Lors du conseil des Ministres en date du 11 Décembre 2022, le président de la République a ordonné la promulgation des textes réglementaires relatifs au renforcement de la quiétude et des droits et obligations des catégories professionnelles. De ce fait, un projet de loi a été publié récemment suivi de la promulgation de la loi n° 23-08 du 21 juin 2023 relative à la prévention, au règlement des conflits collectifs de travail et à l’exercice du droit de grève.
Cette loi, portant sur la prévention et le règlement des conflits collectifs de travail et l’exercice du droit de grève, vise à renforcer le cadre légal de l'exercice du droit syndical et à formuler de nouvelles modalités applicables dans le secteur économique, public et privé ainsi, que dans le secteur de la fonction publique, constituant une réforme et un défi nécessaires pour promouvoir la liberté syndicale et protéger le droit syndical.
En effet, cette loi vise à apporter certaines mesures absentes dans la loi n° 90-02, tel que :
- Des conditions et critères juridiques clairs en la matière.
- Définir la notion de grève dans le domaine du travail.
- Établir des mesures encourageant le règlement pacifique des conflits collectifs en renforçant l’efficacité des systèmes de conciliation, de médiation et d’arbitrage.
- Renforcer la confiance entre les partenaires sociaux.
Cadre juridique
- Loi n° 23-08 du 21 juin 2023 relative à la prévention, au règlement des conflits collectifs de travail et à l’exercice du droit de grève
- Loi n° 90-02 du 6 février 1990, modifiée et complétée, relative à la prévention et au règlement des conflits collectifs de travail et à l’exercice du droit de grève
Nouvelles définitions
La loi n° 23-08 du 21 juin 2023 relative à la prévention, au règlement des conflits collectifs de travail et à l’exercice du droit de grève se veut plus précise et prévoit dans son deuxième chapitre une série de nouvelles définitions qui n’existaient pas auparavant et qui constituent en cela une véritable innovation juridique:
- Conciliation : Mode de règlement amiable des conflits collectifs de travail, avec l’aide d’un tiers dénommé« conciliateur », dont la mention peut être faite dans la convention ou l’accord collectif de travail. (article 4).
- Médiation : Procédure par laquelle les conflits collectifs de travail sont confiés à un tiers dénommé « médiateur »choisi, d’un commun accord, parmi les personnes figurant sur la liste des médiateurs, dont la mission est de proposer un règlement amiable du conflit collectif. (article 4).
- L'arbitrage : est un mode de règlement des conflits collectifs de travail, qui fait intervenir, après accord formel de chacune des parties au conflit, un tiers dénommé « arbitre », et ce, en application des règles générales d’arbitrage prévues par le code de procédure civile et administrative. (article 4).
- Réquisition : Procédure exceptionnelle à laquelle l'autorité publique compétente doit recourir, pour contraindre les travailleurs grévistes dans les services essentiels relevant des institutions, administrations publiques ou entreprises, à poursuivre et fournir des services dans des postes de travail indispensables à la sécurité et à la santé des personnes, à la sécurité des installations et des biens ainsi qu'à la continuité des services publics essentiels à la satisfaction des besoins vitaux du pays, ou les travailleurs exerçant des activités indispensables à l'approvisionnement de la population.
- Grève pour revendications politiques : Grève qui a pour objet la satisfaction des revendications politiques, non professionnelles.
- Grève inopinée : Grève sans dépôt d'un préavis ni de respect des procédures préalables de règlement des conflits collectifs de travail.
- Grève discontinue : Grève à des moments différents.
- Grève de solidarité : Grève menée par les travailleurs d'un établissement autre que les travailleurs de l'établissement lésé dans le but de soutenir les revendications de ses travailleurs à titre solidaire.
- Grève illimitée: Une grève continue à durée indéterminée.
Champ d’application
La loi n° 90-02 du 6 février 1990, modifiée et complétée, relative à la prévention et au règlement des conflits collectifs de travail et à l’exercice du droit de grève avait défini les parties du conflit collectif , à savoir les travailleurs d’une part et l'employeur d’autre part, Mais la loi n° 23-08 prévoit une définition plus précise et sans doute élargie ou du moins plus spécifique concernant les parties du conflit collectif (article 2) en préférant le vocable de :
- groupe de salariés ou leurs représentants syndicaux d'une part.
- employeur ou groupe d’employeurs ou représentants syndicaux d'autre part.
Cette même loi envisage également d'élargir son champ d’application en ajoutant à la définition des parties du conflit collectif (article 3) :
- Les salariés et travailleurs salariés, quelle que soit la nature juridique de leur relation de travail.
- Les agents publics qui travaillent dans les établissements et administrations publics, peu importe leurs lois fondamentales ou la nature juridique de leur relation de travail.
Prévention des conflits collectifs du travail
Les conflits collectifs du travail qui ne peuvent être résolus directement, que ce soit par voie amiable, lors d'entretiens périodiques, ou en application des dispositions des conventions ou accords collectifs, sont soumis à des procédures de conciliation et de médiation, et éventuellement d’arbitrage. La nouvelle confirme ce procédé.
