La lutte contre la corruption est un enjeu majeur. Dans cette optique, la constitution de 2020 a marqué un tournant décisif en instaurant la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption comme une institution de contrôle chargée de renforcer la gouvernance et d'assurer l'intégrité des institutions étatiques.
Deux ans après l'adoption de la constitution, la loi n°22-08 du 5 mai 2022 avait été promulguée, établissant de manière formelle l'organisation, la composition et les attributions de la haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption. Cette loi représente une étape cruciale dans la consolidation des mesures de transparence et de lutte contre la corruption, fournissant un cadre juridique solide pour l'action de l'autorité.
Plus récemment, le décret présidentiel n° 23-234 du 27 juin 2023 a été publié, précisant les structures opérationnelles et les modalités de fonctionnement de la haute autorité, ce décret complète la législation en fournissant des directives spécifiques pour la mise en œuvre des missions de la Haute autorité et garantit son efficacité dans la lutte contre la corruption.
Cadre juridique
- Loi n°22-08 du 5 mai 2022 fixant l’organisation, la composition et les attributions de la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption
- Décret présidentiel n° 23-234 du 27 juin 2023 fixant les structures de la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption
Qu’est ce que la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption ?
La Haute autorité est une institution indépendante dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière et administrative son siège est situé à Alger.
L’autorité vise à atteindre les indicateurs les plus élevés d’intégrité et de transparence dans la gestion des affaires publiques.
Attributions de la haute autorité
Attributions prévues par la constitution
L’article 205 de la constitution a prévu à la haute autorité les attributions suivantes:
- Élaborer la stratégie nationale de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption et veiller à son exécution et son suivi ;
- Collecter et de traiter l’information relative à son domaine de compétence et la mettre à la disposition des organes concernés ;
- Saisir la Cour des comptes et l’autorité judiciaire compétente chaque fois qu’elle constate qu’il y a infraction, et d’enjoindre, le cas échéant, des injonctions aux institutions et organes concernés ;
- Contribuer au renforcement des capacités de la société civile et des autres acteurs engagés dans la lutte contre la corruption ;
- Suivre, de mettre en œuvre et de diffuser la culture de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption ;
- Émettre son avis sur les textes se rapportant à son domaine de compétence ;
- Participer à la formation des agents publics des organes chargés de la transparence, de la prévention et de la lutte contre la corruption ;
- Contribuer à la moralisation de la vie publique et consolider les principes de transparence, de bonne gouvernance, de prévention et de lutte contre la corruption.
Attributions prévues par la loi 22-08
Outre les attributions prévues par la Constitution, la haute autorité exerce les attributions suivantes :
- Collecter, centraliser, exploiter et diffuser toute information et recommandation permettant d’aider les administrations publiques et toute personne physique ou morale à prévenir et à détecter les actes de corruption ;
- Évaluer, périodiquement, les instruments juridiques de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption et les mesures administratives et leur efficience dans le domaine de la transparence, de la prévention et de la lutte contre la corruption et proposer les mécanismes appropriés pour les améliorer ;
- Recevoir les déclarations de patrimoine et en assurer le traitement et le contrôle, conformément à la législation en vigueur ;
- Assurer la coordination et le suivi des activités et des actions liées à la prévention et à la lutte contre la corruption engagées, en se basant sur les rapports périodiques et réguliers, assortis de statistiques et d'analyses que lui adressent les secteurs et les intervenants concernés ;
- Mettre en place un réseau interactif destiné à impliquer la société civile à fédérer et à promouvoir ses activités dans le domaine de la transparence, de la prévention et de la lutte contre la corruption ;
- Consolider les règles de transparence et d’intégrité dans l'organisation des activités caritatives, cultuelles, culturelles et sportives et dans les entreprises publiques et privées par l'élaboration et la mise en œuvre de dispositifs appropriés de prévention et de lutte contre la corruption ;
- Veiller au développement de la coopération avec les institutions et organisations de prévention et de lutte contre la corruption, tant au niveau régional qu’au niveau international;
- Élaborer les rapports périodiques sur l'implémentation des mesures et procédures de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption, conformément aux dispositions conventionnelles ;
- Coopérer de manière proactive dans la mise en place d'un mode régulier et systématique de partage d'informations avec les organismes similaires au niveau international et avec les organes et les services concernés par la lutte contre la corruption ;
- Élaborer un rapport annuel d’activité qu’elle adresse au Président de la République et informer l’opinion publique de son contenu.
