En Algérie, les plus grandes entreprises activant dans le secteur industriel présentent de grands risques de nuisance pour l’environnement. Leurs travaux s’inscrivent dans la catégorie des activités dangereuses, insalubres et incommodes. Cette distinction leur vaut le le qualificatif d'établissements classés au vu de la menace qu’ils risquent d’engendrer pour l’environnement. De ce fait, ces établissements ont été soumis depuis 2006 à un régime bien particulier, lequel impose comme condition l’obtention d’un permis d'exploitation pour régulariser leurs travaux. Cependant, la plupart de ces établissements tardent à disposer de ce permis d’exploitation, souvent par méconnaissance de son existence et de l’obligation légale qui leur est faite. Après constatation de ce manquement qui met en péril l’existence même de ces industries, dont bon nombre ont été sanctionnées par la clôture et l’interdiction d’exercer, le législateur a donc décidé d’offrir “une ultime chance” aux industriels de se conformer à la réglementation en vigueur au travers d’un décret exécutif n°22-167 du 19 Avril 2022. Ce décret de la dernière chance, dispose que les entreprises industrielles ont l’obligation de régulariser leurs situations à partir du 19 avril 2022 et disposeront de cette possibilité durant un délai d’un (01) an seulement, lequel prendra fin à la même date de l’année 2023.
Que prévoit ce décret en matière de permis d’exploitation pour les établissements classés ? Quelle est la raison pour laquelle certains établissements tardent à disposer de cette autorisation d’exploitation ? Quel sera le risque que prendront ces établissements en cas de non régularisation de leurs situations avant Avril 2023 ?
Passif environnemental (Cadre juridique)
Dans un souci de rétablir un certain équilibre entre les nouvelles technologies dont bénéficient les entreprises et les établissements à caractère industriel et les mesures juridiques encadrant ces dernières, plusieurs modifications ont été instaurées. La protection de l’environnement a toujours été un enjeu de taille, de sorte que depuis 2006, la réglementation n’a cessé d’encadrer et de contrôler les activités des établissements classés:
- Décret exécutif n°06-198 du 31 mai 2006 définissant la réglementation applicable aux établissements classés pour la protection de l’environnement
Ce décret, publié en 2006, précise que l'exploitation des établissements classés est soumise à des conditions fixées par une réglementation bien définie, d'où l'importance de l’obtention de cette autorisation.
- Décret exécutif n° 07-144 du 19 mai 2007 fixant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement
Ce décret quant à lui dispose une liste de nomenclatures relatives aux installations classées, afin de mettre en évidence les informations relatives à ce genre d’établissement.
- Décret exécutif n° 07-145 du 19 mai 2007 déterminant le champ d’application, le contenu et les modalités d’approbation des études et des notices d’impact sur l’environnement
Les études d’impact sur l’environnement, représentent une des nombreuses procédures précédant l’obtention d’une autorisation d’exploitation d’un établissement classé.
- Décret présidentiel n°18-337 du 25 décembre 2018 portant création de circonscriptions administratives dans les grandes villes et dans certaines villes nouvelles et déterminant les règles de leur organisation et fonctionnement
En 2018, plusieurs circonscriptions administratives ont été créées, répondant à plusieurs missions, dont la principale mesure relative à la protection de l’environnement contre les nuisances des établissements industriels est de veiller, en concertation avec les organismes concernés, à l’application des normes et des standards de sécurité selon les différents types d’installations classées.
Cadre juridique actuel
La réunion du Gouvernement du 09 Février 2022, a abouti à la présentation d’un projet de texte juridique modifiant et complétant le décret exécutif n°06-198 du 31/05/2006 définissant la réglementation applicable aux établissements classés pour la protection de l’environnement. Ce texte juridique a été publiée quelques mois plus tard, il s’agit notamment du décret exécutif n°22-167 du 19 avril 2022 modifiant et complétant le décret exécutif n°06-198 du 31 mai 2006 définissant la réglementation applicable aux établissements classés pour la protection de l’environnement, en raison du fait que le décret exécutif n°06-198 depuis sa promulgation en 2006 a révélé un certain nombre d’insuffisance et de lenteur au niveau des procédures de délivrance des autorisations d’exploitation, a précisé le communiqué et ce, dans le but d’apporter des réponses au contexte actuel et à un passif environnemental et d’alléger des procédures ainsi que l'élargissement du champ d’application du décret aux installations mobiles.
Étapes du règlement de la situation
Il est précisé selon les dispositions de l’article 9 du décret n°22-167 que :
“Les entreprises exploitants un établissement classé n’ayant pas encore fait l’objet d'autorisation ou de déclaration d’exploitation doivent dans un délai d’une (01) année à compter de la date de promulgation du présent décret, procéder à la régularisation de la situation de son établissement classé existant ».
