Un cadre plus strict pour les marchands de pierres et métaux précieux face aux risques de blanchiment et de financement du terrorisme
Le secteur des métaux précieux et des pierres fines (bijouterie, négoce d’or, commerce de diamants, etc.) est depuis longtemps identifié, au niveau international, comme une activité particulièrement exposée aux risques de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme et, plus récemment, de prolifération des armes de destruction massive.
Légers, facilement transportables, de valeur élevée et échappant parfois à la traçabilité bancaire, les bijoux, lingots d’or, diamants ou pierres précieuses sont fréquemment utilisés pour faire transiter ou dissimuler des fonds d’origine criminelle. En réponse à ces risques, de nombreux pays, y compris l’Algérie, ont adopté des lois et des règlements pour encadrer et sécuriser les transactions dans ce secteur sensible.
En Algérie, le cadre juridique de référence est constitué principalement par :
- La loi n° 05-01 du 6 février 2005, modifiée et complétée, relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ;
- Le règlement du 3 juillet 2025, émis par le ministère des Finances, qui définit les obligations spécifiques applicables aux marchands de pierres et métaux précieux (conformément à l'article 5 de la loi de 2005) ;
- Les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, notamment celles prises en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, que l’Algérie s’engage à appliquer à travers ses textes réglementaires.
Ce nouveau règlement du 3 juillet 2025 vient donc renforcer le dispositif national, en précisant les mesures de vigilance, de contrôle, de déclaration de soupçons et de formation que doivent appliquer les professionnels du secteur.
Pourquoi un tel règlement ? Comprendre le contexte
Les bijoux, métaux et pierres précieuses sont des biens à forte valeur, faciles à transporter, à échanger ou cacher. Ils représentent donc une cible idéale pour :
- Le blanchiment d'argent (recyclage d’argent issu d’activités illégales) ;
- Le financement du terrorisme ou de la prolifération d’armes interdites ;
- L’évasion fiscale ou la dissimulation de patrimoine.
L’objectif de ce nouveau règlement est donc clair : rendre plus transparentes les opérations commerciales de ce secteur et protéger l’économie nationale contre les flux financiers illicites.
Quelles sont les principales obligations pour les marchands ?
Le texte introduit de nouvelles règles strictes pour les professionnels du secteur. En voici les principales :
Vigilance accrue envers les clients
- Identification obligatoire des clients (même occasionnels) avec des documents officiels.
- Vérification de l’identité du bénéficiaire effectif, c’est-à-dire la personne qui, en réalité, profite des transactions.
- Refus de toute transaction avec des personnes anonymes ou utilisant des noms fictifs.
Conservation des documents
- Tous les documents liés aux clients et opérations doivent être conservés pendant au moins 5 ans.
- Un registre spécial des opérations est exigé.
Déclaration des soupçons
Les professionnels doivent signaler toute transaction suspecte, notamment si :
- Le montant est inhabituellement élevé ;
- Le paiement est effectué uniquement en espèces ;
- L’opération ne correspond pas au profil du client.
Ces signalements se font auprès de la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF).
Un dispositif complet pour un secteur plus sûr
Le texte ne s’arrête pas aux seuls commerçants. Il prévoit également des mesures de contrôle, de formation et de conformité :
Responsable conformité
Chaque entreprise doit désigner un responsable de conformité chargé de :
- Suivre les opérations suspectes ;
- Transmettre les informations à la CTRF ;
- Mettre à jour les procédures internes.
Surveillance des pays à risques
Les professionnels doivent consulter régulièrement la liste des pays à haut risque publiée par les autorités et appliquer des mesures renforcées pour les clients de ces zones.
Mise en œuvre des sanctions internationales
Si un client figure sur la liste noire de l’ONU (liée au terrorisme ou à la prolifération d’armes), l’entreprise doit :
- Geler immédiatement ses avoirs ;
- Informer la CTRF ;
- Interdire toute transaction avec cette personne.
Ce nouveau règlement impose aux marchands de métaux et pierres précieuses d’agir en acteurs responsables, avec une vigilance de tous les instants. Il s’inscrit dans les normes internationales de lutte contre le crime financier, mais aussi dans une volonté nationale de préserver la sécurité économique et sociale du pays.
En clair : tout bijoutier, négociant en or ou diamants, ou même simple artisan travaillant les métaux précieux, est désormais soumis à un ensemble d'obligations strictes. La transparence devient une condition indispensable à l'exercice de ces activités.
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