La Haute autorité est chargée également des enquêtes administratives et financières sur les signes d'enrichissement illicite de l’agent public qui ne peut justifier l'augmentation substantielle de son patrimoine. Ces enquêtes menées par la Haute autorité peuvent comprendre toute personne susceptible d’être impliquée dans la dissimulation de la richesse injustifiée d’un agent public, lorsqu’il est établi que ce dernier en est le véritable bénéficiaire, au sens de la législation en vigueur.
La Haute autorité peut demander des éclaircissements écrits ou verbaux à l’agent public ou à la personne concernée.
Signalement relatif à des faits de corruption
La Haute autorité peut recevoir l’alerte et /ou la plainte par toute personne physique ou morale en possession des informations, données ou preuves relatives à des faits de corruption. Pour être recevable, la plainte ou l’alerte doit être écrite, signée et comportant des éléments se rapportant aux faits de corruption et des éléments suffisants pour déterminer l'identité du lanceur d’alerte ou du plaignant.
En cas d’éléments sérieux confirmant l'existence d’un enrichissement injustifié d’un agent public, la Haute autorité peut soumettre, au procureur de la République auprès du tribunal de Sidi M’Hamed, un rapport aux fins de prendre des mesures conservatoires pour geler les opérations bancaires ou saisir des biens, pour une durée de trois (3) mois, par ordonnance du président dudit tribunal.
Sous peine des sanctions prévues pour l'infraction d’entrave au bon fonctionnement de la justice, prévues par la législation en vigueur, relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, les institutions et les organes publics ainsi que toute personne physique ou morale, publique ou privée, sont tenus de coopérer avec la Haute Autorité et lui fournir toutes les informations et l'assistance nécessaires pour l’accomplissement de ses missions.
Les décisions de la Haute autorité sont susceptibles de recours judiciaire
Composition et organisation de la haute autorité
La Haute autorité est composée des organes suivants :
- Président de la Haute autorité ;
- Conseil de la haute autorité;
- Organe spécialisé d'enquête administrative et financière sur l’enrichissement illicite de l’agent public ;
- Un secrétariat général, dirigé par un secrétaire général qui est assisté de trois (3) sous-directions :
- La sous-direction des ressources humaines et des moyens généraux;
- La sous-direction du budget et de la comptabilité;
- La sous-direction de l’informatique, de la documentation et des archives.
- Une division des déclarations de patrimoine, de la conformité, des signalements et des dénonciations : Elle comprend deux (2) directions :
- La direction de la gestion et du traitement des déclarations de patrimoine;
- La direction de la conformité, des signalements et des dénonciations.
- Une division de la sensibilisation, de la formation et de la coopération: Elle comprend deux (2) directions :
- La direction de la sensibilisation, de la formation et de la veille juridique;
- La direction de la coopération.
Président de la Haute autorité
Le président de la Haute autorité est le représentant légal de l’autorité, il est nommé par le président de la république pour un mandat de cinq (5) années, renouvelable une seule fois.
