Durant ces dernières semaines, l’huile de table est quasi-introuvable, pourtant les réseaux sociaux regorgent de clichés divers montrant des bouteilles d'huile de 5L, mis en vente à l’étranger en provenance d’Algérie, une véritable anarchie qui n’a pas laissé le gouvernement sans voix cette fois-ci. D'après la Banque d'Algérie, entre décembre 2019 et septembre 2021, il y a eu une hausse des prix des produits alimentaires et des matières premières d'origine agricole de respectivement 19 % et 2 %. Le 13 Mars 2022 un communiqué du président de la république algérienne, lors d’une réunion du Conseil des Ministres, dispose d’une nouvelle, celle d'interdire l’exportation des produits de consommation importés par l'Algérie. Ces décisions interviennent dans un contexte global marqué par une forte inflation sur certains produits de consommation, la hausse des prix et des pénuries répétitives sur plusieurs produits.
Quelles sont les véritables raisons derrière cette interdiction ? Pourquoi l’Algérie rencontre-t-elle, depuis quelques années déjà, des problèmes spécifiques concernant les produits destinés à la consommation ? Quelles sont les solutions proposées?
L’exportation des produits de consommation importés
Un communiqué du Conseil des Ministres a été publié le 13 Mars 2022, à l’ordre du jour plusieurs secteurs ont été abordés, ainsi et concernant l’exposé conjoint des ministres de l’Agriculture et du Commerce, le président de la république aurait donné plusieurs instructions, prévues :
“Le Président de la République a ordonné d'interdire l'exportation des produits de consommation importés par l'Algérie, à l'instar du sucre, des pâtes, l'huile, la semoule et tous les dérivés du blé, chargeant le ministre de la Justice d'élaborer un projet de loi pénalisant l'exportation de produits, non produits localement, car étant un acte de sabotage de l'économie nationale.
-Continuer l'interdiction stricte de l'importation des viandes congelées et encourager la consommation de viandes locales.
-Encourager les agriculteurs qui approvisionnent le stock stratégique de l'Etat en blé dur et tendre et en légumineuses avec diverses incitations, dont le soutien sous forme de prêts, d'engrais et d'autres avantages.”
De ce fait, les produits de consommation importés sont officiellement interdits à l’exportation tels que :
- Sucre,
- Pâtes,
- L'huile,
- Semoule
- Tous les dérivés du blé
Raisons de l’interdiction d’exportation des produits de consommation importés par l’Algérie
L’interdiction d’exporter des produits destinés à la consommation importés par l’Algérie, a été la conséquence de plusieurs raisons :
Une mondialisation détournée
Ces décisions interviennent dans un contexte global marqué par une forte inflation sur certains produits de consommation, la hausse des prix et des pénuries répétitives sur plusieurs produits. Or il est vrai que l'Algérie a pu payer les frais d’une mondialisation dont l’essence même est de bannir le cadre national de l’économie. Cette mondialisation et l’exportation des produits de consommation, surtout ceux qui abritent une large consommation, peuvent porter atteinte à l'équilibre de l’économie nationale et provoquer une instabilité, si elle est mal gérée. Ce qui manifestement a été le cas depuis de nombreuses années. C’est donc dans le sens d’actualiser un cadre juridique répondant à cette évolution, que le président de la république a chargé le ministre de la Justice d'élaborer un projet de loi. Il faut comprendre ici que ce n’est pas la mondialisation en elle-même qui cause ce préjudice, mais le détournement qui en est fait en créant des situations de dépendances au travers de spéculations perturbant le mécanisme de l’offre et de la demande, d'où ce souhait de pénaliser l'exportation de produits, non produits localement, et de l’ériger au rang d’acte de sabotage de l'économie nationale.
La spéculation en vue de créer une pénurie
La spéculation représente l’une des raisons phares de l’interdiction. Il s’agit plus précisément du stockage des marchandises en vue de les vendre à des prix exorbitants plus tard. Récemment, l’huile végétale de table par exemple a fait l’objet de ce délit, interdit par la Loi n° 21-15 du 28 décembre 2021 relative à la lutte contre la spéculation illicite.
Ainsi, et conformément aux dispositions de l’article 4 de la loi n°21-15 précitée, l’Etat prévoit de prendre toutes les mesures pour éliminer la spéculation illicite, notamment :
- Garantir la disponibilité des biens et des marchandises essentiels sur le marché ;
- Adopter des mécanismes de veille pour la prise de mesures adéquates, afin d’atténuer les effets de la pénurie ;
- Encourager la consommation rationnelle ;
- Prendre les mesures nécessaires pour lutter contre la propagation de fausses informations dans le but de provoquer des perturbations au niveau du marché et l’augmentation des prix de manière anarchique et subite ;
- Interdire tout stockage ou retrait, non justifié, de biens et de marchandises, dans le but de créer une pénurie à l’effet d’augmenter les prix.
Stratégie de lutte contre la flambée des prix alimentaires
La loi de finances pour 2022 prévoit suite aux dispositions de l'article 188 que :
“Il est mis en place un dispositif national de compensation monétaire au profit des ménages qui y sont éligibles, composé, notamment des départements ministériels concernés, d’experts économiques concernés, ainsi que d’organismes professionnels.
Les prix des produits subventionnés sont révisés et modifiés après définition des mécanismes et procédures par le dispositif suscité en vue de fixer les indemnités destinées au profit des familles habilitées au transfert monétaire direct."
Les subventions pour certains produits alimentaires ont été abolies, provoquant ainsi, une véritable perturbation, une hausse des prix des aliments et une pénurie des produits de base tel que le lait, cependant le président a fait geler ces dispositions, lors du Conseil des Ministres du 13 Février 2022.
Invasion de l’Ukraine par la Russie, et les répercussions sur l’économie nationale
Plusieurs répercussions ont suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie ;
Céréales
La Russie est considérée comme étant le premier producteur de céréales au monde. De ce fait, une hausse considérable des prix de certains produits de large consommation a été remarquée sur le marché national, provoquant ainsi, de véritables questionnements sur l’avenir de la sécurité alimentaire dans notre pays.
Nutrition du bétail et de la volaille
Les deux Etats en guerre contrôlent une large partie de la production mondiale du blé et du maïs, l’invasion aurait provoqué une hausse de prix à l’échelle mondiale, l’Etat algérien importe ces aliments pour les besoins nutritifs du bétail et de la volaille.
Le stockage précédant la période du ramadhan
Chaque année, à l’approche du mois sacré, une frénésie d'achats à but de préparatifs touche les ménages algériens. Au lieu de se procurer selon le besoin, les ménages achètent des denrées alimentaires en quantité afin de pouvoir faire des stocks. De ce fait, et sans même en avoir conscience, des pénuries croissantes commencent déjà à faire leur apparition et continueront lors des prochaines semaines. Continuer d’exporter les aliments destinés à la consommation, sans y apporter aucune limite, reviendrait à provoquer un assèchement alimentaire considérable.
Booster la production locale
Il y a de manière générale une volonté de limiter la balance des importations financée par les hydrocarbures et de privilégier la production locale depuis certaines années. L’importation de viande congelée a été interdite et continue toujours de l'être selon les dispositions du président de la république lors du Conseil des Ministres du 13 Mars 2022. Cette disposition vise à encourager la consommation de viande produite localement. Ces instructions gouvernementales marquent un véritable désir de faire valoir la production locale qui s’inscrit en ce moment parmi les principes fondamentaux nouveaux de l’évolution de l’économie nationale.
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