporains.
Cadre juridique
Les nouvelles dispositions reposent sur les textes suivants :
- Décret exécutif n° 25-60 du 28 janvier 2025, fixant les conditions et les modalités d’élaboration, d’approbation et de mise en œuvre des plans directeurs de gestion des déchets.
- Décret exécutif n° 25-61 du 28 janvier 2025, relatif aux conditions et modalités de gestion des déchets inertes.
- Décret exécutif n° 25-62 du 28 janvier 2025, portant sur la prévention et la gestion des déchets générés par les catastrophes naturelles.
- Décret exécutif n° 25-63 du 28 janvier 2025, définissant les conditions et modalités d’élaboration, de mise en œuvre et de gestion des plans d’intervention en matière de risques de catastrophes.
Plans Directeurs de Gestion des Déchets
Les Plans Directeurs de Gestion des Déchets (PDGD) constituent des outils stratégiques essentiels, élaborés pour organiser de manière optimale la collecte, le traitement, la valorisation et l’élimination des déchets à la fois à l’échelle locale et nationale. Ces plans visent à structurer un système de gestion des déchets qui soit à la fois efficace, durable et conforme aux normes environnementales. Ils sont conçus sur la base d’une analyse détaillée des flux de déchets générés, des capacités d’infrastructure existantes, ainsi que des projections futures en matière de volumes de déchets.
L’élaboration des PDGD repose sur plusieurs principes fondamentaux :
- La concertation entre les autorités locales et les organismes spécialisés : Une collaboration étroite est indispensable pour prendre en compte les spécificités locales, les besoins de chaque région, et garantir une gestion harmonieuse et cohérente des déchets sur l’ensemble du territoire.
- L’évaluation des besoins en infrastructures de traitement et de recyclage : Il s'agit d’identifier les infrastructures nécessaires à la collecte, au tri, au traitement et au recyclage des déchets, afin de mettre en place des solutions adaptées à chaque type de déchet et à chaque zone géographique.
- L’intégration des principes de l’économie circulaire et du développement durable : Les PDGD doivent promouvoir des pratiques qui privilégient la réduction des déchets à la source, le recyclage, la réutilisation des matériaux et la valorisation énergétique. L'objectif est de minimiser l'impact environnemental tout en favorisant une gestion plus responsable des ressources naturelles.
Une fois élaborés, ces plans doivent être approuvés par les autorités compétentes avant d’être mis en œuvre. Cette validation permet de s'assurer de la conformité du plan avec les politiques nationales de gestion des déchets et de garantir l'engagement des parties prenantes à suivre les lignes directrices établies. Une mise en œuvre efficace des PDGD est essentielle pour répondre aux défis environnementaux actuels et futurs, tout en améliorant la qualité de vie des citoyens et en contribuant à la préservation des écosystèmes.
Gestion des Déchets Inertes
Les déchets inertes, principalement issus des activités de construction et de démolition, représentent une catégorie particulière de déchets nécessitant des mesures spécifiques afin de prévenir leur accumulation incontrôlée et de favoriser leur recyclage. Ces déchets, tels que les bétons, briques, gravats, et autres matériaux de construction, sont souvent difficiles à gérer en raison de leur volume important et de leur durabilité dans l'environnement. Pour répondre à ces enjeux, des règles strictes ont été mises en place pour encadrer leur gestion, leur valorisation et leur recyclage.
Les principales obligations liées à la gestion des déchets inertes comprennent :
- L’identification et l’agrément des sites de stockage et de valorisation : Il est essentiel de définir et d’agréer des sites spécialisés pour le stockage temporaire des déchets inertes ainsi que pour leur valorisation. Ces sites doivent répondre à des normes strictes en matière de sécurité environnementale, de contrôle des nuisances et de gestion des volumes reçus.
- L’obligation pour les entreprises du secteur BTP de trier et de valoriser leurs déchets : Les entreprises de bâtiment et travaux publics (BTP) sont tenues de trier systématiquement leurs déchets sur les chantiers. Elles doivent mettre en place des dispositifs permettant de séparer les matériaux réutilisables (béton, briques, gravats, etc.) et de les envoyer vers les filières de recyclage appropriées. Cela permet de réduire l’enfouissement des déchets et de promouvoir la réutilisation des matériaux dans de nouveaux projets de construction.
- La mise en place de filières de recyclage pour les matériaux réutilisables : Des filières spécifiques de recyclage doivent être créées pour les matériaux pouvant être réutilisés, comme le béton, les briques et les gravats. Ces matériaux, une fois collectés et traités, peuvent être utilisés dans de nouveaux travaux de construction, réduisant ainsi la demande en matières premières et diminuant l'empreinte écologique du secteur.
Les contrevenants à ces dispositions s’exposent à des sanctions administratives et financières. Ces sanctions peuvent inclure des amendes importantes, des interdictions d’exploitation ou des mesures de redressement imposées par les autorités compétentes. L’objectif est de garantir la conformité avec les normes de gestion des déchets et de promouvoir une gestion plus responsable et durable des ressources dans le secteur du BTP.
Prévention et Gestion des Déchets en Cas de Catastrophes Naturelles
Les catastrophes naturelles, qu’il s’agisse de séismes, d’inondations, de tempêtes ou d’autres événements climatiques extrêmes, génèrent des volumes considérables de déchets, souvent dangereux pour la santé publique et l’environnement. Ces déchets peuvent contenir des matériaux toxiques, des produits chimiques, des débris de constructions, ainsi que des résidus de substances polluantes. Afin de répondre à cette problématique, la réglementation impose désormais un cadre strict pour la gestion des déchets post-catastrophe.
