En Algérie, le paysage urbain a longtemps été caractérisé par des travaux d’exécution non encadrés. L’auto-construction demeure la démarche la plus courante des propriétaires qui s’appuient sur les filières informelles pour construire. De ce fait, un nombre croissant de constructions inachevées se sont élevées dans le pays par le biais du recours à l’informel.
Pour pallier ce manque d’encadrement, une loi avait donc été promulguée en 2008, la loi n°08-15 en juillet 2008, en vue de promouvoir une qualité urbanistique et technique du cadre bâti.
- Quelles sont les limites prévues par la loi n°08-15 de mise en conformité des constructions et leur achèvement ?
- Ces règles sont-elles appliquées en pratique depuis la promulgation de cette loi ?
Définitions
La loi n° 08-15 du 20 juillet 2008 fixant les règles de mise en conformité des constructions et leur achèvement a cru bon, dans un premier temps de redéfinir certaines notions essentielles :
- Construction : tout édifice ou ouvrage dont l'usage est destiné à l'habitation, à l’équipement, à l'activité commerciale, à la production industrielle et traditionnelle, à la production agricole ou aux services ;
- Achèvement de la construction : la réalisation complète de l'ossature, des façades, des viabilités et des aménagements y afférents ;
- Mise en conformité : c'est l'acte administratif par lequel est régularisée toute construction achevée ou non achevée au regard de la législation et de la réglementation relative à l'occupation des sols et aux règles d'urbanisme ;
- Permis d'achèvement : l'acte d'urbanisme nécessaire pour procéder à l'achèvement d'une construction avant son occupation ou son exploitation.
La mise en conformité des constructions et leur achèvement
La mise en conformité des constructions aux normes légales et réglementaires revêt une importance cruciale dans le domaine de l’urbanisme.
La mise en conformité, au sens des dispositions la loi n°08-15, comprend :
- Les constructions non achevées pourvues d'un permis de construire ;
- Les constructions pourvues d'un permis de construire et qui sont non conformes aux prescriptions du permis délivré ;
- Les constructions achevées dont le propriétaire n’a pas obtenu de permis de construire ;
- Les constructions inachevées dont le propriétaire n’a pas obtenu de permis de construire.
Les constructions non concernées par la mise en conformité:
- Les constructions édifiées sur des parcelles réservées aux servitudes et non constructible ;
- Les constructions existant habituellement sur les sites et les zones protégées prévus dans la législation relative à l’expansion touristique, aux sites et monuments historiques et archéologiques et à la protection de l’environnement et du littoral, y compris les sites portuaires et aéroportuaires ainsi que les zones de servitude qui leur sont rattachées;
- Les constructions édifiées sur des terres agricoles ou à vocation agricole ou à vocation forestière, à l’exception de celles pouvant être intégrées dans l’environnement urbanistique ;
- Qui sont édifiées en violation des règles de sécurité ou qui affectent gravement leur environnement et l'aspect général du site ;
- Qui ont pour effet de gêner ou de nuire à l'édification d'ouvrages d'intérêt public dont le transfert de l'implantation est impossible.
Dans le cas où la construction est non achevée et que son propriétaire possède un permis de construire, ce dernier peut bénéficier d’un permis d’achèvement.
Le propriétaire de la construction achevée ayant obtenu un permis de construire mais qui est non conforme aux prescriptions de celui-ci peut bénéficier d'un certificat de conformité.
Le propriétaire de la construction achevée n’ayant pas obtenu auparavant un permis de construire, peut bénéficier d'un permis de construire, à titre de régularisation.
Le propriétaire de la construction non achevée n’ayant pas obtenu auparavant un permis de construire peut bénéficier, à titre de régularisation, d'un permis d'achèvement.
La mise en conformité dans les cas cités ci-dessus, se fait selon les modalités fixées par la loi n°08-15
Modalités de mise en conformité des constructions
Les constructions visées ci-dessus doivent faire l’objet d’une déclaration au président de l'assemblée populaire communale territorialement compétent.
