La régularisation foncière constitue un enjeu majeur dans le cadre de la sécurisation des droits de propriété en Algérie. En raison des difficultés rencontrées lors des opérations de cadastre, de nombreux biens immobiliers sont restés non réclamés ou ont été enregistrés, à tort, au nom de l’État.
Plus précisément, l’Instruction n° 4300 de la Direction Générale des Domaines Nationaux du 10 mars 2025 relative aux nouvelles dispositions du projet de loi de finances 2025 concernant la régularisation des biens immobiliers inscrits au compte des « biens non réclamés pendant les travaux de cadastre » et ceux enregistrés au nom de l'État par erreur, rapporte que les équipes de cadastre rencontrent des difficultés pour identifier les propriétaires ou les occupants de certains biens, en raison de l'absence des titulaires des droits sur le terrain. Ces biens ont jusqu’alors été enregistrés sous un compte spécifique intitulé « biens non réclamés pendant les travaux de cadastre ». Par la suite sont effectuées des enquêtes montrant que certains biens ont été inscrits dans les documents du cadastre au nom de l'État, alors que leur propriété revient à des privés.
À noter que les biens enregistrés sous le compte « biens non réclamés pendant les travaux de cadastre » étaient soumis à une procédure de régularisation conformément aux dispositions de l'article 89 de la loi de finances 2018, modifiant et complétant l'article 23 bis de l'ordonnance n° 75-74 du 12 novembre 1975, et qui a été suivie de l'instruction n° 4060 du 5 avril 2018 concernant les modalités de régularisation des cas similaires.
Afin de pallier ces insuffisances, la loi de finances 2025 a introduit des mesures visant à faciliter la régularisation administrative de ces biens, évitant ainsi le recours systématique à la justice. Ces nouvelles dispositions sont inscrites dans l’article 166 de la loi de finances 2025, qui modifie et complète l’article 23 bis de l’ordonnance n°75-74 du 12 novembre 1975 relative au cadastre et à la création du registre foncier.
La distinction des situations cadastrales avant la loi de Finance 2025
Deux situations existent :
- Soit les biens ont été enregistrés au nom de l'État par erreur : il a été décidé de traiter cette situation sans recourir aux juridictions compétentes, comme le prévoit l'article 16 du décret n° 76-63 du 25 mars 1976, modifié et complété, relatif à la création du registre foncier, en raison de l'absence de droit de l'État sur ces biens. L'instruction n° 910 du 29 janvier 2020 a permis de lancer la procédure de régularisation en faveur des personnes disposant uniquement de contrats notariés, conformément aux dispositions de l'instruction n° 4060 du 5 avril 2018, notamment en ce qui concerne les régularisations des contrats notariés.
- Soit les biens n’avaient pas été réclamés pendant les travaux de cadastre bien qu’appartenant à des privés (pour les besoin de l’avancée des travaux de cadastre) : dans ce cas, ces biens étaient soumis à une procédure de régularisation conformément aux dispositions de l'article 89 de la loi de finances 2018, modifiant et complétant l'article 23 bis de l'ordonnance n° 75-74 du 12 novembre 1975, et qui a été suivie de l'instruction n° 4060 du 5 avril 2018 concernant les modalités de régularisation des cas similaires.
Toutefois, l'article 23 bis modifié et complété par les articles de la loi de finances 2018 ainsi que l'instruction n° 910 du 29 janvier 2020 a rencontré plusieurs difficultés qui ont empêché le traitement complet des demandes de régularisation des cas soumis, en raison de l'expiration des délais pour les demandes de régularisation des biens. En effet, ces demandes étaient traitées dans un délai de deux (02) ans à compter de la date de dépôt des documents du cadastre au conservatoire foncier.
Cette situation n’a pas permis à une catégorie de citoyens de bénéficier de la régularisation administrative, ce qui les a contraints à recourir aux juridictions compétentes pour demander l'obtention des titres fonciers des biens sur lesquels ils exercent des droits fonciers.
Afin de donner un nouvel élan au processus et d'assurer le traitement de tous les cas possibles pour leur régularisation administrative, et afin d'éviter tout préjudice aux titulaires de droits fonciers et de soulager à la fois les citoyens et les juridictions, il a été nécessaire de revoir les dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 75-74 du 12 novembre 1975 et de l'instruction n° 4060 du 5 avril 2018 ainsi que la circulaire n° 910 du 29 janvier 2020.
C’est dans ce contexte, qu’est adopté l’article 166 de la loi de finances 2025, modifiant et complétant l'article 23 bis de l'ordonnance n° 75-74 du 12 novembre 1975, lequel introduit de nouvelles mesures afin de:
- permettre aux citoyens de bénéficier d'une régularisation des biens enregistrés sous le compte « biens non réclamés pendant les travaux de cadastre »,
- sans recourir aux juridictions compétentes,
- en élargissant la base des bénéficiaires de la régularisation
- et en prolongeant le délai de régularisation
L'Extension du Droit à la Régularisation et l'Assouplissement des Délais depuis la loi de finance 2025
L’une des avancées majeures apportées par cette réforme est l’élargissement des bénéficiaires de la procédure de régularisation. Désormais, les particuliers et les personnes morales disposant de titres de propriété reconnus (عقود توثيقية, أحكام قضائية, شهادات حيازة مسجلة, عقود إدارية) peuvent demander la régularisation de leurs biens non réclamés ou enregistrés à tort au nom de l’État.
En outre, la loi de finances 2025 prolonge considérablement le délai de régularisation. Alors que la législation précédente imposait une période de deux ans à compter du dépôt des documents cadastraux au niveau de la conservation foncière, le nouveau texte porte ce délai à quinze ans. Cette extension vise à permettre à un plus grand nombre de propriétaires concernés de régulariser leur situation sans avoir à engager des procédures judiciaires longues et coûteuses.
Le champ de la régularisation a également été étendu pour inclure les dossiers précédemment rejetés en raison de l'expiration des délais.
La Procédure de Régularisation et le Rôle des Administrations Compétentes
La nouvelle procédure repose sur une démarche administrative simplifiée et plus accessible. Désormais, la demande de régularisation doit être déposée auprès de la direction du cadastre et de la conservation foncière (مصالح المسح العقاري وحفظ الملكية العقارية), accompagnée des documents justificatifs établissant les droits du demandeur.
Une fois la demande soumise, une enquête administrative (تحقيق إداري) est menée afin de vérifier l’absence de revendications concurrentes et de s’assurer que le bien n’appartient pas à l’État. Cette enquête s’appuie sur les archives cadastrales et les témoignages de riverains si nécessaire.
Dans le cadre de cette réforme, l’administration foncière joue un rôle clé en centralisant les demandes et en garantissant la transparence du processus. Une fois la régularisation approuvée, un titre de propriété définitif (عقد ملكية نهائي) est délivré, conférant une sécurité juridique renforcée aux bénéficiaires.
Les nouvelles dispositions introduites par la loi de finances 2025 traduisent une volonté d’améliorer la gestion foncière en facilitant l’accès à la propriété pour les citoyens et en réduisant les contentieux judiciaires. En élargissant les bénéficiaires, en assouplissant les délais et en simplifiant la procédure de régularisation, ces mesures s’inscrivent dans une dynamique de modernisation du cadre juridique et administratif de la propriété foncière en Algérie.
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