Dans notre article relatif à l'exécution des sentences arbitrales en Algérie, nous avions évoqué que des conditions préalables étaient nécessaires pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales en Algérie.
Pour rappel, l’article 1051 du CPCA prévoit que “les sentences d'arbitrage international sont reconnues en Algérie si leur existence est établie par celui qui s'en prévaut et si cette reconnaissance n'est pas contraire à l'ordre public international.
Sous les mêmes conditions, elles sont déclarées exécutoires en Algérie par le président du tribunal dans le ressort duquel elles ont été rendues ou par le tribunal du lieu d'exécution si le siège du tribunal arbitral se trouve hors du territoire national.”
Donc ces conditions valent tant pour la reconnaissance que pour l’exécution. Il existe donc deux conditions préalables que le juge compétent doit vérifier :
- preuve de l’existence de la sentence
L’article 1052 du CPCA dispose que “l'existence d'une sentence arbitrale est établie par la production de l'original accompagné de la convention d'arbitrage ou des copies de ces documents réunissant les conditions requises pour leur authenticité.”
Cette disposition s’inspire de la Convention de New York du 10 juin 1958 qui prévoit en son article 4-1 que : “pour obtenir la reconnaissance et l'exécution (...) la partie qui demande la reconnaissance et l’exécution doit fournir en même temps que la demande
a) L'original dûment authentifié de la sentence ou une copie de cet original réunissant les conditions requises pour son authenticité;
b) L'original de la convention visée à l'article II, ou une copie réunissant les conditions requises pour son authenticité.
Si ladite sentence ou ladite convention n'est pas rédigée dans une langue officielle du pays où la sentence est invoquée, la partie qui demande la reconnaissance et l'exécution de la sentence aura à produire une traduction de ces pièces dans cette langue. La traduction devra être certifiée par un traducteur officiel ou un traducteur juré ou par un agent diplomatique ou consulaire.”
En clair, si la partie qui souhaite diligenter la procédure d'exequatur ne peut produire les originaux de ces pièces, elle doit au moins produire des copies certifiées conformes au greffe de la juridiction compétente. Et bien que le législateur algérien ne précise pas la question des documents en langue étrangère, il sera toujours possible de se référer aux dispositions précitées de la Convention de New York dont l’Algérie est signataire depuis 1988.
- la reconnaissance ne doit pas être contraire à l’ordre public international
C’est là la seconde condition de reconnaissance d’une sentence arbitrale en Algérie. Il faut bien comprendre ici qu’il n’est pas question que le juge apprécie au fond le bien-fondé de la décision. Il doit simplement contrôler qu’elle ne contrevient pas aux grands principes d’ordre public international dégagés par la jurisprudence.
Le président du tribunal compétent, après vérification de l’existence des ces conditions peut alors rendre la sentence exécutoire par une ordonnance au bas ou à la marge de la minute.
Le greffier est alors autorisé à délivrer une expédition en forme exécutoire de cette sentence.
C’est alors qu’un possible recours pourra être fait de cette l’ordonnance (et non de la sentence arbitrale en tant que tel).
Les voies de recours contre une sentence arbitrale
Il est vrai qu’il peut paraître étrange et contraire à l’esprit de l’arbitrage, qui par définition souhaite trancher le litige vite et de manière définitive, de pouvoir exercer un recours pouvant contredire la sentence arbitrale rendue, sur choix des parties. Mais en réalité deux nuances sont à apporter
- la première est que le recours ne se fait pas sur la sentence arbitrale elle même, mais sur l’ordonnance d'exequatur d’un juge national
- la seconde est que le Code de procédure civile et administrative ne connaît que des recours à l’égard des sentences d’arbitrage international et les cas sont limitativement énumérés par la loi.
Deux voies de recours sont prévues : l’appel et le recours en annulation. L’appel est rare dans la mesure où les parties, souvent y ont soit renoncé expressément, soit implicitement, soit ont opté pour l’amiable composition.
Les ordonnances susceptibles d’appel
Les ordonnances susceptibles d’appel sont :
- L'ordonnance qui refuse la reconnaissance ou l'exécution (article 1055 du CPCA)
- Et dans le cas ou le juge émet une ordonnance accordant la reconnaissance ou l’exécution, l’appel de cette ordonnance n'est ouvert que dans les cas suivants (article 1056 du CPCA) :
- si le tribunal arbitral a statué sans convention d'arbitrage ou sur convention nulle ou expirée ;
- si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l'arbitre unique irrégulièrement désigné ;
- si le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ;
- lorsque le principe de la contradiction n'a pas été respecté ;
- si le tribunal arbitral n'a pas motivé ou s'il y a contrariété de motifs ;
- si la sentence est contraire à l'ordre public international.
Si bien qu’en dehors de ces six cas d’ouverture à l’appel d’une ordonnance d’un juge de l’exécution, l’appel n’est pas possible, et bien heureusement puisque l’arbitrage, par essence, donne un rôle prépondérant à la célérité et à la confidentialité de la procédure arbitrale, qui si elle se voit trop souvent remise en question par un juge étatique pourrait être vidée de sa substance.
Le recours en annulation
L’annulation de la sentence dans un pays n’a qu’un effet limité au territoire de l’Etat.
L’article 1058 du CPCA prévoit que “La sentence arbitrale rendue en Algérie en matière d'arbitrage international peut faire l'objet d'un recours en annulation dans les cas prévus à l'article 1056”
- dès lors, le seul fait que la sentence soit rendue en Algérie suffit pour que les juridictions algériennes soient compétentes pour connaître du recours en annulation à son encontre, même s’il n’existe pas d’autre lien avec l’ordre juridique algérien. Le législateur choisit donc un critère purement géographique.
Toutefois, le recours en annulation contre la sentence arbitrale emporte de plein droit recours contre l'ordonnance d'exécution du tribunal ou dessaisissement de ce dernier lorsqu'il n'a pas encore été statué.
Délais de recours
L'appel doit être porté devant la cour dans le délai d'un (1) mois à compter de la signification de l'ordonnance du président du tribunal (article 1057 du CPCA).
Le délai pour exercer les recours suspend l'exécution de la sentence arbitrale . Le recours exercé dans le délai est également suspensif.
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