Ladite déclaration est établie en cinq (5) exemplaires, conformément à un formulaire.
En cas de non achèvement des travaux de construction ou si la construction n’est pas conforme au permis de construire délivré, le déclarant est tenu de procéder à leur arrêt immédiat et d'en informer le président de l'assemblée populaire communale concerné qui lui délivre une attestation d'arrêt des travaux pour mise en conformité.
Sous peine de sanctions, la reprise des travaux avant la mise en conformité de la construction est interdite.
Si les obligations prévues ci-dessus ne sont pas observées, les agents commissionnés à cet effet, constatent et procèdent à la fermeture du chantier en question en établissant un procès-verbal de non conformité et ce, sans préjudice des sanctions prévues à cet effet.
Mentions obligatoires sur la déclaration
La déclaration établie doit être accompagnée d'un dossier faisant ressortir l'ensemble des justificatifs écrits et graphiques nécessaires à la prise en charge de la construction, et doit mentionner ce qui suit :
- Le nom et prénom du propriétaire, de l'auteur ou la raison sociale du maître d'ouvrage ;
- La demande de mise en conformité de la construction ou l’autorisation d’achèvement;
- L'adresse de la construction et l'état d'avancement des travaux ;
- Les références du permis de construire délivré et sa date d'expiration, lorsqu'il existe;
- La nature juridique du terrain d'assiette, pour les constructions édifiées sans permis de construire ;
- La date de démarrage des travaux et de leur achèvement, le cas échéant.
Le contenu du dossier accompagnant la déclaration est fixé par le décret exécutif n°09-154.
La déclaration doit être consignée sur un registre spécial, coté et paraphé par le président du tribunal territorialement compétent, ensuite un accusé de réception est délivré au déclarant.
La déclaration est transmise dans les quinze (15) jours qui suivent son dépôt aux services de l'Etat chargés de l'urbanisme au niveau de la wilaya.
Les services de l'Etat chargés de l'urbanisme recueillent les accords et avis auprès des administrations, des services et des organismes habilités, lesquels doivent faire retour, dans tous les cas, de leurs avis motivés dans le délai de quinze (15) jours à compter de la date de leur saisine.
Pour les constructions non achevées
Le délai qui doit être accordé par le permis d'achèvement est évalué par un architecte agréé et ce, en fonction de la consistance des travaux restant à réaliser.
Toutefois, ce délai ne peut, en aucun cas, excéder :
- Vingt-quatre (24) mois pour la construction à usage d'habitation ;
- Douze (12) mois pour la construction à usage commercial, de services ou artisanal ;
- Vingt-quatre (24) mois pour la construction à usage mixte d'habitation et de commerce ou de services ;
- Vingt-quatre (24) mois pour la construction d'un équipement public.
Les délais susvisés courent à compter de la date de notification au concerné par le président de l’assemblée populaire communale.
Conditions de régularisation des constructions non conformes au permis de construire délivré
Toutes les constructions réalisées ou en cours de réalisation pourvues d’un permis de construire et qui sont non conformes à ce dernier doivent être régularisées suivant les modalités fixées par le décret exécutif n°22-55 fixant les conditions de régularisation des constructions non conformes au permis de construire délivré
Traitement des demandes de régularisation des constructions non conformes au permis délivré
Il est créé par arrêté du président de l’assemblée populaire communale ou du wali délégué ou du wali, selon le cas, une commission chargée du traitement des demandes de permis de construire modificatif ou de certificat de conformité, à titre de régularisation.
La commission chargée du traitement des demandes est composée du représentant :
- Des services de l’Etat chargés de l’urbanisme, président ;
- Du service de l’urbanisme de la commune, membre ;
- De la protection civile, membre.
