Souscrire un crédit immobilier est un acte important. L'assurance-crédit est le mode de protection qui garantit les impayés, lors de l’octroi d’un crédit par une banque. C’est une méthode qui consiste à protéger l'assuré grâce à un assureur crédit spécialisé, notamment en cas de décès ou d’invalidité. L'emprunteur doit, en outre, souscrire à une police d'assurance, pour un éventuel remboursement du prêt au bénéfice de l'état en cas de décès, ou d’invalidité. Nous l’avions déjà évoqué, les pratiques des ventes de ces assurances sont parfois peu claires, et détournées conduisant à certaines pratiques à la limite de l’abus et de la concurrence déloyale. Nous avons souhaité savoir ici, si cette pratique résulte seulement d’une pratique erronée, ou s' il y a une réelle volonté délibérée de créer un monopole de certains établissements bancaires en pratiquant la vente concomitante?
Rappel de la problématique
Lorsqu’un particulier souscrit à un crédit, il lui est fait obligation légale de souscrire à une assurance. En pratique, certains établissements bancaires créditeurs, conditionnent l’octroi de ce crédit parfois directement ou indirectement à la signature d’une convention d’assurance avec l’une des sociétés d’assurance partenaire. Or, imposer de la sorte un partenaire revient à fausser le jeu de la concurrence loyale.
La prohibition des actions concertées et des ententes
Au sens de l’article 6 de l’ Ordonnance n°03-03 du 19 juillet 2003 relative à la concurrence “Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la libre concurrence dans un même marché ou, dans une partie substantielle de celui-ci, les pratiques et actions concertées, conventions et ententes expresses ou tacites et notamment lorsqu'elles tendent à :
— limiter l'accès au marché ou l'exercice d'activités commerciales ;
— limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;
— répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ;
— faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
— appliquer, à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;
— subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.”
Les pratiques contractuelles abusives
L’article 29 alinéa 8 de la loi n°04-02 du 23 juin 2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales dispose que “dans les contrats entre un vendeur et un consommateur, sont considérées comme abusives, notamment les clauses et conditions par lesquelles le vendeur :
8) menace le consommateur de la rupture de la relation contractuelle au seul motif qu'il refuse de se soumettre à des conditions commerciales nouvelles et inéquitables.”
Or, ne peut-on pas considérer qu’une banque qui conditionnerai l’octroi d’un crédit à un particulier à la souscription d’une police d’assurance avec une société d’assurance partenaire à l’obligation pour ce dernier d’accepter de se voir imposer cette assurance et non pas celle de son choix, qui lui serait peut être plus avantageuse, avec des primes moins importantes par exemple comme une clause abusive ou une pratique abusive? La réponse ne saurait être autre qu’affirmative.
Il est à rappeler en ce sens que la sanction de ce type de clause, est également précisée par l’article 38 de la même loi en ces termes :
“Sont qualifiées de pratiques commerciales déloyales et de pratiques contractuelles abusives, les infractions aux dispositions des articles 26, 27, 28 et 29 de la présente loi et punies d'une amende de cinquante mille dinars (50.000 DA) à cinq millions de dinars (5.000.000 DA).”
En définitive, un établissement bancaire n’a pas le droit d’imposer des contrats d’assurance et ne peut en principe que proposer un partenaire avec lequel elle aurait une convention, et certainement pas discréditer d’office les autres sociétés d’assurance au seul et unique profit de son partenaire sous peine de se voir reprocher de pratiquer un commerce déloyal et abusif.
La prohibition des positions dominantes ou monopolistiques
L’article 7 de l’Ordonnance n°03-03 du 19 juillet 2003 relative à la concurrence énonce, par ailleurs, qu’ “est prohibé tout abus d'une position dominante ou monopolistique sur un marché ou un segment de marché tendant à :
— limiter l'accès au marché ou l'exercice d'activités commerciales ;
— limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;
— répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ;
— faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
— appliquer, à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;
— subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.”
Il pourrait, là encore, être reproché aux banques se prêtant à ce genre de pratiques, en évinçant sciemment les autres concurrents en matière d’assurance, lors de l’octroi de crédit, de provoquer un privilège exclusif à l’avantage de ses partenaires ou tout du moins de profiter du besoin des consommateur pour créer abuser d’une position dominante, en tant qu’organisme bancaire de taille, auquel souhaiterait à tout prix adhérer ledit consommateur pour l’acquisition de son bien, et qui n'aurait d'autre choix que de se plier au choix d'assureur imposé. Celui-ci se verrait en quelque sorte pris en otage par son souhait absolu de signer son contrat auprès de cette banque qui, en échange, abuserait de sa position, pour imposer là encore son partenaire.
