Le privilège de juridiction ou encore immunité de juridiction représente le droit donné à certaines personnes, de comparaître devant une juridiction autre que celle à laquelle les règles du droit commun procédural attribuent la compétence. Cette règle était consacrée dans le code de procédure pénale. Et il était en effet admissible que l'on puisse prétendre à ce que de hauts fonctionnaires soient jugés par des pairs et non par des juridictions de droit commun, puisque leur statut relevaient de pouvoirs extraordinaires. Mais suite aux dérives et à la corruption dont ont fait preuve ces catégories de privilégiés, il a été décidé de l'abolir en 2020.
Quel est le champ d’action de la règle de privilège de juridiction en droit algérien ? Et pour quelle catégorie de personnes est-elle mise en œuvre ? Qu'en reste-il aujourd'hui?
Le privilège de juridiction
Le privilège de juridiction, accorde, conformément à la section 19 de la Convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées, aux cadres supérieurs de l'Etat, la possibilité de se faire poursuivre et jugé devant des juridictions autres que celles territorialement compétentes dans le droit commun.
Ainsi, et conformément à l’article 573 du code de procédure pénale, lorsqu’un haut fonctionnaire de l’Etat, est accusé d’un crime ou d’un délit, commis dans l’exercice de ses fonctions, le procureur de la république responsable de l’affaire, la transmet par voie hiérarchique, au procureur général près de la cour suprême qui désigne un membre de la cour suprême aux fins de procéder à une information.
Les catégories de personnes concernées par le privilège de juridiction
Les catégories de fonctionnaires de l’Etat, pour lesquels est appliqué le privilège de juridiction sont:
- Les membres du gouvernement ;
- Les magistrats de la cour suprême ;
- Les walis ;
- Les présidents de la cour ;
- Les procureurs généraux auprès d’une cour.
Vers une abolition de la règle de privilège de juridiction
Le privilège de juridiction ou bien l’immunité de juridiction, avait été abordé dans le communiqué du 13 octobre 2019, par le Président de la République. Le Conseil des Ministre a adopté, en outre, un projet de loi amendant l'ordonnance n°66-155 du 08 juin 1966 portant Code de Procédure Pénale, présenté par le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, dans le but de supprimer tous les privilèges, dont jouissent les personnes influentes de l’Etat et de renforcer le système législatif dans la lutte contre la corruption et toute forme de criminalité.
Ce communiqué a souligné l’impact négatif du privilège de juridiction sur la mise en œuvre de l’action publique, menaçant ainsi, de réduire le champ d’action des officiers de la police judiciaire. Ce communiqué dans son 7ème paragraphe, met d'accent sur l’importance de devoir consacrer le principe constitutionnel d'égalité de tout un chacun devant la Justice, et ce, quel que soit le statut fonctionnel de chaque individu. Initié dans le cadre du renforcement du système législatif de lutte contre la corruption et toutes les formes de criminalité, cet amendement abroge toutes les dispositions ayant eu un impact négatif sur la mise en mouvement l'action publique et celles constituant des entraves à l'action de la Police judicaire, notamment dans les affaires de corruption et de dilapidation du denier public, incluant les privilèges de juridiction.
La modification de l’article 573 du code de procédure pénale
En effet, la règle du privilège de juridiction à finalement été abrogé par les dispositions de l’article 6 de l’Ordonnance n°20-04 du 30 août 2020 modifiant et complétant l’ordonnance n°66-155 du 8 juin 1966 portant code de procédure pénale, qui dispose que :
« Art. 573. — Lorsqu’un membre du Gouvernement, un magistrat de la Cour suprême, du Conseil d’Etat ou du tribunal des conflits, un wali, un président de Cour, un président d’un tribunal administratif, un procureur général près une Cour ou un commissaire d’Etat près un tribunal administratif, est susceptible d’être inculpé d’un crime ou d’un délit commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, le procureur de la République saisi de l’affaire, transmet le dossier, par voie hiérarchique, au procureur général près la Cour suprême, lequel saisit le premier président de la Cour suprême qui désigne un autre tribunal aux fins de poursuite, d’instruction et de jugement (...) ».
Ainsi et désormais, tous les citoyens, y compris les hauts responsables de l’Etat, plaideront en la même forme dans les mêmes cas, mettant fin aux privilèges judiciaires dont bénéficiaient d’anciens responsables du régime algérien, qui défendaient leur honneur devant des tribunaux spécialisés.
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