Le décret présidentiel n° 25-66 du 4 février 2025 marque une étape significative dans la coopération judiciaire entre l’Algérie et la Tunisie, avec la ratification de la convention relative à l’extradition entre les deux pays. Cette convention, qui avait été signée à Tunis le 15 décembre 2021, constitue un instrument juridique essentiel pour renforcer la collaboration bilatérale en matière de lutte contre la criminalité transnationale.
L’objectif principal de cette convention est de faciliter l'extradition des individus accusés ou condamnés pour des infractions graves, telles que le terrorisme, la corruption, ou le trafic de drogues, entre les deux nations. En ratifiant cet accord, l’Algérie reconnaît officiellement ses engagements envers les principes définis par la convention et s'engage à mettre en œuvre les procédures nécessaires pour garantir leur application effective.
Ce geste témoigne de la volonté des deux pays de renforcer leurs liens en matière de justice pénale et de coopérer plus étroitement pour lutter contre la criminalité organisée et transnationale. La ratification de cette convention marque également un progrès dans l’harmonisation des normes juridiques entre les deux nations et participe à la consolidation de la sécurité régionale.
Obligation d'extrader
Les États parties à la convention s'engagent à s'extrader mutuellement les personnes poursuivies ou condamnées par leurs juridictions compétentes, conformément aux règles et conditions stipulées dans le texte de l’accord.
Infractions donnant lieu à extradition
L'extradition est accordée pour les infractions passibles d'une peine privative de liberté d'une durée minimale de un (1) an. Dans le cas où l'extradition concerne l'exécution d'une peine, il est requis que la durée restante à purger soit d'au moins six (6) mois.
De plus, l'extradition est applicable même si les infractions en question ne sont pas classées de la même manière ou ne portent pas la même qualification juridique dans les deux pays.
Il convient de noter que l’extradition ne peut être refusée sous prétexte que l’infraction concerne des domaines spécifiques tels que la fiscalité, les douanes ou le change.
Enfin, lorsqu'une demande d'extradition fait état de plusieurs infractions, celle-ci peut être acceptée dès lors qu'au moins l'une des infractions mentionnées satisfait aux critères requis par la convention.
Non-extradition des nationaux
Conformément aux principes du droit international, aucun pays ne peut extrader l'un de ses propres citoyens. Cette règle fondamentale vise à protéger les ressortissants nationaux contre l'extradition vers un pays tiers. Toutefois, en cas de refus d'extradition d'un citoyen par l'État requis, ce dernier est tenu, à la demande de la partie requérante, de poursuivre la personne concernée sur son propre territoire pour les infractions qu'elle est accusée d'avoir commises.
Dans cette situation, l'État requis doit procéder à une procédure judiciaire interne en initiant des poursuites, conformément aux lois nationales. La partie requérante devra alors fournir l'ensemble des éléments de preuve et des documents nécessaires pour soutenir la demande et permettre à l'État requis d'étayer sa propre procédure.
Il est également stipulé que l'État requis doit tenir la partie requérante informée des développements de la procédure engagée. Cette communication vise à garantir la transparence du processus et à permettre à la partie requérante de suivre l’évolution de l’affaire, tout en respectant le cadre juridique en place.
Motifs de refus d'extradition
L'extradition est obligatoirement refusée si :
- La personne a déjà été jugée pour les mêmes faits dans la partie requise ou dans un État tiers.
- L’action publique ou la peine est prescrite.
- Une amnistie a été accordée.
- L’infraction a été commise sur le territoire de la partie requise.
- L’extradition viole les droits de l’Homme garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (New York, 16 décembre 1966).
- L’infraction est considérée comme politique, sauf pour :
- Les attentats contre un chef d’État, un membre du gouvernement ou leur famille.
- Les infractions à caractère terroriste.
- Toute infraction exclue du champ politique par un traité international ratifié par les deux parties.
- L’infraction est strictement militaire et ne relève pas du droit commun.
L’extradition peut être refusée si :
- Il existe un risque que la personne soit persécutée en raison de son origine, son sexe, sa nationalité ou ses opinions politiques.
- La remise de la personne est contraire à des considérations humanitaires (âge, santé, etc.).
- Le jugement a été rendu par défaut sans possibilité de réexamen équitable.
