20 janv. , 2021

Conclure un contrat en droit algérien

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Conclure un contrat en droit algérien illustration

Le contrat est une convention faisant naître une ou plusieurs obligations ou bien créant ou transférant un droit réel.

L’article 54 du Code civil algérien définit le contrat comme étant « une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner à faire ou à ne pas faire quelque chose. »

Le contrat peut être « synallagmatique ou bilatéral, lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres » (article 55 du Code civil), ou unilatéral « lorsqu’une ou plusieurs personnes sont obligées envers une ou plusieurs autres, sans que de la part de ces derniers, il y ait d’engagement » (article 56 du Code civil).

Quelles sont les conditions de conclusion d’un contrat en droit algérien ? Quelles sanctions sont-elles prévues en cas de non-respect de ces conditions ?

La phase de négociation du contrat (ou pourparlers)

Sans s’éterniser sur cette phase non réglementée par le droit algérien, il convient de dire qu’en matière de relations d’affaires et surtout pour des montants très importants, la phase de pourparlers existe et est sous-tendue par l’idée que les négociations impliquent un comportement responsable (exemple : ne serait pas responsable : la violation d’un secret, divulgation d’une information confidentielle à un concurrent).

Dans ce cas, il est toujours possible aux parties d’invoquer la responsabilité pour faute sur le fondement de l’article 124 du Code civil algérien pour obtenir des dommages et intérêts. « Tout acte quelconque de la personne qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. »

La phase de pourparlers doit également être dépourvue de tout abus (c’est-à-dire l’obligation de ne pas abuser du droit de ne pas contracter) au risque de se voir attaqué sur le fondement de l’article 124 bis du Code civil qui prévoit que :

« L’exercice abusif d’un droit est constitutif d’une faute, notamment dans les cas suivants :

  • s’il a lieu dans le but de nuire à autrui,
  • s’il tend à la satisfaction d’un intérêt dont l’importance est minime par rapport au préjudice qui en résulte pour autrui,
  • s’il tend à la satisfaction d’un intérêt illicite. »

Le Professeur A. Bencheneb souligne l’esprit dans lequel les parties doivent être durant la phase de négociation jusqu’à son terme en cette juste formulation : « la bonne foi doit irriguer toute la relation entre personnes, dès lors qu’elles ont le projet de contracter ».

Les conditions de formation du contrat en droit algérien

Le Code civil algérien pose un certain nombre de conditions pour la validité de la conclusion du contrat. Pour conclure un contrat, il faut 3 conditions : le consentement, un objet au contrat, une cause au contrat.

Le consentement 

Il est impératif pour que le contrat se forme que les parties aient échangé leurs « volontés concordantes » (article 59 du Code civil). Il faut donc une offre, une acceptation et une rencontre des volontés.

— Offre : il faut un réel engagement de donner suite à une acceptation et pas une vague proposition. C’est un acte unilatéral qui engage son auteur. C’est pourquoi elle doit être claire, sans réserve, et mentionner tous les points essentiels du contrat ex. : pour une vente, l’offre doit au moins mentionner la chose et le prix. Si l’offre est assortie d’un délai de validité de l’offre, l’article 63 du Code civil prévoit que « l’auteur de l’offre est lié par son offre jusqu’à l’expiration de ce délai. La fixation du délai peut résulter implicitement des circonstances ou de la nature de l’affaire. » Si l’auteur de l’offre la retire avant = réparation civile pour « perte de chance » de conclure le contrat aux conditions de l’offre. À l’expiration de l’offre, elle devient caduque et l’auteur de l’offre est libéré de son engagement.

— Acceptation : c’est également un acte unilatéral. L’acceptation est une déclaration de volonté. « Nul ne saurait être tenu de contracter ». La Constitution de 1996 consacre en son article 37 la liberté d’entreprendre, même si, en réalité ce principe est tempéré en pratique ex : en matière d’assurance, une personne est parfois obligée par la loi de contracter. Cette obligation peut être tempérée si la concurrence sur le marché des assurances existe. Dans ce cas, le contractant retrouve une certaine liberté de choix.

— pas de formalisme particulier : peut se faire oralement, par écrit ou encore par des signes « généralement en usage ou encore par une conduite telle qu’elle ne laisse aucun doute sur la véritable intention de son auteur » (article 60 du Code civil). Exemple : un contrat de travail qui n’aurait pas été rédigé, avec une personne ordonnant clairement à une personne d’effectuer des tâches plaçant celle-ci sous un lien de subordination, en échange d’une rémunération pourra être reconnu comme contrat de travail, si l’intention de l’auteur est claire.

— peut être expresse, mais aussi tacite lorsque la loi ou les parties n’exigent pas qu’elle soit expresse : la volonté tacite implique un comportement passif. Dans ce cas le silence d’une partie vaut-il acceptation ? Ex. : une personne fait une offre, l’autre personne ne l’accepte pas ni ne la refuse.

