Sécurité, feux de forêt, secours : l’Algérie encadre l’usage de ses drones
Un nouveau cadre pour l’usage des drones étatiques
Publié au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire, l’arrêté interministériel du 27 juin 2025 (Aouel Moharram 1447) constitue une avancée majeure dans l’encadrement juridique de l’usage des systèmes d’aéronefs sans pilote à bord (drones) par les institutions de l’État.
Signé conjointement par le ministre de la Défense nationale et le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, cet arrêté vient appliquer l’article 44 du décret présidentiel n° 21-285 du 13 juillet 2021, qui posait le cadre général régissant les drones en Algérie.
Ce texte s’inscrit dans une dynamique plus large de modernisation des moyens de l’État en matière de sécurité, de secours et de gestion des risques, alors que l’Algérie fait face à des défis croissants : feux de forêt dévastateurs, risques industriels, catastrophes naturelles, ou encore besoins accrus de surveillance du territoire.
L’arrêté du 27 juin 2025 ne se limite pas à définir les conditions techniques d’utilisation des drones : il organise la coordination entre les différents services publics utilisateurs, fixe les règles d’engagement, de sécurité, de formation et de communication, et encadre même les cas d’affrètement de drones étrangers.
Son ambition est claire : assurer un usage harmonisé, sûr et souverain des aéronefs sans pilote appartenant à l’État, mis à sa disposition ou affrétés par lui.
Un socle juridique solide au service d’une coordination interinstitutionnelle
Une base légale articulée autour du décret présidentiel n° 21-285
L’arrêté du 27 juin 2025 s’appuie sur une série de textes de référence, témoignant d’une approche transversale :
- la loi n° 98-06 du 27 juin 1998 relative à l’aviation civile,
- la loi n° 19-02 du 17 juillet 2019 sur la prévention des incendies et des paniques,
- la loi n° 23-21 du 23 décembre 2023 sur les forêts,
- la loi n° 24-04 du 26 février 2024 relative à la prévention et à la réduction des risques de catastrophes,
- ainsi que divers décrets présidentiels et exécutifs relatifs à la recherche et au sauvetage aérien, maritime et terrestre.
Cette fondation juridique solide permet de lier l’usage des drones d’État à la sécurité publique, à la protection civile et à la gestion durable du territoire.
L’arrêté vise donc à éviter les chevauchements de compétences entre institutions (Défense, Intérieur, Forêts, Protection civile, Gendarmerie, etc.) en imposant une coordination centralisée via le Centre national des systèmes d’aéronefs sans pilote à bord.
Des règles communes d’utilisation et de sécurité
L’article 1er de l’arrêté définit son objet : fixer les règles d’utilisation et de coordination des drones appartenant à l’État, mis à sa disposition ou affrétés par lui, lorsqu’ils sont utilisés dans les missions :
- d’intervention des services de sécurité,
- de secours et de sauvetage,
- et de lutte contre les feux de forêt.
Les articles suivants précisent les conditions techniques et opérationnelles :
- En agglomération, seuls les drones de catégorie 1 et 2 à voilure tournante sont autorisés, afin de garantir la stabilité et la sécurité des vols (art. 5).
- Les drones doivent être électriques, sauf dérogation spéciale (art. 6).
- Les hauteurs maximales sont strictement encadrées : 120 mètres au maximum, sauf exception (art. 11).
- Les vols doivent toujours se dérouler hors des zones sensibles, sauf autorisation (art. 7).
Cette réglementation instaure ainsi un équilibre entre efficacité opérationnelle et sécurité aérienne.
Une gestion opérationnelle centralisée et sécurisée
Des acteurs clairement identifiés
Chaque organisme utilisateur (sécurité, protection civile, forêts…) doit désigner un responsable des activités drones, joignable 24h/24 (art. 13).
Lors de chaque mission, plusieurs figures assurent la sécurité et la coordination :
- un coordinateur, chargé du lien avec les centres opérationnels (art. 14 à 16),
- un officier de guidage, garant du visuel et de la sécurité aérienne (art. 17 et 18),
- et le télépilote, responsable du vol et du respect des procédures (art. 20 à 26).
Ce triptyque institutionnel formalise une véritable chaîne de commandement opérationnelle.
Une coordination interservices renforcée
Les articles 29 à 44 encadrent la coordination entre services lors des opérations conjointes :
- Le partage de l’espace aérien se fait selon une sectorisation de l’espace d’intérêt, définie par les centres opérationnels.
- Les interventions relevant du Plan ORSEC ou d’un plan particulier d’intervention (PPI) intègrent désormais explicitement les drones comme moyens mobilisables.
- Le directeur du poste de commandement opérationnel (PCO) assure la cohérence de l’action aérienne (art. 41).
Cette approche systémique garantit que les drones d’État soient intégrés à la doctrine nationale de gestion de crise, et non utilisés de manière dispersée.
L’ouverture contrôlée à l’affrètement et à la coopération étrangère
L’encadrement strict de l’affrètement
Le chapitre 3 (articles 45 à 66) traite d’une dimension nouvelle : l’affrètement de drones, algériens ou étrangers, par l’État.
Ce recours est permis uniquement en cas de nécessité opérationnelle, et doit faire l’objet d’un contrat ou d’un accord d’affrètement précisant la durée, les responsabilités et les assurances (art. 47).
Les drones affrétés doivent être certifiés, homologués, immatriculés et disposer des autorisations d’exploitation de leur pays d’origine (art. 49 à 51).
Les conditions d’utilisation de drones étrangers
L’arrêté prévoit la possibilité d’utiliser des drones avec équipages étrangers, mais dans un cadre très encadré :
- ces appareils doivent être dépourvus de systèmes embarqués pouvant compromettre la sécurité nationale (art. 60),
- les télépilotes étrangers doivent être accompagnés de représentants des services algériens (art. 61),
- et leur phraséologie et protocole de communication doivent être validés avant toute mission (art. 64).
Ainsi, l’Algérie affirme une souveraineté totale sur tout dispositif aérien évoluant dans son espace national, même lorsqu’il s’agit d’un appui étranger.
Un outil de gouvernance et de souveraineté technologique
Par cet arrêté du 27 juin 2025, le gouvernement algérien franchit une étape décisive dans la structuration du droit des drones publics.
En combinant exigence de sécurité, coordination interinstitutionnelle et maîtrise technologique, le texte instaure un véritable cadre national d’emploi des drones de l’État.
Plus qu’un simple règlement technique, il traduit une vision stratégique :
- faire des drones un outil au service de la sécurité, du secours et de la prévention des catastrophes,
- tout en garantissant une gouvernance souveraine de ces technologies sensibles, à l’heure où elles deviennent incontournables pour la gestion moderne des risques et la défense du territoire.
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