Ses attributions:
- Élaborer le projet de la stratégie nationale de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption et veiller à son exécution et son suivi ;
- Élaborer le projet du plan d’action de la Haute autorité ;
- Élaborer le projet du règlement intérieur de la Haute Autorité ;
- Exercer l’autorité hiérarchique sur l’ensemble du personnel ;
- Élaborer le projet du statut particulier des fonctionnaires de la Haute autorité ;6. diriger les travaux du conseil de la Haute autorité ;
- Élaborer le projet du budget annuel ;
- Élaborer le projet du rapport annuel de la Haute autorité et l’adresser au Président de la République, après son adoption par le conseil ;
- Transmettre au procureur général territorialement compétent, les dossiers comportant des faits susceptibles de constituer une infraction pénale et au président de la Cour Des comptes ceux susceptibles de constituer des irrégularités de gestion ;
- Développer la coopération avec les organismes de prévention et de lutte contre la corruption au niveau international et échanger les informations avec eux ;
- Informer, périodiquement, le conseil de toutes les alertes ou plaintes dont il est saisi et des mesures prises dans ce cadre.
Conseil de la Haute autorité
Le conseil de la Haute autorité est présidé par le président de la Haute autorité et est composé des membres du conseil qui sont nommés par décret présidentiel pour une durée de cinq (5) années, non renouvelable, et il est mis fin à leur fonction dans les mêmes formes.
Ces membres sont les suivants :
- Trois (3) membres choisis, par le Président de la République, parmi les personnalités nationales indépendantes ;
- Trois (3) magistrats, un de la Cour suprême, un Conseil d’Etat et un de la Cour des comptes, choisis, respectivement, par le Conseil supérieur de la magistrature et par le Conseil des magistrats de la Cour des comptes ;
- Trois (3) personnalités indépendantes, choisies, à raison de leurs compétences dans les questions financières et/ou juridiques ainsi que de leur intégrité et de leur expérience dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la corruption, respectivement par le président du Conseil de la Nation, le président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Premier ministre ou le Chef du Gouvernement, selon le cas;
- Trois (3) personnalités de la société civile, choisies parmi les personnes connues pour l’intérêt qu’elles portent aux questions relatives à la prévention et à la lutte contre la corruption, par le président de l’Observatoire national de la société civile.
Avantages:
Le président et les membres du conseil bénéficient de toutes les facilitations pour l’exercice de leurs fonctions pendant la durée de leur mandat. Ils bénéficient, également, pendant et/ou à l’occasion de l’exercice de leurs missions, de la protection de l’Etat contre les diffamations, menaces et attaques de quelque nature que ce soit. Le président et les membres du conseil bénéficient également d'indemnités fixées par voie réglementaire.
Missions :
Le conseil est chargé de :
- Examiner et d’adopter le projet de la stratégie nationale de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption ;
- Examiner et d’adopter le plan d’action de la Haute Autorité qui lui est soumis par le président de la Haute Autorité ;
- Enjoindre des injonctions aux institutions et organes concernés, en cas de manquement à la probité ;
- Adopter le projet du budget de la Haute autorité ;
- Adopter le règlement intérieur de la Haute autorité ;
- Examiner les dossiers susceptibles de comporter des faits de corruption qui lui sont soumis par le président de la Haute autorité ;
- Émettre des avis sur les questions soumises à la Haute Autorité par le Gouvernement ou le Parlement et toute autre institution ou organisme concerné(e), en relation avec ses missions;
- Adopter le rapport annuel des activités de la Haute Autorité ;
- Émettre des avis sur les projets de coopération en matière de prévention et de lutte contre la corruption avec les instances et les organisations internationales.
Mesures financières
La Haute autorité dispose d'un budget spécifique inscrit au sein du budget général de l'État. Le président de cette institution est chargé de gérer le budget de la Haute autorité. Les modalités d'application de cette disposition sont déterminées, le cas échéant, par voie réglementaire.
En ce qui concerne son fonctionnement, l'État accorde à la Haute autorité tous les moyens humains, financiers et matériels nécessaires. La comptabilité de cette institution est gérée conformément aux règles de la comptabilité publique, en accord avec la législation et la réglementation en vigueur, et elle est soumise au contrôle des services compétents de l'État. Cela assure une gestion transparente et rigoureuse des ressources affectées à la Haute autorité.
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