Depuis 2018, le Sénégal évoque l’introduction du bracelet électronique comme étant une alternative à l’emprisonnement. En novembre dernier, le pays avait inauguré à Dakar un centre de surveillance pour les personnes sous bracelet électronique. Mais ce n’est qu’en juillet 2020 que les députés approuvent le projet de loi et seulement trois ans après, en 2023, que la loi devient applicable.
Pour la première fois depuis l’approbation de la loi, la justice sénégalaise a placé deux inculpés sous bracelet électronique au lieu de les emprisonner, inaugurant ainsi le dispositif mis en place afin de désengorger les lieux de détention en offrant une alternative à la détention pour les détenus qui présentent un faible risque de récidive.
Cadre juridique
- Loi n° 2016-29 du 08 novembre 2016 modifiant la loi n° 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal.
- Loi n° 2020-28 du 07 juillet 2020 modifiant la loi n° 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal et consacrant le placement sous surveillance électronique comme mode d'aménagement des peines.
- Loi n° 2020-29 du 07 juillet 2020 modifiant la loi n° 65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de procédure pénale et introduisant l'assignation à résidence avec surveillance électronique comme alternative à la détention provisoire et le placement sous surveillance électronique comme mode d'aménagement des peines.
Le système du bracelet électronique
Le bracelet électronique est un dispositif électronique portable qui peut être porté autour du poignet ou à la cheville. Majoritairement équipé d’un système de suivi GPS ou un système de surveillance radiofréquence pour surveiller les mouvements et les activités de la personne en temps réel et signaler toute violation des conditions imposées par la Cour.
C’est une mesure d’aménagement de peine permettant d’exécuter une peine d’emprisonnement sans être incarcéré. Ou dans d’autres cas, une libération sous contrainte.
Ce système est généralement utilisé pour surveiller les personnes ayant été condamnées à une peine de détention à domicile ou à une assignation à résidence, dans le cadre d’un programme de libération conditionnelle ou de surveillance électronique.
Cependant, il est important de souligner que l’efficacité du bracelet électronique dépend de plusieurs facteurs, notamment :
- la qualité de la technologie utilisée,
- la manière dont elle est mise en œuvre et surveillée,
- le niveau de coopération des délinquants.
En outre, le bracelet électronique ne peut pas être utilisé pour tous les types de délinquants et ne doit pas être considéré comme une solution unique pour résoudre tous les problèmes liés à la criminalité et à la réinsertion sociale.
Les modes d’aménagement des peines
Dans les limites fixées par la loi, la juridiction qui prononce la peine, le comité de l'aménagement des peines et le juge de l'application des peines prescrivent ou aménagent les peines en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de l'auteur.
Les modes d'aménagement des peines sont fixés par la loi n° 2020-28 du 07 juillet 2020 modifiant la loi n° 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal et consacrant le placement sous surveillance électronique comme mode d'aménagement des peines, et sont les suivantes :
- le sursis
- la probation ;
- le travail au bénéfice de la société ;
- la semi-liberté ;
- le fractionnement de la peine ;
- la dispense de peine et l'ajournement ;
- le placement sous surveillance électronique.
Les modes d'aménagement des peines 1 à 6 ne peuvent être appliqués ou prescrits dans les cas suivants :
- en cas de récidive ;
- en matière criminelle ;
- en matière correctionnelle pour les infractions suivantes : détournement de deniers publics, délits douaniers, attentats à la pudeur, délits relatifs aux stupéfiants.
Le placement sous surveillance électronique n'est applicable aux personnes condamnées pour détournements de deniers publics que s'il y a remboursement ou restitution de l'intégralité de la valeur détournée ou soustraite.
Peine égale ou supérieure à 3 ans
Lorsqu'une peine d'emprisonnement égale ou inférieure à trois ans est prononcée, la juridiction de jugement peut décider qu'elle sera exécutée, en tout ou en partie, sous le régime du placement sous surveillance électronique à l'égard du condamné qui justifie notamment :
- Exercer une activité professionnelle, même temporaire, le suivi d'un stage, d'un enseignement ou d'une formation professionnelle ;
- Participation essentielle à la vie de sa famille ;
- Nécessité de suivre un traitement médical ou eu égard à son âge avancé ;
- Existence de garanties réelles de réadaptation sociale.
La juridiction de jugement peut également prescrire le placement sous surveillance électronique en cas de condamnation à une peine d'emprisonnement partiellement assortie du sursis ou du sursis avec mise à l'épreuve lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à trois ans.
La décision de placement sous surveillance électronique ne peut être prise qu'avec l'accord du condamné, et s'il s'agit d'un mineur, qu'avec l'accord de ses père ou mère ou celui de la personne qui assure sa garde.
Lorsque le lieu désigné n'est pas le domicile du condamné, la décision de placement sous surveillance électronique ne peut être prise qu'avec l'accord du maître des lieux, sauf s'il s'agit d'un lieu public
Les obligations du condamné
Le placement sous surveillance électronique emporte, pour le condamné :
- Interdiction, en dehors des périodes autorisées, de s'absenter de son domicile ou du lieu fixé par la décision y tenant lieu.
- L'obligation de répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou de toute autorité publique désignée dans la décision ou par le juge de l'application des peines.
Sanctions et pénalités
L’article 215 du code pénal sénégalais prévoit que :
“Les détenus qui se seront évadés ou qui auront tenté de s'évader, par bris de prison ou par violence, seront, pour ce seul fait, punis d'un emprisonnement de six mois au moins, lequel pourra être élevé jusqu'à une peine égale à celle à raison de laquelle ils étaient détenus, ou, s'ils étaient détenus préventivement, à celle attachée par la loi à l'inculpation qui motivait la détention, sans qu'elle puisse, dans l'un ni l'autre cas, excéder dix années d'emprisonnement ; le tout sans préjudice des plus fortes peines qu'ils auraient pu encourir pour d'autres crimes ou délits qu'ils auraient commis dans leurs violences (...)”
Polémique autour des coûts du bracelet électronique
Depuis que l'utilisation des bracelets électroniques en tant qu'alternative à l'emprisonnement a été approuvée au Sénégal, une polémique mêlée de corruption a éclaté concernant leur acquisition. En effet, des révélations ont mis en lumière une surfacturation importante sur le prix des bracelets électroniques, estimée à plus de 3 milliards de francs CFA.
Malgré l'existence de 1000 bracelets électroniques déjà disponibles et une commande de 1000 autres en cours, l'opinion publique demeure divisée quant à leur utilisation comme solution de remplacement de la détention, les questions relatives à la surfacturation des coûts des bracelets électroniques ajoutent une nouvelle couche de complexité à cette controverse.
Droit comparé : quid du bracelet électronique en Algérie ?
Bien que l'Algérie ait officiellement adopté la peine alternative du bracelet électronique au travers d’une loi n° 18-01 du 30 janvier 2018 complétant la loi n° 05-04 du 6 février 2005 portant code de l’organisation pénitentiaire et de la réinsertion sociale des détenus et que le gouvernement en place ait commandé 1 000 bracelets pour 1 000 euros l’unité, équivalent de 2000 milliards de centimes, le projet a finalement été gelé et sa concrétisation demeure en suspens jusqu'à ce jour.
Dans une journée d’études intitulée « les peines alternatives : diversité et efficacité », organisée par le Centre de recherches juridiques et judiciaires (CRJJ), le directeur général de l’administration pénitentiaire a fait savoir que l’Algérie envisage de mettre en place un projet de fabrication des bracelets électroniques localement prochainement.
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