Le tribunal des conflits est la juridiction en charge de départager les conflits de compétence entre les deux ordres (judiciaire et administratif), lorsque de tels conflits se présentent.
Composé de membres de la Cour Suprême et du Conseil d’État (à parité), le tribunal des conflits est présidé par un magistrat qui pourra départager les voix en cas d’égalité. Il ne siège en pratique que dans les cas où il faut départager des opinions qui s’opposeraient en nombre égal.
Quel rôle tient le tribunal des conflits ? Comment est-il composé ? Qui sont les personnes autorisées à le saisir et quels sont les délais de saisine ?
Retour sur les hautes juridictions en Algérie
Avant d'en arriver au rôle du tribunal des conflits, il convient de préciser qu'il existe en Algérie des hautes juridictions pour les 2 ordres judiciaire et administratif.
- Pour l’ordre judiciaire : il existe trois degrés de juridiction. La première instance (le tribunal), le deuxième degré (la Cour d’appel), et la dernière instance (la Cour suprême) ;
- Pour l’ordre administratif : on retrouve le même schéma, avec le tribunal administratif, la Cour d’appel, et le Conseil d’État.
Au sein de ces deux ordres, les juridictions suprêmes (Cour Suprême et Conseil d’État) ont pour rôle de veiller à l'unification du droit, en apportant des solutions finales en ce qui concerne les problèmes de droit rencontrés par les juridictions des degrés inférieurs.
En ce sens, la Constitution algérienne de 1996 prévoit à l’article 171 que :
« La Cour suprême constitue l’organe régulateur de l’activité des cours et tribunaux.
Le Conseil d’État constitue l’organe régulateur de l’activité des juridictions administratives.
La Cour suprême et le Conseil d’État assurent l’unification de la jurisprudence à travers le pays et veillent au respect de la loi. »
Il est par ailleurs précisé que « Le tribunal des conflits règle les conflits de compétence entre les juridictions de l’ordre judiciaire et les juridictions de l’ordre administratif. »
Ce principe d’arbitrage entre les juridictions des deux ordres est également consacré à l’article 3 de la loi organique n° 98-03 du 3 juin 1998 relative aux compétences, à l’organisation et au fonctionnement du tribunal des conflits en ces termes :
« Le tribunal des conflits est compétent dans les conditions fixées par la présente loi pour le règlement des conflits de compétence entre les juridictions relevant de l’ordre judiciaire et les juridictions relevant de l’ordre administratif. »
Ce principe comporte pour autant une limite :
- Le tribunal des conflits ne peut intervenir dans les conflits de compétence entre les juridictions relevant d’un même ordre.
Tous les travaux, débats, délibérations et décisions du tribunal des conflits et les conclusions des parties s’effectuent en langue arabe.
Composition du tribunal des conflits
La loi organique précédemment citée prévoit que « Le tribunal des conflits est composé de sept (7) magistrats dont le président. Les magistrats du tribunal des conflits sont soumis au statut de la magistrature. »
Le tribunal des conflits publie ses décisions.
Le président du tribunal des conflits est nommé par le Président de la République pour trois (3) ans alternativement parmi les magistrats de la Cour suprême ou du Conseil d’État sur proposition du ministre de la Justice, et ce, après avis conforme du conseil supérieur de la magistrature (article 7 de la loi organique).
Règles de procédure du tribunal des conflits
Tout d’abord, il doit être entendu que le tribunal des conflits ne peut être saisi que des questions se rapportant à des conflits de compétence. Autrement dit, il n’a pas pour mission de connaître du fond de litiges, ni même de question de formes quant à la procédure.
L’article 16 de la loi organique n° 98-03 explique qu’« il y a conflit de compétence lorsque deux juridictions, l’une de l’ordre judiciaire, l’autre de l’ordre administratif, se sont déclarées soit compétentes, soit incompétentes pour juger un même litige. Il y a même litige lorsque les mêmes parties agissent en la même qualité dans les deux instances, la demande est fondée sur la même cause et la question posée au juge est identique. »
En pratique, le tribunal des conflits est saisi par requête accompagnée d’un mémoire de la partie intéressée, déposée et enregistrée au greffe, et il se réunit sur convocation de son président.
Les décisions du tribunal des conflits sont prises à la majorité des voix. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante (article 28 de la loi organique). Par ailleurs, les affaires qui lui sont soumises doivent être rendues dans un délai de six (6) mois au maximum à compter de la date de leur enregistrement.
Les décisions du tribunal des conflits ne sont susceptibles d’aucune voie de recours, et s’imposent tant aux magistrats de l’ordre administratif qu’aux magistrats de l’ordre judiciaire saisis au fond (article 32 de la loi organique)
Les décisions du tribunal des conflits sont motivées. Les noms des magistrats ainsi que celui du commissaire d’État qui ont concouru à la décision y sont mentionnés.
Délai de saisine du tribunal des conflits et personnes autorisées à le saisir
Le tribunal des conflits peut être saisi par toute partie intéressée « dans les deux (2) mois à compter du jour où la dernière en date des décisions n’est plus susceptible d’aucun recours devant les juridictions, soit de l’ordre administratif, soit de l’ordre judiciaire.
Nonobstant les dispositions de l’alinéa 1er ci-dessus, lorsque des décisions définitives déférées au tribunal des conflits présentent des contrariétés, le tribunal des conflits saisi, statue, a posteriori sur la compétence », précise l’article 17 de la loi organique n° 98-03.
En effet, si dans une instance, le juge saisi constate qu’une juridiction s’est déjà déclarée compétente ou incompétente et que sa propre décision entraînerait une contrariété de décision de justice de deux (2) ordres différents, il renvoie par décision motivée qui n’est susceptible d’aucun recours, au tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence. Toute procédure est alors suspendue jusqu’à la décision du tribunal des conflits. Autrement dit, le temps est en quelque sorte suspendu afin de permettre au tribunal des conflits de départager la compétence remise en cause.
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