Les « systèmes d’aéronefs sans pilote à bord » — plus communément appelés drones — sont devenus des dispositifs omniprésents, tant dans les usages civils (logistique, photographie, agriculture) que dans les applications de sécurité ou militaires. Or, leur rapidité de diffusion, la diversité de leurs usages et les risques qu’ils peuvent représenter (surveillance, intrusion, trafic de matériels, atteintes à la sûreté) imposent un contrôle accru de leurs conditions d’utilisation.
C’est dans ce contexte que s’inscrit l’Arrêté interministériel du 8 septembre 2025 (correspondant au 15 Rabie El Aouel 1447) signé par les ministres de la Défense nationale, de l’Intérieur, des Finances, des Télécommunications et des Transports. Le texte précise que « l’exercice des activités de fabrication, d’acquisition, d’importation, d’exportation, de vente, de maintenance, de location, de prestation de service, de cession et de réforme des systèmes d’aéronefs sans pilote à bord » est désormais réglé, au travers de l'obtention d'un agrément, délivré par le centre national des systèmes d’aéronefs sans pilote à bord.
L’arrêté s’appuie sur un socle législatif et réglementaire multiple :
- la loi n° 98-06 du 3 Rabie El Aouel 1419 (27 juin 1998) relative à l’aviation civile, en ses articles 6 et 75 ; ce dernier dispose que “Nul aéronef susceptible d'être dirigé sans pilote ne peut survoler sans pilote le territoire national à moins d'une autorisation spéciale de l'autorité nationale compétente qui stipule les mesures à prendre de façon à éviter tout danger aux aéronefs civils.”
- le décret présidentiel n° 21-285 du 3 Dhou El Hidja 1442 (13 juillet 2021) «fixant le cadre général régissant les systèmes d’aéronefs sans pilote à bord», notamment son article 19, lequel dispose que “La fabrication, l’acquisition, l’importation, l’exportation, la vente, la maintenance, la location, la prestation de service, la cession et la réforme des systèmes d’aéronefs sans pilote à bord sont subordonnées à l’obtention d’un agrément et/ou d’une autorisation, selon le cas, délivré (e) par le Centre national, après avis des services habilités des ministères chargés de l’intérieur, des finances, des transports et des télécommunications.”
- ainsi que diverses lois et décrets relatifs à la gestion des déchets (loi 01-19), à la protection de l’environnement (loi 03-10) et au code des douanes (loi 79-07).
Par cet arrêté, l’État algérien affirme sa volonté de maîtriser l’ensemble du cycle de vie des drones — depuis la fabrication jusqu’à la réforme ou destruction — en instituant un régime d’agrément, d’autorisation, de traçabilité et de sanctions. L’objectif est double : garantir la sécurité nationale et publique, d’une part, et encadrer le développement d’une filière technologique émergente, d’autre part.
Ainsi, cette réglementation marque une évolution majeure dans la gouvernance des technologies aériennes sans pilote en Algérie, transformant ce qui était souvent un domaine « libre » ou peu contrôlé en secteur strictement régulé.
Un cadre strict pour fabriquer et utiliser les drones
Des agréments obligatoires pour les opérateurs
L’arrêté instaure un régime d’agrément délivré par le Centre national des systèmes d’aéronefs sans pilote à bord.
Aucune entreprise ou personne ne peut fabriquer, importer, vendre, louer ou réparer un drone sans cet agrément.
Pour l’obtenir, le demandeur doit :
- faire l’objet d’une enquête de sécurité,
- justifier de compétences professionnelles adaptées,
- et garantir la sécurité des locaux où les drones sont entreposés.
Les agréments sont personnels, non transférables et valables deux ans, renouvelables.
Tout changement dans l’entreprise (gérant, siège, locaux, etc.) doit être signalé au Centre national, sous peine de suspension ou d’annulation de l’autorisation.
Des obligations permanentes pour les opérateurs
Les opérateurs agréés doivent tenir des registres précis mentionnant chaque mouvement de drone (vente, location, maintenance, etc.) ainsi que l’identité de leurs clients.
Ils sont aussi responsables de la sécurité du transport et du stockage de ces appareils.
En cas de perte ou de vol, les services de sécurité doivent être immédiatement informés.
Un régime d’autorisations rigoureux pour l’achat, l’importation et l’exportation
L’acquisition et l’importation de drones
Toute personne — physique ou morale — souhaitant acquérir ou importer un drone doit obtenir une autorisation délivrée par le Centre national.
Cette autorisation est obligatoire, que ce soit pour :
- un usage professionnel (ex. : agriculture de précision, photographie aérienne),
- ou un usage de loisir (dans la limite d’un seul appareil par particulier).
Le dossier doit comprendre de nombreux documents : pièces d’identité, casier judiciaire, certificats techniques, garanties de sécurité des lieux de stockage, etc.
Les drones importés ne peuvent être dédouanés qu’avec une autorisation originale du Centre national, visée par les douanes.
Tout retard ou manquement à cette procédure peut entraîner la confiscation ou la radiation du matériel.
L’exportation et la cession
L’exportation de drones, tout comme leur cession (vente ou transfert à un tiers), est strictement encadrée.
Ces opérations nécessitent des autorisations spécifiques, également personnelles et non transférables.
Chaque transaction doit être validée par le Centre national, qui appose un cachet d’apurement attestant de la légalité de l’opération.
Ces mesures visent à éviter les détournements ou trafics illicites de drones vers des acteurs non autorisés.
Contrôle, réforme et sanctions : un encadrement complet du cycle de vie des drones
La réforme et la destruction des drones
Lorsqu’un drone devient hors d’usage ou obsolète, sa destruction doit être autorisée par le Centre national.
Une commission multisectorielle (incluant Défense, Intérieur, Environnement, Télécommunications et sécurité locale) supervise l’opération.
Un procès-verbal de destruction est établi et la machine est ensuite radiée du registre aéronautique.
Cette procédure garantit que les composants sensibles (caméras, systèmes de navigation, etc.) ne soient pas réutilisés à des fins illégales.
Le contrôle et les sanctions
Les opérateurs agréés restent soumis à des contrôles permanents des autorités de sécurité et du Centre national.
En cas de non-respect des obligations :
- l’activité peut être suspendue ou arrêtée immédiatement ;
- les drones peuvent être saisis et mis en sécurité ;
- l’agrément peut être retiré définitivement en cas de récidive.
Ces mesures ont pour objectif de préserver la sécurité publique et nationale, tout en assurant un usage responsable de la technologie.
L’Arrêté interministériel du 8 septembre 2025 marque donc une étape décisive dans la gouvernance des drones en Algérie.
Il concilie développement technologique et exigences de sécurité, en imposant des règles claires et uniformes à tous les acteurs du secteur. Si le texte peut sembler complexe, il constitue, toutefois une assurance de transparence et de traçabilité dans un domaine à haut risque.
Pour les entreprises innovantes, il s’agit d’un cadre de confiance ; pour l’État, d’un outil de régulation et de prévention ; et pour les citoyens, d’une garantie de sécurité dans le ciel algérien.
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