Le 18 septembre 2025, le Ministre des Finances algérien a pris une décision majeure : lancer une émission de Sukuk souverains pour un montant de 296,65 milliards de dinars algériens. Si ce terme peut sembler technique pour certains, cette mesure s’inscrit dans un effort de modernisation et de diversification des instruments de financement de l’État, tout en respectant les principes de la finance islamique.
Mais qu’est-ce qu’un Sukuk ? Il s’agit d’un instrument financier équivalent à une obligation, mais conforme à la charia islamique. Contrairement aux obligations classiques, qui reposent sur l’intérêt (riba, interdit en islam), les Sukuk sont adossés à des actifs réels et permettent aux investisseurs de recevoir un revenu sous forme de loyers ou de bénéfices générés par ces actifs.
Autrement dit, le Sukuk ne repose pas sur un prêt d’argent assorti d’un intérêt, mais sur une participation dans un projet ou un bien tangible (immobilier, infrastructure, équipement, etc.). L’investisseur devient ainsi copropriétaire d’un actif ou partie prenante dans une activité économique, ce qui lui donne droit à une part des revenus générés. Il existe plusieurs types de Sukuk (Ijara, Mudaraba, Musharaka, Istisna, etc.), chacun correspondant à un montage juridique spécifique, mais tous ont pour objectif de garantir la conformité aux principes de la finance islamique, en évitant la spéculation excessive (gharar), l’intérêt (riba) et les activités illicites (haram).
La Décision n°243 du 18 septembre 2025 vient donc organiser de manière précise les modalités d’émission de ces Sukuk souverains, qui seront adossés à des biens immobiliers de l’État algérien. Le grand public, les entreprises et les institutions peuvent y souscrire. Il s’agit d’un événement historique pour l’économie algérienne, qui renforce à la fois l’intégration de la finance islamique et la recherche de nouvelles ressources pour financer les besoins budgétaires de l’État.
Dans cet article, Legal Doctrine expose les principales dispositions de cette décision.
Les caractéristiques des Sukuk émis par l’État algérien
La décision prévoit l’émission de Sukuk Ijara, c’est-à-dire des titres qui permettent de louer un bien et de percevoir un loyer. Ces Sukuk seront adossés à l’usufruit d’un ensemble de biens immobiliers appartenant à l’État, c’est-à-dire au droit d’utiliser ces biens et d’en tirer des revenus sans en être propriétaire.
- Durée : Les Sukuk ont une durée de 7 ans. Pendant 6 ans, les investisseurs recevront un revenu locatif annuel de 6 %.
- À la 7e année, les investisseurs reçoivent en plus de leur loyer annuel, le montant total de leur investissement initial, ce qui met fin à l’opération.
- Le montant total de l’émission est fixé à 296,65 milliards de dinars algériens, et la souscription est ouverte à partir du 2 novembre 2025 pour une durée de deux mois, sauf clôture anticipée si le montant est atteint.
L’émission est conditionnée à la validation religieuse par l’Autorité Charaïque Nationale rattachée au Haut Conseil Islamique. Cela garantit que le montage est conforme aux règles de la finance islamique.
Souscription : Pour qui ? Où ? Comment ?
La souscription est ouverte à tous les Algériens, qu’ils soient résidents ou vivant à l’étranger, ainsi qu’aux entreprises et institutions de droit algérien.
Voici comment ça fonctionne :
Les Sukuk sont disponibles en deux coupures :
- 100 000 DA
- 1 000 000 DA
Ils peuvent être achetés :
- en espèces
- par virement ou tout autre moyen de paiement scriptural
Les lieux de souscription sont nombreux :
- Agences bancaires
- Bureaux de poste
- Compagnies d’assurance
- Succursales de la Banque d’Algérie
- Trésoreries (centrale, principales, wilayas)
La souscription est simplifiée. En cas de rupture temporaire des Sukuk, un récépissé officiel est remis au souscripteur, qui a la même valeur juridique.
Quels avantages pour les investisseurs ?
Cette émission présente plusieurs avantages attractifs pour les investisseurs :
Rentabilité garantie et exonération fiscale
Les Sukuk offrent un revenu annuel fixe de 6 %, exonéré d’impôts, conformément à l’article 135 de la loi de finances 2025. Cela en fait un placement rentable et fiscalement avantageux.
Sécurité de l’investissement
Le souscripteur n’achète pas un simple papier, mais un droit d’usage sur un bien immobilier de l’État, ce qui confère une garantie tangible. À la fin, il récupère 100 % de son capital initial.
Liquidité et flexibilité
Les Sukuk sont négociables : vous pouvez les vendre ou les acheter avant la fin de la période. Ils peuvent aussi être utilisés comme nantissement (garantie) ou faire l’objet de rachat anticipé par le Trésor après trois ans.
Accessibilité et diversité des canaux
Avec un prix d’entrée dès 100 000 DA, ce produit est accessible même aux petits investisseurs. Il est également disponible via de nombreux canaux physiques, ce qui facilite la souscription dans tout le pays.
Un tournant pour le financement public en Algérie
La Décision n°243 du 18 septembre 2025 marque une avancée stratégique pour l’Algérie. Elle permet non seulement de mobiliser l’épargne nationale, mais aussi de développer la finance islamique, en proposant un produit respectueux des convictions religieuses de nombreux citoyens.
Les Sukuk souverains Ijara émis par l’État constituent un outil moderne, sûr, rentable et conforme à la charia, ouvrant la voie à de nouveaux modes de financement éthique et durable.
Pour les particuliers, les entreprises ou les institutions, cette émission est une opportunité inédite d’investir dans un produit structuré, garanti, et solidaire du développement économique du pays.
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