L’Agence Nationale des Produits Pharmaceutiques (ANPP), sous la tutelle du ministère de l’Industrie Pharmaceutique, a publié le 22 mai 2025 deux notes d’information distinctes, ayant chacune des implications juridiques majeures. La première concerne l’encadrement strict de la commercialisation de Fortimel Compact Protéine, un aliment diététique à visée médicale. La seconde acte la suspension de l’enregistrement de la spécialité Progestérone Pharlon (BAYER), solution injectable.
Ces deux décisions s’inscrivent dans le cadre de la réforme continue de la régulation du médicament en Algérie, engagée depuis la loi n°18-11 du 2 juillet 2018 relative à la santé, modifiée et complétée. Ce texte a renforcé le rôle des autorités sanitaires dans l’évaluation, le contrôle, l’autorisation, et, au besoin, le retrait des produits de santé du marché.
Dans cet article, nous analyserons les implications juridiques de ces décisions selon trois axes :
- le cadre juridique applicable à l’enregistrement et à la distribution des produits pharmaceutiques,
- la qualification juridique des aliments à visée médicale spéciale,
- la procédure de suspension et de retrait du marché d’un médicament.
Le cadre juridique de l’enregistrement et de la distribution des produits pharmaceutiques en Algérie
Le fondement juridique principal est la loi n°18-11 du 2 juillet 2018 relative à la santé, qui distingue plusieurs catégories de produits de santé (médicaments, dispositifs médicaux, produits à usage diététique particulier, etc.). Cette loi prévoit que tout produit destiné à la santé humaine ne peut être mis sur le marché qu’après obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), délivrée par l’ANPP.
Les notes ANPP n°21 et n°22 s’inscrivent directement dans cette logique.
- L’enregistrement du Fortimel Compact Protéine en tant qu’aliment diététique destiné à des fins médicales spéciales confirme son statut réglementaire de produit pharmaceutique, non de produit alimentaire ordinaire.
- À l’inverse, le retrait de l’enregistrement de Progestérone Pharlon empêche toute mise à disposition légale sur le marché, conformément aux dispositions de l’article 225 de la même loi.
En vertu de ce cadre juridique, toute commercialisation, distribution ou détention à des fins de vente en dehors des voies autorisées est illicite, et expose à des poursuites administratives et pénales (cf. articles 234 et suivants de la loi 18-11).
Qualification juridique des aliments à des fins médicales spéciales : le cas de Fortimel Compact Protéine
La note n°22/MIP/ANPP/DG/NOTE/25 précise que le produit Fortimel Compact Protéine est un "aliment diététique destiné à des fins médicales spéciales". En droit pharmaceutique, cette catégorie regroupe des produits qui, bien qu’étant des aliments, nécessitent un encadrement proche de celui des médicaments.
Juridiquement, ces produits répondent à plusieurs critères :
- Ils sont destinés à des patients présentant des besoins nutritionnels particuliers liés à des pathologies cliniquement avérées ;
- Leur usage est prescrit ou supervisé par un professionnel de santé ;
- Leur vente est strictement encadrée, comme l’indique la note, et ne peut se faire hors des circuits réglementés (pharmacies ou structures hospitalières).
Le fait que l’ANPP rappelle leur statut pharmaceutique a une double portée juridique :
- Protection du consommateur : empêche la confusion avec des produits de grande consommation ;
- Responsabilité des distributeurs : toute infraction (vente hors pharmacies, publicité non autorisée) constitue une violation de la législation en vigueur.
Retrait d’un médicament autorisé : la suspension de la Progestérone Pharlon
La note n°21/MIP/ANPP/DG/NOTE/25 annonce la suspension de l’enregistrement de la Progestérone Pharlon injectable (BAYER), ainsi que le retrait immédiat des lots en circulation.
Cette décision repose sur une procédure réglementaire encadrée par les textes suivants :
- La loi n°18-11 autorise l’ANPP à retirer un produit pharmaceutique si la sécurité, l’efficacité ou la qualité ne sont plus garanties ;
- Le décret exécutif n°92-284 du 6 juillet 1992 fixe les règles relatives à la pharmacovigilance et au retrait des médicaments.
La suspension ici intervient après avis du comité des experts cliniciens. Cette étape démontre le respect des garanties procédurales, mais souligne aussi la vigilance continue exercée sur les produits autorisés.
En pratique, cela signifie :
- Les officines doivent cesser immédiatement toute dispensation du produit concerné ;
- Les stocks doivent être retournés au fournisseur pour destruction ou rapatriement ;
- Les professionnels doivent informer les patients de la mesure, sans délai.
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