Dans un contexte de croissance exponentielle des médias et de l’information, la réglementation devient cruciale pour maintenir l’équilibre entre la liberté d’expression et la responsabilité légale.
C’est dans ce contexte que la loi organique n° 23-14 du 27 août 2023 relative à l’information a été promulguée, remplaçant ainsi la loi organique n°12-05. Cette nouvelle législation apporte des changements dans le secteur des médias en introduisant de nouvelles obligations pour les médias, définissant de nouvelles conditions d'exercice de l'activité médiatique.
Elle marque également une distinction importante en indiquant que les activités de presse écrite ou électronique ainsi que l'activité audiovisuelle seront régies par des lois indépendantes de la loi relative à l'information.
Ces ajustements légaux visent à établir un cadre juridique plus précis pour les acteurs du secteur médiatique, garantissant ainsi une meilleure conformité avec les évolutions rapides de l’ère de l’information.
Activité des médias
Presse écrite et presse électronique
La création de la presse écrite et de la presse électronique est soumise au dépôt d’une déclaration, auprès du ministre chargé de la communication.
Selon l’article 5 de la loi n°23-14, l’activité de la presse écrite et de la presse électronique est définie est exercée selon les conditions et les modalités fixées par la loi relative à la presse écrite et à la presse électronique. Mais cette loi n’a toujours pas été promulguée bien que le projet de loi soit publié depuis presque une année.
Activité audiovisuelle
l’activité audiovisuelle, y compris l’activité en ligne, sont définies et exercées, conformément aux modalités et conditions fixées par la loi n°14-04 relative à l’activité audiovisuelle.
Les activités suivantes sont soumises à une autorisation, préalable, délivrée par le ministre chargé de la communication :
- La création de tout service de communication audiovisuelle;
- La diffusion d’émissions radiophoniques ou télévisuelles par câble, par voie terrestre ou par satellite;
- La création de tout service de communication audiovisuelle en ligne.
Obligations spécifiques aux médias
La loi organique n°23-14 indique certaines obligations pour les médias, que ce soit une activité de presse écrite ou électronique ou une activité audiovisuelle:
- Tout média est tenu de déclarer et de justifier l'exclusivité nationale du capital social, l’origine des fonds investis et ceux nécessaires à sa gestion, selon la nature de l’activité;
- Tout média est tenu d’employer, à temps plein,des journalistes professionnels dont le nombre ne doit pas être inférieur à la moitié (1/2) de l’équipe rédactionnelle;
- Il est interdit à toute personne, de prêter son nom à toute autre personne physique ou morale en simulant soit la souscription ou l’acquisition d’actions ou de parts en vue de la création d’un média;
- Tout média bénéficiant d’un financement et/ou d’une aide matérielle doit être lié organiquement à l’organisme donateur;
- Le financement et/ou l’aide matérielle directe et indirecte de toute partie étrangère sont interdits, sous peine de sanctions pénales.
Exclusion des binationaux de l’exercice de l’activité d’information
Dans son article 4, la loi organique n°23-14 relative à l’information, indique que les activités d’information sont exercées par les médias relevant des:
- Personnes physiques de nationalité algérienne, exclusivement;
- Personnes morales de droit algérien dont le capital est détenu par des personnes physiques de nationalité algérienne, exclusivement;
- Personnes morales de droit algérien dont les actionnaires ou les associés sont, exclusivement, de nationalité algérienne.
Mécanismes de régulation
L’autorité de régulation de la presse écrite et de la presse électronique
En vertu de la loi organique n°23-14, une entité pour la presse écrite et électronique est établie, cette entité est indépendante, possède une personnalité morale et jouit d’une autonomie administrative et financière. Les responsabilités de cette autorité, ainsi que sa structure et son mode de fonctionnement, seront définis dans la loi sur la presse écrite et électronique une fois qu’elle aura été promulguée.
L’autorité de régulation de l’audiovisuel
L’autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel, à caractère spécifique, jouissant de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière.
Les missions et les attributions de cette autorité ainsi que sa composition et son fonctionnement sont fixées par la loi n°14-04 relative à l’activité audiovisuelle.
La profession de journaliste
Un journaliste est une personne certifiée par une carte délivrée par l'employeur pour exercer une activité journalistique. La loi définit l'activité journalistique comme la recherche, la collecte, la sélection, le traitement et la présentation de l'information pour des médias de presse écrite, électronique, des agences de presse, des services de communication audiovisuelle ou en ligne.
Un journaliste professionnel est toute personne qui exerce une activité journalistique et qui fait de cette activité sa profession régulière et sa principale source de revenus et qui justifie la détention soit :
- D’un diplôme de l’enseignement supérieur en rapport direct avec la profession de journaliste et justifiant de trois(3) années d’expérience professionnelle, au moins, dans le domaine journalistique ;
- D'un diplôme de l’enseignement supérieur dans une autre filière, justifiant d’une formation en journalisme au sein d'un organisme agréé et de cinq (5) années d'expérience professionnelle, au moins, dans le domaine journalistique.
Il est également considéré journaliste professionnel, tout correspondant permanent remplissant les conditions citées ci-dessus et lié par un contrat de travail.
L’exercice de l’activité journalistique est incompatible avec toute fonction administrative.
Une carte nationale de journaliste professionnel est délivrée pour attester de la qualité de journaliste professionnel, donnant droit à des avantages pour la presse.
