Après avoir défini en 2021 le cadre général régissant les systèmes d’aéronefs sans pilote à bord (décret présidentiel n° 21-285 du 13 juillet 2021), puis en 2025 les conditions d’exercice des activités liées à ces appareils (arrêté interministériel du 8 septembre 2025), les autorités algériennes franchissent une nouvelle étape décisive.
Le ministre de la Défense nationale, par l’arrêté du 17 Safar 1447 correspondant au 11 août 2025, fixe désormais les conditions et modalités d’enregistrement, de marquage et d’identification électronique des systèmes d’aéronefs sans pilote à bord.
Pris en application de l’article 14 du décret présidentiel 21-285, ce texte vise à organiser la traçabilité et l’identification technique de chaque drone opérant sur le territoire national.
L’objectif est double :
- renforcer la sécurité de l’espace aérien algérien, en permettant aux autorités de connaître à tout moment l’identité, la position et le propriétaire de chaque appareil ;
- et instaurer une responsabilité claire des usagers, qu’ils soient particuliers, entreprises, institutions publiques ou forces de sécurité.
Cet arrêté s’inscrit dans un mouvement plus large de modernisation juridique du droit aérien algérien, soutenu par la loi n° 98-06 sur l’aviation civile et les lois récentes sur les communications électroniques (18-04), la protection des données personnelles (18-07) et les radiocommunications (20-04). L’Algérie marque sa volonté ferme de souveraineté numérique et sécuritaire dans un contexte où les drones deviennent à la fois des outils d’innovation et des sources potentielles de risques.
L’enregistrement obligatoire de tous les drones
Un passage obligé auprès du Centre national
Tout drone, qu’il appartienne à une personne physique ou morale, doit désormais être enregistré auprès du Centre national des systèmes d’aéronefs sans pilote à bord, structure relevant du ministère de la Défense nationale. Sans cet enregistrement, l’utilisation de l’appareil est illégale.
Le dossier d’enregistrement (article 4) comprend notamment :
- la pièce d’identité du propriétaire,
- la preuve de propriété du drone,
- une autorisation d’acquisition préalable délivrée par le Centre national,
- le certificat d’homologation de l’appareil (sauf pour les prototypes ou tests),
- et le code d’identification électronique.
Après étude du dossier, le Centre délivre un certificat d’enregistrement et d’immatriculation (article 5) comportant toutes les informations techniques et administratives relatives au drone et à son propriétaire.
Ce certificat est valable cinq (5) ans, renouvelable (article 6).
Transparence et traçabilité
Chaque drone reçoit un numéro d’enregistrement unique, selon une nomenclature précise (Annexe I) qui permet d’identifier :
- la nature du détenteur (État, administration, privé),
- le type d’aéronef (à voilure fixe, tournante ou hybride),
- la catégorie d’usage (professionnel, loisir, expérimentation),
- la wilaya et l’année d’immatriculation.
Cette architecture de codage constitue une empreinte administrative propre à chaque appareil, facilitant les contrôles et la prévention des usages illicites.
L’immatriculation et le marquage
Une immatriculation nationale obligatoire
Chaque drone enregistré est inscrit sur le registre matricule aéronautique des systèmes d’aéronefs sans pilote à bord (articles 9 à 12), tenu par le Centre national.
Une fois inscrit, le drone acquiert la nationalité algérienne (article 13) et reçoit un code d’immatriculation officiel.
Tout drone étranger doit, avant d’être enregistré en Algérie, être radié du registre de son pays d’origine (article 14).
De même, un drone algérien exporté ou vendu à l’étranger doit d’abord être radié du registre national (article 15).
Le marquage physique obligatoire
Les articles 17 à 20 imposent un marquage clair et permanent du code d’immatriculation sur le drone.
Les mentions obligatoires incluent :
- le code d’immatriculation,
- le nom et les coordonnées du propriétaire,
- la charge utile.
Ce marquage peut être réalisé par gravure, étiquette ou écriture permanente, à condition d’être visible et durable, sans compromettre la navigabilité.
Le propriétaire est responsable du marquage, qui doit respecter les consignes techniques du fabricant.
L’identification électronique : un traçage numérique en temps réel
Un dispositif électronique obligatoire
Le chapitre 4 (articles 25 à 27) introduit une innovation majeure :
tout drone doit être équipé d’un système d’identification électronique capable de transmettre en continu certaines données clés :
- identifiant unique du drone,
- position géographique et altitude,
- vitesse, direction et point de décollage,
- position du télépilote,
- heure d’émission.
Ces informations, non chiffrées et diffusées de manière omnidirectionnelle, permettent aux autorités d’identifier un drone en vol en temps réel, de prévenir les incidents et d’assurer une gestion dynamique de l’espace aérien.
Un cadre technique précis
L’Annexe II fixe les spécifications techniques :
- signal Wi-Fi émis toutes les 30 secondes sur la bande 2,4 GHz ;
- portée minimale de 150 mètres ;
- compatibilité avec d’autres technologies (LTE, 5G) ;
- signalisation lumineuse visible à 3 km, sans nuisance visuelle, adaptée selon le type de drone (voilure fixe, tournante, hybride).
Ces normes visent à uniformiser les systèmes électroniques tout en favorisant la compatibilité avec les technologies modernes de suivi aérien.
Dispositions transitoires et application
Les détenteurs de drones déjà en circulation disposent d’un délai de six (6) mois à compter de la publication de l’arrêté au Journal officiel pour régulariser leur situation (article 28).
Passé ce délai, tout drone non enregistré ou non identifiable pourra être saisi ou interdit de vol.
Vers une souveraineté aérienne numérique
Avec l’arrêté du 11 août 2025, l’Algérie se dote donc d’un système complet d’identification et de traçabilité des drones, combinant enregistrement administratif, marquage visible et identification électronique. Cette triple approche répond aux exigences de sécurité, de transparence et de souveraineté dans un secteur en pleine expansion. Ce texte, pris par le ministre de la Défense nationale, témoigne d’une stratégie claire : encourager l’innovation technologique tout en assurant un contrôle rigoureux de l’espace aérien.
L’Algérie se positionne ainsi parmi les États qui construisent un modèle intégré de gouvernance des drones, conciliant progrès et sécurité publique.
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