Le sujet pose en réalité la question de l’arbitrabilité du litige. Nous l’avions déjà évoqué dans le détail historique de l’arbitrage en Algérie, l’aptitude à compromettre n’a pas toujours été reconnue. Aujourd’hui encore, le code de procédure civile et administrative prévoit à l’article 975 que certaines personnes sont exclues de l’arbitrage, dont les personnes morales de droit public, au moins en matière d’arbitrage interne. L’arbitrage international étant permis. Le principe étant qu’ en matière de contentieux administratif, les tribunaux administratifs sont les juridictions de droit commun. Ils connaissent, en premier ressort et à charge d'appel de toutes les affaires où est partie l'Etat, la wilaya, la commune ou un établissement public à caractère administratif.
L’arbitrage est toutefois possible puisque la loi précise que les règles d’arbitrage interne sont applicables devant les juridictions administratives.
Lorsque l'arbitrage concerne l'Etat, le recours à cette procédure est initié par le ou les ministres concernés.
Lorsque l'arbitrage concerne la wilaya ou la commune, le recours à cette procédure est initié, respectivement, par le wali ou le président de l'assemblée populaire communale.
Lorsque l'arbitrage concerne un établissement public à caractère administratif, le recours est initié par son représentant légal ou par le représentant de l'autorité de tutelle dont il relève.
Les cas d’exclusion de l’arbitrabilité d’un litige
Le principe posé à l’article 1006 alinéa 1 du CPCA est le libre recours à l’arbitrage : “Toute personne peut compromettre sur les droits dont elle a la libre disposition.”
L’alinéa 2 pose ensuite les exceptions, et les principaux sujets qui ne sont pas susceptibles de relever du domaine d’application d’une convention d’arbitrage.
Pour qu’un litige puisse être résolu par l’arbitrage, il faut, énonce l’article 1006 du CPCA :
- que la personne qui compromet jouisse de la libre disposition de ses droits
- que le litige ne concerne pas l 'ordre public, l'état et la capacité des personnes;
- que la personne qui compromet ne soit pas une personne morale de droit public sauf si elle compromet dans ses relations économiques internationales et en matière de marchés publics.
Longtemps, les personnes morales de droit public se prévalaient de leur impossibilité de compromettre en raison de leur inaptitude en droit interne, alors qu’en pratique, les arbitres internationaux leur reconnaissaient cette aptitude. C’est notamment le cas dans trois affaires: deux d’entre elles concernant des contrats de travaux entre des collectivités territoriales (Wilaya) et des entreprises françaises, et la troisième affaire connue sous le nom KFTCIC c/ Ikori. Il avait notamment été décidé par le tribunal arbitral, en l’espèce, que l’arbitrabilité du litige était possible étant donné que les dispositions d’ordre public algérien sont réservées aux relations internes et non pas internationales.
Aujourd’hui l’alinéa 3 de l’article 1006 est quasiment vidé de sa substance. Les personnes morales de droit public ont une liberté totale de compromettre en matière de commerce international, et l’arbitrage est limité aux marchés publics en ce qui concerne l’arbitrage de droit interne.
Le critère d’internationalité de l’arbitrage
Pour être résolu par l’arbitrage, le litige doit avoir un caractère international, s’il s’agit d’une personne morale de droit public. Le critère d’internationalité n’a pas été très étayé par la jurisprudence algérienne. On pourrait reprendre, pour la comprendre, la formulation de la cour d’appel de Paris :”Le caractère international de l’arbitrage doit être déterminé en fonction de la réalité économique du processus, à l’occasion duquel il est mis en oeuvre : à cet égard, il suffit que l’opération économique réalise un transfert de biens, de services ou de fonds à travers les frontières. La nationalité des parties, la loi applicable au contrat ou à l’arbitrage, ainsi que le lieu de l’arbitrage, sont en revanche inopérants”.
Est ce à dire, face au vide jurisprudentiel, que cette interprétation du critère d’internationalité est transposable au droit algérien de l’arbitrage ?
Au-delà des nombreux indices que nous offre aujourd’hui la réglementation algérienne (reconnaissance de la clause compromissoire en matière interne et internationale, en matière civile et commerciale, …), l’évolution économique que connaît aujourd’hui l’Algérie nous incite à penser que le champ d’application de l’arbitrage s’élargit.
Vous êtes abonné ? Restez à jour en consultant les notes, communiqués et circulaires ainsi que l’ensemble des Codes en vigueur sur Legal Doctrine.
Restez à l’affût des dernières actualités juridiques en vous abonnant à notre newsletter Legal Doctrine.