Obligations spécifiques aux journalistes
Dans le cadre d’exercice d’une activité journalistique, le journaliste est tenu de respecter les obligations suivantes :
- Vérifier l'information, en contrôler l'origine, la fiabilité et la véracité avant sa publication ou diffusion;
- Toute information publiée ou diffusée par un média doit inclure le nom de son auteur ou citer sa source d'origine si elle a été transmise ou citée par un autre média;
- Les journalistes travaillant en Algérie pour des médias étrangers doivent obtenir une accréditation préalable.
Protection du journaliste
La loi n°23-14 accorde au journaliste des protections spécifiques dans l'exercice de ses fonctions, garantissant ainsi sa sécurité et ses droits:
- Liberté d’expression garantie dans le respect de la loi;
- Contrat de travail écrit fixant les droits et obligations entre l'employeur et le journaliste;
- Protection juridique contre la violence, l'injure, l'outrage ou les menaces pendant l'exercice de la profession;
- Recours au Conseil de déontologie et d'éthique professionnelle en cas de changement de ligne éditoriale avant de résilier le contrat de travail;
- Droit au secret professionnel conformément à la législation en vigueur;
- Droit de refuser la publication ou la diffusion de ses travaux si des modifications sont apportées sans consentement;
- Accord préalable de l'auteur pour la publication ou diffusion de son travail;
- Droit de propriété littéraire et artistique sur ses œuvres conformément à la législation en vigueur;
- Assurance vie obligatoire pour les journalistes envoyés dans des zones dangereuses;
- Refus de mission en l'absence d'assurance sans conséquences professionnelles;
- Formation continue, perfectionnement et recyclage assurés par l'employeur;
- Facilitation de l'accès à l'information par les instances publiques dans le respect de la loi et de la Constitution.
Ethique et déontologie du métier de journaliste
La loi établit un Conseil supérieur composé de 12 membres, dont 6 sont désignés par le Président et 6 élus par des journalistes et éditeurs affiliés à des organisations professionnelles nationales. Ce Conseil est chargé de créer et d'adopter une charte d'éthique et de déontologie journalistique, et il reçoit un soutien financier public.
Le journaliste doit s’interdire, notamment:
- De publier ou de diffuser des informations fausses ou calomnieuses ;
- De mettre en danger les personnes ;
- De faire l’apologie du colonialisme, de porter atteinte à la mémoire nationale et aux symboles de la guerre de libération nationale ;
- De faire, de façon directe ou indirecte, l’apologie du racisme, du terrorisme, de l’intolérance et de la violence ;
- De publier et de diffuser, de façon directe ou indirecte, tout discours haineux ou discriminatoire ;
- D’utiliser sa profession à des fins personnelles ou matérielles ;
- De recourir à tout moyen déloyal et vénal pour obtenir les informations, les images et les documents ;
- De diffuser ou de publier des images, des propos, des signes ou des gestes immoraux ou choquants pour la sensibilité du citoyen ;
- De la violation des droits de l’enfant ;
- De porter atteinte à l’image de la femme, son honneur et sa dignité ;
- De porter atteinte à la vie privée des personnes et à la présomption d’innocence ;
- D’accepter des avantages pécuniaires ou en nature, quelle qu’en soit la valeur, qui peut limiter son objectivité et son indépendance professionnelle ou d’opinion;
- De céder à une pression tendant à corrompre l'exactitude de l’information et de conditionner la publication de l’information par une rémunération ou toute autre forme d’avantages.
Les violations des règles de l’éthique et de la déontologie de la profession de journaliste exposent leurs auteurs à des sanctions disciplinaires fixées et ordonnées par le Conseil supérieur de l’éthique et de la déontologie de la profession de journaliste.
Le Conseil fixe la nature des sanctions disciplinaires ainsi que les modalités de recours.
Le droit de réponse et de rectification
Tout individu ou entité visés par des accusations calomnieuses pouvant nuire à leur réputation ont le droit de réponse, et les médias sont tenus de publier ou diffuser toute rectification qui leur est adressée concernant des faits ou opinions rapportés de manière inexacte.
Le droit de réponse et de rectification peut être exercé par la personne ou son représentant légal, l'autorité de tutelle, ou en cas de décès ou incapacité, par des proches.
Les personnes physiques ou morales de nationalité algérienne ou relevant du droit algérien peuvent exercer ce droit en cas de préjudice aux valeurs nationales ou à l'intérêt national.
La publication ou la diffusion de la réponse ou de la rectification peut être refusée en cas d'illégalité, d'atteinte à l'honneur du journaliste ou à l'intérêt légitime des tiers.
En cas de refus ou de silence du média, l'individu concerné peut saisir un tribunal, qui peut ordonner la publication ou la diffusion de la réponse sous astreinte.
Les modalités d'exercice de ce droit sont régies par les lois relatives à la presse écrite, électronique et à l'activité audiovisuelle.
NB:
Hormis les dispositions précitées dans notre article, il est important de noter que certaines dispositions qui étaient présentes dans l’ancienne loi ne se retrouvent pas dans cette nouvelle législation.
Par exemple, les dispositions relatives aux aides octroyées par l’état à la presse, et les dispositions concernant les activités des agences de communication ne sont pas abordées dans la nouvelle loi.
De ce fait, est ce que l’absence de certaines dispositions dans la nouvelle loi voudrait dire que ces sujets seraient régis par des textes de lois indépendants, reflétant ainsi la nécessité d'une réglementation plus spécifique pour ces domaines particuliers?
Vous êtes abonné ? Restez à jour en consultant les notes, communiqués et circulaires ainsi que l’ensemble des Codes en vigueur sur Legal Doctrine.
Restez à l’affût des dernières actualités juridiques en vous abonnant à notre newsletter Legal Doctrine.