La prééminence du principe de bonne foi
Hormis tous ces cas de violation des règles de la concurrence qui ont pu être évoqués, il est également utile de rappeler qu’en tout état de cause, un principe général de bonne foi s’impose dans les relations contractuelles et dans le monde des affaires de manière générale.
La bonne foi est en effet, ce moyen de faire pénétrer la règle morale dans le droit positif. Et si la référence à la bonne foi a, certes, suscité, en raison de son imprécision, de multiples interrogations, elle reste le point d’ancrage de la conclusion d’un contrat et de l’échange des volontés. Bien loin d’être toujours le produit d’une entente cordiale, le contrat apparaît souvent comme le résultat d’une tension entre des intérêts antagonistes, et la bonne foi constitue ce point d’équilibre entre des intérêts divergents. Le code civil y fait constamment référence et les tribunaux algériens se servent de la notion pour analyser les comportements des contractants afin de rétablir un climat favorable à l’épanouissement de la liberté contractuelle. Or veiller à cet épanouissement c’est aussi veiller à ce qu’existe une véritable concurrence entre les acteurs de la vie économique (incluant les sociétés d’assurance), de telle sorte que la loi de l’offre et de la demande puisse jouer pleinement. Nous pourrions d’ailleurs nous interroger ici sur la pratique bancaire en Algérie en matière d’assurance telle que décrite précédemment : est-elle réellement le fruit d’une volonté délibérément frauduleuse ou une simple habitude erronée des établissement bancaires et d’assurance dont le mauvais usage et la tradition lacunaire s’est peu à peu installée sans jamais avoir été remise en question?
La violation des consignes des tutelles
En matière d’assurance, le fait marquant de l’année 2011 était l’agrément de six nouvelles sociétés d’assurances dont cinq spécialisées en assurances de personnes.
Cet agrément traduisait l’entrée en application de la séparation entre les assurances de dommages et les assurances de personnes instituée par la loi n° 06-04 du 20 février 2006 modifiant et complétant l’ordonnance n° 95-07 du 25 janvier 1995 relative aux assurances. Depuis juillet 2011, le marché des assurances se trouve, ainsi, scindé en deux grandes catégories de sociétés d’assurances conférant à ce marché une relative spécialisation. L’idée de l’époque était justement de faire en sorte que cette séparation constitue une refonte structurelle du secteur des assurances devant permettre l’émergence d’un segment de marché dédié, spécifiquement, aux assurances de personnes.
Or la pratique actuelle des établissements bancaire de nier cette distinction, d’annihiler les effets de cette loi, en enjoignant systématiquement les clients à faire un choix concentré auprès d’un seul établissement bancaire qui dirigerait le consommateur vers un partenaire unique ne contreviendrait-il pas à l’esprit même de la loi et à l’essence de ce pour quoi cette distinction a été créé? Il y a fort à parier que si, et que la pratique actuelle viole les consignes des tutelles, lesquelles souhaitaient justement élargir le paysage assurantiel en Algérie en augmentant le nombre de compagnies, et en favorisant la concurrence.
Les contrevenances aux recommandations de la convention type de l’UAR
L’UAR (Union algérienne des société d’assurance et de réassurance) est une association professionnelle. Conformément à la législation en vigueur, toutes les sociétés d’assurances et/ou de réassurance agréées doivent adhérer à l’UAR, y compris les mutuelles. Or cette association fournit une convention type dite “convention de distribution type des produits d’assurance par les banques et établissements financiers et assimilés”, laquelle prévoit un article 10 qui précise les obligations de l’établissement bancaire, simple “mandataire”. En effet, à la lecture de cette convention type, il se dégage l’idée que, si les banques peuvent diffuser l’obligation légale de souscription à une assurance, elles n’ont certainement pas pour rôle de vendre directement les produits d’assurance. L’établissement bancaire doit “se conformer aux seules instructions de l’assureur en matière de conditions d’assurance, de tarifs, de règles de souscriptions”, dans la limite des pouvoirs conférés par ladite convention et ses annexes, rappelle la convention type. Or, malheureusement, en pratique, certaines banques se permettent de rejeter directement des dossiers de crédit provenant de compagnies d’assurance non partenaires au motif qu’il existe déjà des partenaires à proposer à leur clients potentiels, faisant alors le choix à la place du client, et discréditant d’office certains assureurs, ce qui là encore, fausse le jeu de la libre concurrence.
Vous êtes abonné ? Restez à jour en consultant les notes, communiqués et circulaires ainsi que l’ensemble des Codes en vigueur sur Legal Doctrine.
Restez à l’affût des dernières actualités juridiques en vous abonnant à notre newsletter Legal Doctrine.