Le décret exécutif n° 25-170 du 28 juin 2025 marque un tournant décisif dans la politique de soutien à l'entrepreneuriat en Algérie. Pris en application de la loi n° 22-23 du 18 décembre 2022 portant statut de l’auto-entrepreneur, ce décret encadre officiellement, pour la première fois, l’activité de micro-importation individuelle.
Jusqu’ici, les citoyens souhaitant importer de petits volumes de marchandises à des fins commerciales faisaient face à un vide juridique, ou se retrouvaient contraints de s’inscrire au registre du commerce et de se plier à un régime administratif lourd, souvent inadapté aux très petites structures. Ce flou entretenait le commerce informel et limitait l’accès de nombreux jeunes et porteurs de projets au commerce international.
Avec cette réforme, l’État algérien institutionnalise une pratique courante depuis toujours, mais non encadrée, en donnant un cadre légal, fiscal et administratif à l’importation à petite échelle — désormais appelée micro-importation — lorsqu’elle est pratiquée par des auto-entrepreneurs.
Ce texte offre un nouveau modèle économique souple et accessible, notamment pour les jeunes, les femmes et les chômeurs en reconversion, tout en sécurisant les pratiques commerciales et les recettes fiscales de l’État.
La micro-importation : un statut légal inédit pour les petits importateurs
Définition et nature de l’activité
L’article 2 du décret définit l’activité de micro-importation “les opérations effectuées à titre individuel par des personnes physiques, lors de leurs déplacements à l’étranger, en vue de l’importation pour la vente en l’état de quantités limitées de biens et marchandises d’une valeur n’excédant pas un million huit cent mille dinars (1.800.000 DA) par déplacement, à raison de deux (2) déplacements par mois, au maximum.”
Il est précisé que “la valeur des biens et marchandises prévue ci-dessus, n’inclut pas l’allocation touristique annuelle.”
Qui est concerné?
Cette activité est réservée aux personnes physiques disposant du statut d’auto-entrepreneur, excluant ainsi les sociétés ou les commerçants traditionnels inscrits au registre du commerce. Les produits importés doivent être vendus en l’état, sans transformation ni reconditionnement.
Un cadre fiscal et administratif simplifié
L’article 4 du décret prévoit que “le micro-importateur, exerçant son activité dans le cadre du présent décret, bénéficie des avantages suivants :
— de la tenue d’une comptabilité simplifiée de l’activité transcrite sur un registre coté et paraphé par les services des impôts territorialement compétents ;
— de la dispense de l’obligation d’inscription au registre du commerce ;
— de la dispense des autorisations d’importation préalables ;
— d’un droit de douane de 5% et d’un régime fiscal spécifique conformément à la législation en vigueur.”
En résumé, le décret prévoit plusieurs avantages majeurs pour encourager cette activité :
- Dispense du registre du commerce,
- Exemption des autorisations d’importation préalables,
- Comptabilité simplifiée,
- Droit de douane réduit à 5 %,
- Accès à un régime fiscal spécifique, favorable.
Cette approche vise à réduire les barrières à l’entrée pour les petits opérateurs tout en assurant un minimum de traçabilité et de contrôle par l’administration fiscale et douanière.
Un encadrement strict pour garantir la sécurité, la transparence et l’équité
Des conditions d’éligibilité précises
Pour bénéficier de ce régime, le micro-importateur doit :
- Être algérien, majeur ( du moins avoir l’âge légal du travail, soit 16 ans révolus, selon l’article 15 de la loi n° 90-11 du 21 avril 1990 relative aux relations de travail) et résident en Algérie,
- Ne pas exercer d’autre activité rémunérée (ni salarié, ni commerçant, ni libéral),
- Être affilié à la Caisse de sécurité sociale des non-salariés,
- Financer l’activité uniquement avec ses devises propres, via un compte en devises ouvert à la BEA. Les devises propres, ce sont les euros, dollars, ou autres monnaies étrangères que le micro-importateur doit posséder lui-même, à titre personnel. Autrement dit, il ne peut, en principe, pas utiliser des fonds en dinars pour acheter des devises à la Banque d’Algérie ou au marché interbancaire. Il ne peut pas non plus utiliser des devises transférées par une entreprise ou un tiers. Il doit utiliser ses propres devises, obtenues légalement (par exemple via épargne, transfert familial, revenus à l’étranger, etc.).
Quant au choix de l’établissement bancaire, la BEA (Banque Extérieure d’Algérie) est une banque publique algérienne traditionnellement utilisée pour gérer les opérations internationales permettant que les paiements liés aux opérations d’importation passent par un canal officiel, traçable et réglementé.
- Détenir une autorisation générale délivrée par le ministère du commerce extérieur : ladite autorisation doit être délivrée dans un délai de cinq (5) jours ouvrables, à compter de l’introduction de la demande y afférente, et est valable pour une durée d’une (1) année renouvelable. L’autorisation générale est personnelle et incessible.
- Détenir une carte d’auto-entrepreneur, en cours de validité, portant le domaine/l’activité « micro-importation », dûment délivrée par l’agence nationale de l’auto-entrepreneur.
- S’engager à respecter les règles relatives à la protection du consommateur et à la sécurité nationale (article 6),
- Préalablement à chaque opération d’importation, le micro-importateur est tenu de déclarer, via une plate-forme numérique mise en place à cet effet, les marchandises devant être importées. Cette plate-forme est mise en place au niveau du ministère chargé des start-up. Elle est interconnectée avec les administrations et les organismes concernés ainsi qu'avec les services des douanes.
Le décret introduit également une exclusion du droit à l’allocation chômage, afin d’éviter le cumul des dispositifs d’aide.
Des limites claires et des obligations renforcées
Le micro-importateur est strictement encadré :
- Il doit déclarer ses importations à l’avance via une plateforme numérique dédiée,
- Les marchandises doivent porter des étiquettes précises (nom, origine, quantité). En effet, l’article 14 exige au micro importateur “d’assurer l’identification de ses marchandises au moyen d’étiquettes adaptées et de bons de livraison simplifiés. Ces étiquettes doivent comporter, notamment les mentions suivantes :
- le nom et le prénom ainsi que l’adresse du micro importateur ;
- la désignation de la marchandise ;
- le pays d’origine et/ou de provenance.”
Outre ces mentions, “le bon de livraison doit comporter, selon le cas, la quantité et/ou le poids et/ou le volume de la marchandise.”
- Certains produits sont interdits : médicaments/produits pharmaceutiques, équipements sensibles, biens interdits ou nécessitant des autorisations spéciales, les marchandises portant atteinte à la sécurité, à l’ordre public et à la morale.
En cas de fraude ou de non-respect du cadre légal, l’auto-entrepreneur s’expose à une radiation du registre, en plus des sanctions prévues par le droit commun.
Un levier structurant pour l’économie de proximité
Ce décret vient institutionnaliser une pratique informelle et lui donne un cadre légal, sécurisé et stimulant pour l’économie. En permettant à des milliers d’Algériens d’accéder à l’importation dans un cadre allégé, il ouvre la voie à une économie de proximité plus dynamique, fondée sur l’initiative individuelle et l’ouverture à l’international.
Toutefois, son efficacité dépendra largement de sa mise en œuvre concrète, notamment :
- la simplification des procédures numériques,
- la clarté dans la délivrance des autorisations,
- et un équilibre entre contrôle administratif et liberté économique.
Ce décret est donc à la fois une avancée réglementaire majeure et un test de maturité pour l’écosystème entrepreneurial algérien.
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