Dossier de régularisation
Pour les constructions en cours de réalisation:
- Une copie des pièces graphiques visées du permis de construire délivré ;
- Les pièces écrites et graphiques établies par un architecte et un ingénieur en génie civil, agréés, faisant ressortir d’une manière distincte les parties ayant subi des modifications et celles dont les travaux de réalisation sont en cours, accompagnées :
- D’une notice comportant le devis descriptif et estimatif des travaux réalisés et ceux en cours de réalisation, en faisant ressortir la valeur de la partie modifiée ou rajoutée;
- D’un rapport illustré par des photos ;
- Du délai d’achèvement des travaux, évalué par l’architecte.
- Un rapport d’expertise établi par un ingénieur en génie civil agréé, si des changements à la structure porteuse ont été apportés.
Pour les constructions achevées:
- Une copie des pièces graphiques visées du permis de construire délivré ;
- Les pièces écrites et graphiques faisant ressortir l’état des lieux de la construction telle que réalisée, établies par un architecte et un ingénieur en génie civil, agréés, accompagnées :
- D’une notice comportant le devis descriptif et estimatif des travaux réalisés, en faisant ressortir la valeur de la partie modifiée ou rajoutée ;
- D’un rapport illustré par des photos.
- Un rapport d’expertise établi par un ingénieur en génie civil agréé, si des changements à la structure porteuse ont été apportés.
Traitement des dossiers
Le service de l’urbanisme de la commune transmet le dossier complet, après vérification, dans un délai qui ne dépasse pas les quarante-huit (48) heures, à compter de la date de son dépôt, au guichet unique compétent qui le remet pour traitement, au président de la commission dans les quarante-huit (48) heures qui suivent.
La commission dispose d’un délai de trente (30) jours au maximum, à compter de la date de réception du dossier, pour finaliser le traitement de la demande et transmettre la fiche d’instruction accompagnée du dossier au guichet unique compétent.
Lorsque le dossier est à compléter par des documents ou des renseignements, la commission notifie au demandeur, par le biais du président de l’assemblée populaire communale, la demande de complément, dans ce cas, le délai fixé ci-dessus est interrompu et reprend, à compter de la date de réception par la commission desdits documents ou renseignements.
Modalités de reprise des travaux d'achèvement
Le processus de reprise des travaux d'achèvement d'une construction est conditionné par plusieurs étapes et exigences. Tout d'abord, le propriétaire ou le maître d'ouvrage doit soumettre une demande d'ouverture de chantier au président de l'assemblée populaire communale compétent. Une fois que cette demande est approuvée, une autorisation d'ouverture de chantier est délivrée dans les huit jours suivants.
Le chantier lui-même doit être clairement délimité par l'installation d'une clôture de protection et la mise en place d'un panneau signalétique indiquant les travaux d'achèvement en cours. Les travaux d'achèvement doivent débuter dans un délai de trois mois à compter de la délivrance du permis d'achèvement.
Pendant la période définie par le permis d'achèvement, le président de l'assemblée populaire communale concerné doit réaliser des inspections régulières, prévues ou inopinées, pour constater l'avancement et la réalisation des travaux.
Le propriétaire ou le maître d'ouvrage a la responsabilité de maintenir le chantier propre en évacuant régulièrement les déchets, gravats et décombres à la décharge publique. Il doit également prendre des mesures pour éviter toute forme de pollution ou nuisance pour le voisinage.
Une fois que les travaux sont achevés, le propriétaire ou le maître d'ouvrage doit entamer les démarches pour obtenir un certificat de conformité. Cette demande doit être déposée auprès du président de l'assemblée populaire communale dans un délai maximum de trois mois après la date limite fixée par le permis d'achèvement.
L'obtention du certificat de conformité permet au propriétaire ou au maître d'ouvrage d'être autorisé à se connecter aux infrastructures publiques de viabilité (voiries et réseaux publics). Tout branchement effectué en dehors des dispositions établies est strictement interdit. Les types de voiries et de réseaux de viabilité ainsi que les modalités de leur prise en charge sont définis par des règlements spécifiques.