Conciliation
La section 2 de la loi n° 23-08 fait référence aux procédures relatives au règlement des conflits collectifs du travail au travers de la conciliation, exercée par l’inspecteur du travail.
Procédures d’applications
*1ère audience : l’inspecteur du travail convoque les parties au conflit collectif de travail à une première audience de conciliation qui doit se tenir dans un délai qui ne saurait excéder les huit (8) jours ouvrables qui suivent la saisine, à l'effet de consigner la position de chacune des parties sur toutes les questions, objet du conflit.
*Modalités d’exécution : elles sont contenues aux articles 7 et 8 de la loi n° 23-08, lesquels font référence aux procédures d’exécution suivantes :
- Convocation des deux parties du conflit collectif.
- Enregistrement des positions des deux parties.
- Exécution des obligations contractuelles découlant de conventions ou d'accords collectifs de travail.
- Détermination du nombre de personnes admises à la procédure de conciliation.
*Enquête : L’article 8 de la loi n° 23-08 prévoit qu’une enquête sur le salarié ainsi que l’organisation syndicale est ouverte dans le but d’obtenir différents renseignements concernant les documents de nature :
- Comptable,
- Financière,
- Statistique,
- Administrative.
*Procès-verbal :
Le procès-verbal est dressé contre l’une des parties en cas d’ :
- Infraction,
- Absence à la seconde convocation à l'expiration du délai qui ne peut excéder quinze (15) jours ouvrables.
*Non-conciliation : selon les dispositions de l’article 12, dans le cas où la conciliation rencontre un échec, un procès-verbal est adressé aux parties ainsi qu’au gouverneur de région compétent et au ministre chargé du travail.
* Cas de conflit collectif du travail dépassant le périmètre de l’établissement
Lorsqu'un conflit collectif du travail dépasse le périmètre de l'établissement et affecte un service essentiel, le ministre du secteur concerné peut (dans un délai n'excédant pas huit (8) jours ouvrables à compter de la date du procès-verbal de non-conciliation), notifier au ministre chargé des travaux, qui à son tour, charge l'inspecteur du travail à procéder à un second rapprochement sur tout ou une partie des points litigieux.
Les procédures de conciliation seront reprises à la date fixée par l'inspecteur du travail pour la deuxième procédure de conciliation après avis des parties au conflit collectif du travail. La procédure prend fin dans les cinq (5) jours ouvrables suivant la réception de la demande du ministre du secteur concerné, à moins que les deux parties ne conviennent de prolonger ce délai (article 13).
Médiation
En cas de non-conciliation totale ou partielle, le conflit collectif de travail est, obligatoirement, soumis à la procédure de médiation dans un délai de quinze (15) jours ouvrables suivant la date du procès-verbal de carence ou de non conciliation.
Dans ce cas, les parties au conflit collectif de travail doivent désigner, d’un commun accord, un médiateur
Les médiateurs sont choisis parmi les personnalités reconnues pour:
- Leur compétence dans le domaine juridique et social, leur autorité morale,
- Leur expertise;
- Leur impartialité;
- Leur probité;
- Leur attachement aux principes de justice sociale et d’équité.
Les médiateurs ne doivent avoir aucun intérêt direct ou indirect avec les parties au conflit collectif de travail
Missions du médiateur
- Réception des informations des deux parties,
- Obtention des différents renseignements concernant les documents d’ordre :
- Comptable,
- Financier,
- Statistique,
- Administratif.
- Possibilité d’obtention d’une assistance en matière de législation du travail, à sa demande, par l'inspection du travail territorialement compétente,
- Effectuer les travaux dans un délai de (10) jours à compter de la date de la réception du dossier de conflit collectif du travail, avec une possibilité de prolongation du délai de (08) jours supplémentaires avec l’accord des deux parties.
Conséquences de la médiation
Soit la médiation est un succès :
- Les deux parties s’accordent sur les suggestions proposées par le médiateur.
- Le médiateur soumet aux parties, dans un délai qu'elles déterminent et sous forme de recommandation motivée, les propositions de règlement du différend soumis à son examen.
- Transmission de ladite recommandation par le médiateur à l'inspection du travail territorialement compétente ainsi qu’au greffe du tribunal territorialement compétent
Soit la médiation est un échec :
- Les deux parties peuvent recourir à l’arbitrage.
- Le médiateur envoie dans un délai de 48h un rapport détaillé des résultats de sa mission aux Ministres du Travail et au ministre du secteur.
Arbitrage
L’ article 20 de la loi 23-08 prévoit que l’arbitrage succède aux procédures de conciliation et de médiation, en cas d’échec.
La sentence arbitrale est rendue en dernier ressort dans les trente (30) jours ouvrables, suivant la désignation des arbitres
Elle s'impose aux parties, tenues d'en assurer l'exécution, nonobstant tout recours introduit par l’une d’elles dans les trois (3) jours ouvrables, suivant la notification dans les formes et conditions prévues par le code de procédure civile et administrative.
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