C’est donc dans une optique de régulariser la situation de ces entreprises déjà existantes, que le décret susmentionné a prévu les étapes suivantes :
Phase pré-initiale
- Approbation de l’audit environnemental et de l’étude de danger :
Le dossier de demande d’autorisation d’exploitation d’un établissement classé existant, comprend :
- Une demande d’autorisation d’exploitation ;
- Une copie de la décision d’approbation de l’audit environnemental ;
- Une copie de la décision d’approbation de l’étude de danger ».
Phases suivantes
Étape 1. Dépôt du dossier
Le dossier de demande d’autorisation d’exploitation est déposé auprès du wali territorialement compétent, ou le cas échéant, auprès du wali délégué pour les établissements classés de deuxième catégorie, en deux(2) exemplaires sous format papier et en quatorze (14)supports électroniques ;
Étape 2. Visite de la commission sur site
La commission effectue une visite sur site pour vérifier la conformité de l’établissement classé existant aux termes des décisions d’approbation des études citées à l’article 44 bis du décret susmentionné, dans un délai n’excédant pas dix (10) jours, à compter de la date de dépôt de la demande d’autorisation d’exploitation ;
Étape 3. Etablissement du procès-verbal de conformité de l’établissement classé existant
A l’issue de la visite sur site, la commission établit le procès-verbal de conformité de l’établissement classé existant, dans un délai n’excédant pas dix (10) jours, à compter de la date de visite sur site ou,le cas échéant, après la levée des réserves formulées par la commission ;
Étape 4. Transmission du dossier de régularisation de la situation de l’établissement classé existant
Le wali territorialement compétent transmet au ministre chargé de l’environnement et au président de l’assemblée populaire communale territorialement compétent, le dossier de régularisation et le procès-verbal de conformité respectivement de l’établissement classé existant de première catégorie et de troisième catégorie, dans un délai n’excédant pas huit (8) jours, à compter de la date d’établissement du procès-verbal de conformité de l’établissement classé existant ;
Étape 5. Etablissement de l’autorisation d’exploitation de l'établissement classé existant
L’autorisation d’exploitation d’un établissement classé existant est établie dans un délai n'excédant pas :
- Deux (2) mois, à compter de la date de réception du dossier de régularisation et du procès-verbal de conformité pour l’établissement classé existant de première catégorie ou, le cas échéant, après la levée des réserves ;
Les services du ministre concerné se prononcent dans un délai n’excédant pas quinze (15) jours, à compter de la date de réception de l’arrêté d’autorisation d’exploitation transmis par le ministre chargé de l’environnement ;
- Un (1) mois, à compter de la date d’établissement du procès-verbal de conformité de l’établissement classé existant de deuxième catégorie ;
- Un (1) mois, à compter de la date de réception du dossier de régularisation et du procès-verbal de conformité pour l’établissement classé existant de troisième catégorie.
Étape 6. Délivrance de l’autorisation d’exploitation de l’établissement classé existant à l’exploitant
L’autorisation d’exploitation de l’établissement classé existant est délivrée à l’exploitant, dans un délai n’excédant pas huit (8) jours, à compter de la date de sa signature dans les mêmes formes définies par les dispositions de l’article 20 du décret exécutif n°06-198 du 31 mai 2006.
Risque encouru en cas de non régularisation de la situation des établissements classés
L’article 44 bis 25 du décret exécutif n°22-167 précise que :
“Passé le délai d’une (1) année, si l’exploitant n’a pas régularisé sa situation, le wali territorialement compétent ordonne, par arrêté, la fermeture définitive de l’établissement classé existant soumis au régime d’autorisation, notifie l’arrêté suscité à l’exploitant dans un délai n’excédant pas huit (8) jours, à compter de la date de sa signature et en informe le ministre chargé de l’environnement”.
Le décret de la dernière chance est désormais diffusé, précisant dans les moindres détails les procédures d’obtention des autorisations d’exploitation des établissements classés, dont les travaux représentent des dangers considérables pour l’environnement. Les propriétaires des entreprises peuvent désormais identifier la démarche à suivre, et ne pas oublier l’une des règles fondamentales du droit, à savoir qu’une fois la loi promulguée au journal officiel, “nul n’est sensé ignorer la loi” et chacun doit s’y conformer sans jamais pouvoir invoquer son ignorance au risque de voir son activité mise en péril. En outre, il est également utile de rappeler ici que les industries concernées doivent se doter d’un délégué à l’environnement, dont les missions prévues par l’article 6 du Décret exécutif n°05-240 du 28 juin 2005 fixant les modalités de désignation des délégués pour l’environnement , se résume à :
- Élaborer et tenir à jour l’inventaire des pollutions de l’établissement concerné (effluents liquides, gazeux, déchets solides, nuisances acoustiques) et de leurs impacts.
- Contribuer, pour le compte de l’exploitant, à la mise en œuvre des obligations environnementales de l’établissement classé concerné, prévues par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
- Assurer la sensibilisation du personnel de l’établissement classé en matière d’environnement.
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