Principe : le silence ne vaut pas acceptation

Exception : lorsque le silence est éloquent. C’est-à-dire que le silence est inacceptable au vu de la situation contractuelle (paresse, manque de diligence, lenteurs excessives…), l’article 68 du code civil prévoit que « Lorsque l’auteur de l’offre ne devait pas, en raison soit de la nature de l’affaire, soit des usages du commerce, soit d’autres circonstances, s’attendre à une acceptation expresse, le contrat est réputé conclu si l’offre n’a pas été refusée dans un délai convenable. L’absence de réponse vaut acceptation lorsque l’offre se rapporte à des relations d’affaires déjà existantes entre les parties ou lorsqu’elle est seulement dans l’intérêt de son destinataire. » Donc le silence vaut acceptation dans 3 cas : 

  1. lorsque la réponse à une offre ne s’impose pas : il faudra tout de même respecter un délai raisonnable de réflexion à partir de l’offre. Et la doctrine s’accorde à réserver cette alternative aux professionnels, car pour les particuliers il ne faudrait pas qu’il y ait d’abus.
  2. lorsque le silence s’inscrit dans une relation d’affaires : dans les relations d’affaires, une certaine confiance s’étant instauré il est parfois inutile d’exiger le caractère exprès de l’acceptation.
  3. lorsque l’offre est faite dans l’intérêt du destinataire


— produit son effet dès qu’elle parvient à la connaissance de son destinataire. Celui-ci sera réputé avoir pris connaissance de la déclaration dès sa réception, à moins de preuve contraire. À tel point que si l’émetteur de la volonté décède ou devient incapable, le contrat est valable dès lors que le destinataire avait reçu cette déclaration de volonté (article 62 du Code civil).

S’il existe un délai d’acceptation, l’auteur de l’offre est lié jusqu’à l’expiration de ce délai (article 63). Il ne pourra s’engager ailleurs même si entre temps une offre plus alléchante se présente à lui. Le délai peut être implicite ou résulter de la nature de l’affaire.

Hypothèse de la séance contractuelle : Si, en séance contractuelle, une offre est faite à une personne présente, sans fixation de délai pour l’acceptation, l’auteur de l’offre est délié si l’acceptation n’a pas lieu immédiatement. Il en est de même si l’offre est faite de personne à personne au moyen du téléphone ou de tout autre moyen similaire (article 64 du Code civil). Toutefois, le contrat est conclu, même si l’acceptation n’est pas immédiate, lorsque, dans l’intervalle entre l’offre et l’acceptation, rien n’indique que l’auteur de l’offre l’ait rétractée, pourvu que la déclaration de l’acceptation ait lieu avant que la séance contractuelle ne prenne fin.


  • Lorsque le consentement est donné, il y a donc rencontre des volontés, le contrat est réputé conclu : les parties, à ce stade peuvent ne s’être entendu que sur les points essentiels du contrat, en prévoyant de régler les points de détail ultérieurement. Sauf si de l’entente sur ces points accessoires dépend la validité du contrat (article 65).

Hypothèse du contrat entre absents : il est « réputé conclu dans le lieu et au moment où l’auteur de l’offre a pris connaissance de l’acceptation » (article 67 du Code civil). L’auteur de l’offre est réputé avoir eu connaissance de l’acceptation dans le lieu et au moment où l’acceptation lui est parvenue.

En marge du contrat lui-même il peut existe : 

  • la lettre d’intention : souvent utilisé dans les contrats d’affaires internationaux, par laquelle son signataire manifeste son souhait de contracter. Elle n’est pas réglementée par le droit civil algérien.
  • promesses de contrat : « La convention par laquelle les parties ou l’une d’elles promettent de conclure dans l’avenir un contrat déterminé, n’a d’effet que si les points essentiels du contrat envisagé et le délai dans lequel ce contrat doit être conclu, sont précisés (…) » (article 71 du Code civil).
  • pacte de préférence : comme la promesse, cette option donne priorité au bénéficiaire de la promesse au cas ou elle envisagerait de conclure. La promesse peut être unilatérale ou synallagmatique.

Obligations d’information

le consentement donné doit être de qualité. C’est la raison pour laquelle le législateur fait de plus en plus peser sur les parties des obligations précontractuelles d’information. Même quand la loi ne le prévoit pas, il existe un principe général de loyauté en matière contractuelle duquel découle l’information loyale de son cocontractant.

Vices du consentement

le consentement ne doit pas être vicié, altéré. Il existe 4 sortes de vices du consentement : l’erreur, le dol, la violence. En tant que faits juridiques, leur preuve pourra être apportée par tout moyen.

Focus sur les différents vices du consentement

Erreur

Elle émane de la victime et n'est pas définie par le Code civil.

Article 81 du Code civil — L’annulation du contrat peut être demandée par la partie qui, au moment de le conclure, a commis une erreur essentielle.

Article 82 du Code civil. — L’erreur est essentielle lorsque sa gravité atteint un degré tel que, si cette erreur n’avait pas été commise, la partie qui s’est trompée n’aurait pas conclu le contrat.

L’erreur est essentielle notamment :

  • lorsqu’elle porte sur une qualité de la chose que les parties ont considérée comme substantielle ou qui doit être considérée comme telle, eu égard aux conditions dans lesquelles le contrat a été conclu et à la bonne foi qui doit régner dans les affaires.
  • lorsqu’elle porte sur l’identité ou sur l’une des qualités de la personne avec qui l’on contracte, si cette identité ou cette qualité est la cause principale ayant déterminé la conclusion du contrat.

