Face à la transformation rapide des usages en matière de paiements, portée par la digitalisation croissante de l’économie et l’émergence d’acteurs non bancaires, la Banque d’Algérie a franchi une étape décisive avec l’adoption du Règlement n° 25-02 du 14 avril 2025. Ce texte fondateur établit un cadre juridique applicable aux prestataires de services de paiement (PSP), en définissant les conditions de leur création, les modalités d’agrément, les modalités d’exercice de leur activité ainsi que les mécanismes de contrôle auxquels ils sont soumis.
Jusqu’à présent, les services de paiement étaient majoritairement assurés par les établissements bancaires traditionnels, dans un cadre juridique centré sur les opérations bancaires classiques. Cette organisation limitait la capacité d’innovation du secteur et freinait l’essor de solutions de paiement alternatives, telles que les portefeuilles électroniques, les paiements via mobile ou les applications fintech. En l’absence d’un statut juridique clair pour les opérateurs non bancaires, ces derniers ne pouvaient ni être encadrés efficacement ni contribuer pleinement à l’inclusion financière ou à la digitalisation des échanges.
Le présent règlement vient combler ce vide réglementaire en reconnaissant juridiquement les prestataires de services de paiement (PSP) en tant qu’acteurs à part entière du système financier. Un PSP est une entité — bancaire ou non bancaire — autorisée à fournir des services liés à l’exécution de paiements (virements, prélèvements, paiements par carte, émission ou acquisition de monnaie électronique, etc.). Ce statut permet à des opérateurs technologiques, fintechs ou sociétés spécialisées d’intervenir légalement sur le marché des paiements, sous réserve du respect de conditions strictes en matière de gouvernance, de sécurité, de protection des utilisateurs et de supervision.
Cette réforme intervient donc à un moment clé, où l’Algérie cherche à moderniser son infrastructure financière, à réduire l’usage du cash, à renforcer la traçabilité des transactions et à ouvrir le marché à l’innovation. En permettant l’intégration de nouveaux acteurs et en clarifiant les règles du jeu, le Règlement n° 25-02 vise à construire un écosystème de paiement plus dynamique, inclusif et sécurisé.
À travers ce texte, la Banque d’Algérie jette ainsi les bases d’un marché des services de paiement plus ouvert, plus compétitif et mieux adapté aux enjeux numériques actuels. Voici les principales dispositions à retenir.
Définition et champ d’application
Le règlement définit les PSP comme des sociétés constituées conformément à la législation bancaire, habilitées à fournir des services spécifiques de paiement, tels que :
- le dépôt et le retrait d’espèces sur un compte de paiement,
- l’exécution de virements, de prélèvements, ou d’opérations par carte,
- l’émission d’instruments de paiement,
- la transmission de fonds,
- et la gestion de comptes de paiement.
Sont exclus du champ d’application les établissements de crédit et la Banque d’Algérie elle-même lorsqu’ils fournissent de tels services.
Constitution des PSP : conditions préalables
Avant leur agrément, les PSP doivent obtenir une autorisation de constitution. Cette phase implique :
- la création d’une société en conformité avec la loi monétaire et bancaire ;
- la soumission d’un dossier complet au président du Conseil de la monnaie et du crédit, incluant :
- les statuts de la société,
- une étude technico-économique,
- l’origine des fonds constituant le capital,
- les éléments relatifs aux fondateurs, dirigeants et actionnaires,
- une description du dispositif technique, organisationnel, sécuritaire et des mécanismes de gestion des risques.
Le capital social minimum est fixé à cent soixante millions (160 000 000) de dinars algériens, entièrement libéré en numéraire.
Agrément : procédures et pièces justificatives
Une fois l’autorisation de constitution obtenue, les promoteurs doivent solliciter l’agrément du gouverneur de la Banque d’Algérie dans un délai de 12 mois. La demande doit comporter :
- Un rapport d’évaluation des dispositifs techniques, réalisé par un cabinet indépendant ;
- Les contrats avec des prestataires techniques ;
- Les documents d’agrément des dirigeants et responsables de la sécurité et du système d’information ;
- Le contrat de domiciliation bancaire du compte de cantonnement destiné à recevoir les fonds des utilisateurs.
Exercice de l’activité : obligations des PSP
Les prestataires agréés doivent respecter un ensemble d’obligations rigoureuses :
- Localisation : Le siège social ainsi que la plateforme technique doivent être établis en Algérie.
- Protection des fonds : Les fonds des utilisateurs sont obligatoirement logés sur un compte de cantonnement, distinct des comptes de la société.
- Garanties financières : Les PSP doivent souscrire une garantie bancaire ou une assurance responsabilité civile professionnelle.
- Transparence : Ils doivent informer clairement les utilisateurs sur les conditions contractuelles et tarifaires.
- Sécurité et conformité : Des mécanismes de gestion des risques, de sécurité informatique et de lutte contre le blanchiment doivent être mis en place.
- Réclamations : Un dispositif efficace de traitement des réclamations des utilisateurs est requis.
Encadrement, supervision et sanctions
La Banque d’Algérie exerce une surveillance permanente sur les PSP. Ceux-ci doivent produire des rapports d’audit interne et externe, transmettre périodiquement des informations financières et techniques, et se soumettre aux inspections de la Banque d’Algérie.
En cas de manquement, des sanctions administratives peuvent être infligées, allant de l’avertissement à la révocation de l’agrément, en passant par la suspension temporaire de certaines activités.
Délai de conformité
Les modalités pratiques d’application du règlement seront complétées par des instructions de la Banque d’Algérie. Par ailleurs, les PSP existants disposent d’un délai d’un an à compter de la date de publication du règlement pour se conformer à ces nouvelles exigences.
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