Les principales mesures réglementaires sont les suivantes :
- La mise en place de protocoles d’urgence : Des protocoles d’urgence doivent être élaborés pour garantir une réaction rapide et efficace face à la gestion des déchets générés après une catastrophe. Ces protocoles définissent les procédures à suivre pour la collecte, le tri, et le traitement des déchets spécifiques à chaque type de catastrophe, tout en minimisant les risques pour la santé et l’environnement. Ces protocoles doivent être révisés régulièrement et testés lors d’exercices de simulation pour garantir leur efficacité en situation réelle.
- L’intégration des mesures de gestion des déchets dans les plans de prévention des risques : Les plans de prévention des risques (PPR) doivent désormais inclure des mesures de gestion des déchets post-catastrophe. Cette intégration permet d’assurer que des solutions de gestion efficaces sont mises en place avant qu'une catastrophe ne survienne, réduisant ainsi l'impact environnemental immédiat et facilitant la reconstruction après l'événement. Elle vise également à anticiper la gestion des déchets spécifiques aux risques identifiés dans chaque région.
- La coordination entre les services de protection civile, les collectivités locales et les entreprises de gestion des déchets : La coordination entre les différents acteurs impliqués dans la gestion des déchets post-catastrophe est primordiale. Cela inclut les services de protection civile, les collectivités locales, ainsi que les entreprises spécialisées dans la gestion des déchets. Une collaboration fluide permet une réponse rapide et cohérente, en garantissant que chaque acteur joue son rôle, notamment pour le ramassage, le tri, le transport et le traitement des déchets.
- Le suivi rigoureux pour éviter toute pollution secondaire : Un suivi rigoureux doit être mis en place pour éviter toute pollution secondaire liée à la dispersion de déchets dangereux, tels que les déchets toxiques ou les résidus chimiques. Ce suivi inclut des contrôles réguliers sur le terrain et l’utilisation de techniques spécifiques pour neutraliser ou éliminer les substances dangereuses. Des mécanismes de surveillance sont également mis en œuvre pour suivre l'impact environnemental à long terme, notamment en matière de contamination des sols et de l'eau.
Ces mesures visent à protéger la santé publique et l’environnement tout en garantissant une gestion efficace et durable des déchets générés par les catastrophes naturelles. Leur mise en œuvre repose sur une planification rigoureuse, une réactivité adaptée et une coordination optimale entre tous les acteurs concernés.
Plans d’Intervention en Matière de Risques de Catastrophes
Afin d’améliorer la réactivité et l’efficacité des interventions en cas de catastrophe, de nouveaux plans d’intervention doivent être mis en place. Ils se déclinent en :
- Plans particuliers d’intervention (PPI) : ils concernent les installations industrielles présentant des risques majeurs et détaillent les mesures de prévention, d’alerte et d’intervention en cas d’incident.
- Plans internes d’intervention (PII) : propres à chaque installation, ils précisent les modalités d’organisation des secours et les ressources mobilisables en cas d’accident.
Les exploitants des sites concernés doivent élaborer ces plans à leurs frais et les soumettre à l’approbation des autorités locales.
Mise en Œuvre et Suivi des Nouvelles Réglementations
La mise en application des réglementations relatives à la gestion des déchets repose sur plusieurs mécanismes de contrôle et d’évaluation destinés à garantir l’efficacité et la conformité des mesures mises en place. Ces mécanismes visent à assurer que les acteurs concernés respectent les normes environnementales et les procédures de gestion des déchets tout en garantissant la sécurité publique.
Les principaux mécanismes de contrôle et d’évaluation incluent :
- L’organisation d’exercices de simulation : Les exploitants de sites de gestion des déchets, qu’il s’agisse de centres de stockage, de traitement ou de recyclage, sont tenus d’organiser régulièrement des exercices de simulation. Ces exercices ont pour but de tester l’efficacité des plans d’intervention en cas d’incidents ou de catastrophes. Ils permettent de vérifier la réactivité des équipes, l’adaptation des procédures et la coordination avec les autorités compétentes, tout en identifiant les points à améliorer pour une gestion optimale des situations d’urgence.
- Le suivi périodique par les autorités locales : Un suivi régulier est assuré par les autorités locales et les organismes de contrôle pour garantir que les exploitants respectent les nouvelles exigences légales. Ce suivi comprend des inspections sur le terrain, des audits techniques, ainsi que l’examen des rapports d’activité des exploitants. Il permet de s’assurer que les pratiques de gestion des déchets sont conformes aux normes et que les mesures de prévention et de traitement des déchets sont mises en œuvre de manière adéquate.
- Les sanctions en cas de manquement : En cas de non-respect des réglementations, des sanctions strictes peuvent être appliquées. Celles-ci peuvent inclure des amendes substantielles, des suspensions temporaires d’activités, voire des poursuites judiciaires dans les cas les plus graves. Ces sanctions visent à inciter les exploitants à respecter les obligations légales et à garantir un environnement sain et sécurisé pour la population et l’écosystème.
L’objectif global de ces mécanismes de contrôle et d’évaluation est de garantir une gestion des déchets plus rigoureuse et transparente, tout en renforçant la responsabilité des acteurs impliqués et en minimisant les impacts environnementaux négatifs.
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