Article 83 du Code civil — À défaut de disposition légale contraire, l’erreur de droit entraîne l’annulabilité du contrat, si elle remplit les conditions de l’erreur de fait, conformément aux articles 81 et 82.

Article 84 du Code civil — De simples erreurs de calcul ou de plume n’affectent pas la validité du contrat ; elles doivent être corrigées.

Conditions pour constater l'erreur
  • une erreur
  • essentielle (c’est à dire grave et déterminante au regard de la conclusion du contrat)

Dol

Manœuvres frauduleuses, intentionnelles, émanant du cocontractant. Le Code civil le définit comme suit « Le contrat peut être annulé pour cause de dol, lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties ou par son représentant ont été telles que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Le silence intentionnel de l’une des parties au sujet d’un fait ou d’une modalité, constitue un dol quand il est prouvé que le contrat n’aurait pas été conclu, si l’autre partie en avait eu connaissance. » (article 86 du Code civil). Cette manœuvre frauduleuse pourra être réparée sur le fondement de l’article 124 du Code civil précédemment évoqué (responsabilité pour faute).

Conditions pour constater le dol
  • une manœuvre frauduleuse
  • émanant du cocontractant
  • déterminant du consentement

Violence

Le contrat est annulable pour cause de violence, si l’une des parties a contracté sous l’empire d’une crainte fondée que lui aurait inspirée sans droit, l’autre partie.

La crainte est réputée fondée lorsque la partie qui l’invoque devait croire, d’après les circonstances, qu’un danger grave et imminent la menaçait elle-même, ou l’un de ses proches, dans sa vie, sa personne, son honneur ou ses biens.

Dans l’appréciation de la contrainte, il est tenu compte du sexe, de l’âge, de la condition sociale et de la santé de la victime, ainsi que de toutes les autres circonstances susceptibles d’influer sur sa gravité (article 88 du Code civil).

Article 89 du Code civil — lorsque la violence est exercée par un tiers, la victime ne peut demander l’annulation du contrat que s’il est établi que l’autre partie en avait ou devait nécessairement en avoir connaissance.

Conditions pour constater la violence

  • une violence
  • provoquée par le cocontractant
  • déterminant du consentement
  • provoquant une crainte illégitime

La capacité pour conclure un contrat

En plus des conditions classiques de formation du contrat évoquées, les parties au contrat doivent, pour conclure, avoir la capacité (le droit de conclure des actes) et le pouvoir de conclure un contrat (cas d’une représentation de contracter pour le compte d’une personne). Être capable c’est avoir la capacité physique, mentale, intellectuelle de faire des actes juridiques. Toute personne est capable de contracter à moins qu’elle ne soit déclarée totalement ou partiellement incapable en vertu de la loi (article 78 du Code civil).

En ce qui concerne les règles de capacité des mineurs, interdits judiciaires et légaux et autres incapables, il est fait application des dispositions prévues à cet effet par le code de la famille (article 79 du Code civil)

Les conditions relatives au contenu du contrat : l’objet et la cause

L’objet du contrat

pour conclure valablement, le contrat doit contenir un objet. À défaut la nullité peut être prononcée. L’objet, c’est l’obligation caractéristique pour laquelle le contrat a été conclu.

Les choses futures et certaines peuvent être l’objet d’une obligation (article 92 du Code civil). Cependant, toute convention sur la succession d’une personne vivante est nulle, même si elle est faite de son consentement, sauf dans les cas prévus par la loi.

L’objet du contrat pour être valable doit être :

  • possible
  • déterminé ou déterminable
  • non contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs (article 93 du Code civil : Si l’objet de l’obligation est impossible en soi ou s’il est contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, le contrat est de nullité absolue, c’est-à-dire que toute personne même non partie au contrat peut demander la nullité de la convention.) 

Bien entendu, l’objet du contrat ne doit pas non plus être illicite. 

Notons que la notion de bonnes mœurs n’est pas définie dans le droit algérien, la moralité varie et n’est pas figée dans le temps. Les ramifications de ces notions sont nombreuses. La jurisprudence en ce sens joue un rôle important.

La cause du contrat

L’article 97 du Code civil pose l’obligation de l’existence d’une cause au contrat pour être valable. « Le contrat est nul lorsqu’on s’oblige sans cause ou pour une cause contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. »

2 conditions pour que le contrat soit valable :

  • la cause doit exister
  • la cause doit être conforme aux bonnes mœurs et à l’ordre public.

Le législateur a posé une présomption d’existence de la cause dans toute obligation à l’article 98 du Code civil : « Toute obligation est présumée avoir une cause licite, tant que le contraire n’est pas prouvé. »

La cause exprimée dans le contrat est considérée comme vraie jusqu’à preuve contraire. Lorsque la preuve de la simulation de la cause est administrée, il incombe à celui qui soutient que l’obligation a une autre cause licite de la prouver.


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