- L’infraction a été commise en dehors du territoire de la partie requérante et la partie requise n’autorise pas la poursuite pour un tel cas.
- Des poursuites sont déjà engagées pour les mêmes faits dans la partie requise.
Procédure de demande d'extradition
La demande d'extradition doit être formulée par écrit et transmise par voie diplomatique. Elle doit être accompagnée de documents prouvant l’identité de la personne, un exposé des faits, la qualification légale de l’infraction et les dispositions légales applicables.
Si la personne est poursuivie, la demande doit inclure :
- Une copie du mandat d'arrêt ou acte équivalent.
- Une décision de renvoi devant la juridiction compétente.
Si la personne est déjà condamnée, il faut joindre :
- La décision de condamnation.
- Les informations sur la peine prononcée et purgée.
Les documents transmis dans ce cadre sont dispensés de légalisation, mais doivent être revêtus du sceau officiel de l’autorité compétente.
Arrestation provisoire et extradition simplifiée
En cas d’urgence, l’État requérant peut demander une arrestation provisoire avant l’envoi de la demande d’extradition. Si les documents requis ne sont pas reçus sous 45 jours, la personne est libérée.
L’extradition peut être simplifiée si la personne consent par écrit à être remise sans exiger l’accomplissement de toutes les formalités habituelles.
Pluralité de demandes
Si plusieurs États demandent l’extradition d’une même personne, l’État requis statue en fonction de plusieurs critères :
- L’existence d’une convention internationale pertinente.
- La possibilité d’une extradition ultérieure entre les États requérants.
- Le lieu de commission de l’infraction.
- La gravité de l’infraction et le préjudice causé.
- La date d’arrivée des demandes.
- La nationalité et le lieu de résidence de la personne concernée.
Saisie et remise des objets
Les biens ayant servi à commettre l’infraction ou en étant issus peuvent être remis à l’État requérant, même si l’extradition ne peut pas être réalisée en raison de l’évasion ou du décès de la personne concernée.
Toutefois, les droits des tiers de bonne foi sur ces objets doivent être respectés.
Complément d’informations
Si l'État requis considère que la demande d'extradition ne comporte pas suffisamment d'éléments pour justifier l'extradition, il a le droit de solliciter des informations ou documents complémentaires auprès de la partie requérante. Cette procédure vise à garantir que la demande repose sur des fondements solides, permettant ainsi une évaluation complète et transparente de l'affaire.
L'État requis fixera un délai précis dans lequel ces informations doivent être fournies. Si la partie requérante ne parvient pas à fournir les éléments demandés dans le délai imparti, l'État requis pourra alors décider de libérer la personne concernée, car l'absence de preuves ou de justifications adéquates pourrait rendre l'extradition non conforme aux exigences légales.
Cette disposition garantit que l'extradition soit basée sur des éléments factuels et juridiquement valides, tout en offrant à la partie requérante une opportunité de compléter sa demande. Elle sert également à protéger les droits de la personne visée par l'extradition, en assurant que celle-ci ne soit pas soumise à un processus injustifié ou arbitraire.
Remise ajournée ou conditionnelle
Si la personne à extrader fait l’objet d’une procédure ou purge une peine dans l’État requis, sa remise peut être différée jusqu’à la fin des poursuites ou de l’exécution de la peine.
Elle peut toutefois être temporairement remise sous réserve d’être renvoyée après jugement.
Principe de spécialité
Une personne extradée ne peut être poursuivie que pour l’infraction ayant motivé son extradition, sauf si :
- Elle ne quitte pas le pays requérant dans les 30 jours suivant sa libération.
- L’État requis donne son consentement.
- L’infraction est requalifiée sans changer les faits de base.
- La personne accepte volontairement d’être poursuivie pour une autre infraction.
Décision et remise de la personne
Une fois l’extradition accordée, les parties conviennent des modalités de remise de la personne réclamée. Si celle-ci n'est pas prise en charge dans un délai de 30 jours, elle peut être libérée.
Transit et frais liés à l'extradition
Si l’extradition nécessite un passage par un État tiers, l’autorisation de transit doit être demandée.
Les frais d’extradition sont supportés par l’État requérant, sauf ceux engagés sur le territoire de l’État requis.
Durée de la convention
La convention est conclue pour une durée illimitée et peut être modifiée ou dénoncée à tout moment par notification écrite.
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