Sanctions
Le non-respect des règles et des délais liés à la construction et à l'achèvement d'un bâtiment est assorti de sanctions financières et potentiellement de sanctions plus graves. Voici les principales sanctions énoncées par la loi n°08-15 :
Non-respect du délai de construction : Celui qui ne termine pas la construction dans le délai spécifié par le permis de construire peut être soumis à une amende allant de 50 000 à 100 000 dinars.
Construction sans permis : L'édification d'une construction sans permis de construire est passible d'une amende de 50 000 à 100 000 dinars.
Non-achèvement dans le délai : Si les travaux d'achèvement ne sont pas finis dans le temps fixé par le permis, le propriétaire ou le maître d'ouvrage peut recevoir une amende de 20 000 à 50 000 dinars.
Non-conformité de la construction : Quiconque ne met pas en conformité la construction dans le délai établi est passible d'une amende de 5 000 à 20 000 dinars.
Occupation sans conformité : L'utilisation ou l'exploitation d'une construction sans qu'elle soit conforme, attestée par un certificat de conformité, peut entraîner une amende de 20 000 à 50 000 dinars. En cas de non-obéissance, une peine d'emprisonnement de 6 à 12 mois peut être appliquée, avec une amende doublée.
Déclaration non réalisée : Le défaut de déclaration d'une construction non achevée ou nécessitant une mise en conformité peut mener à une amende de 100 000 à 300 000 dinars. En cas de non-respect, la démolition peut être ordonnée aux frais du contrevenant.
Fausse déclaration : Fournir une fausse déclaration concernant l'achèvement des travaux est puni par le code pénal comme suit :
Un emprisonnement de six (6) mois à deux (2) ans et une amende de six cents (600) à six mille (6.000) DA
Reprise des travaux sans conformité : Reprendre les travaux de construction avant leur mise en conformité est passible d'une amende de 50 000 à 100 000 dinars. En cas de récidive, l'amende est doublée.
Non-respect de l'arrêt des travaux : Si l'arrêt immédiat des travaux n'est pas respecté conformément à la loi, une amende de 5 000 à 20 000 dinars ainsi que la fermeture du chantier peuvent être imposées.
Branchement illégal aux réseaux publics : Effectuer un branchement non autorisé à des réseaux de viabilité publics entraîne une amende de 50 000 à 100 000 dinars. Cette amende s'applique également à l'entrepreneur ou au préposé de l'organisme qui a autorisé ce branchement.
Ouverture de chantier sans autorisation : Procéder à l'ouverture d'un chantier d'achèvement sans autorisation préalable, ou ne pas poser la clôture de protection ou le panneau signalétique, peut entraîner une amende de 5 000 à 10 000 dinars.
Non-démarrage des travaux d'achèvement : Ne pas commencer les travaux d'achèvement dans le délai fixé par le permis d'achèvement est passible d'une amende de 10 000 à 30 000 dinars.
Dépôt de matériaux sur la voie publique : Le dépôt de matériaux de construction, de gravats ou de détritus sur la voie publique peut entraîner une amende de 5 000 à 20 000 dinars.
Non-dépôt de demande de certificat de conformité : Si une demande de certificat de conformité n'est pas déposée à la fin des travaux dans le délai fixé, une amende de 10 000 à 50 000 dinars peut être appliquée. En cas de récidive, l'amende est doublée.
Ces règles sont-elles réellement appliquées?
Malgré la promulgation de la loi n°08-15, très peu de constructions ont été régularisées ou achevées et on déplore la difficile application de cette loi. Les pratiques semblent n'avoir que peu évolué, même si les agents de la police de l'urbanisme sont censés surveiller les chantiers en cours et qu'aucun raccordement aux services publics (électricité, eau, gaz) ne devrait être autorisé sans la présentation et la vérification des documents techniques de conformité. Les mesures prévues par la loi manqueraient-elles de dissuasion? Ou cette difficile mise en œuvre est-elle due à un classique laisser faire des services administratifs concernés?
À ce jour, aucune statistique officielle n'est disponible concernant le nombre réel de constructions ayant été achevées ou régularisées.
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