Suite à l'adoption de la loi organique en date du 14 septembre 2019 relative à l’autorité nationale indépendante des élections, le Chef de l'Etat Algérien M. Abdelkader Bensalah a saisit le Conseil Constitutionnel au titre d'un contrôle de conformité. Une saisine à laquelle l'avis demeure assez mitigé.
Quel était l'objet de la saisine ?
Il convient de préciser qu'à travers une seule et unique saisine, le Chef de l'Etat algérien visait deux lois différentes. La première étant la Constitution en ses articles 134, 193 et 182. La seconde concerne la loi organique instituant l'Autorité indépendante Nationale en charge des élections susvisée dans son article 11.
En premier lieu, l'avis du Conseil Constitutionnel porte sur la compétence exclusive du Parlement à instituer des commissions permanentes et d'en fixer les règlements intérieurs.
Art. 134 de la Constitution "L'Assemblée Populaire Nationale et le Conseil de la Nation créent des commissions permanentes dans le cadre de leur règlement intérieur. Chaque commission permanente au niveau de chacune des deux chambres peut mettre sur pied une mission temporaire d'information sur un sujet précis ou sur une situation donnée. Le règlement intérieur de chacune des deux chambres fixe les dispositions qui régissent la mission d'information".
Le Conseil Constitutionnel considère que les matières dont traite la loi organique, objet de saisine, ne relève pas du domaine réglementaire relevant du Premier ministre ; que, par conséquent, l’article 143 (alinéa 2) de la Constitution, ne constitue pas un fondement constitutionnel à la loi organique.
En second lieu, les dispositions de l'article 193 relatives à la transparence de l'Autorité nationale indépendante prévue par la nouvelle loi étaient remises en question.
Art. 193: "Les pouvoirs publics en charge de l'organisation des élections sont tenus de les entourer de transparence et d'impartialité. A ce titre, la liste électorale est mise à chaque élection, à la disposition des candidats. La loi organique relative au régime électoral précise les modalités d'application de cette disposition".
Le Conseil Constitutionnel considère que le législateur a conféré à l’autorité nationale indépendante des élections, la prérogative d’organiser les élections pour garantir leur transparence et leur impartialité. Par conséquent, l'article en l'espèce dans son alinéa premier constitue un fondement constitutionnelle. La loi organique devra donc être corrigée en conséquence.
En troisième lieu, les dispositions de l'article 182 de la constitution étaient également contestées.
Conformément à ses dispositions, le législateur stipule : "Le Conseil constitutionnel est une institution indépendante chargée de veiller au respect de la Constitution. Le Conseil constitutionnel veille, en outre, à la régularité des opérations de référendum, d'élection du Président de la République et d'élections législatives. Il étudie dans leur substance, les recours qu'il reçoit sur les résultats provisoires des élections présidentielles et des élections législatives et proclame les résultats définitifs de toutes les opérations prévues à l'alinéa précédent. Le Conseil constitutionnel est doté de l'autonomie administrative et financière"
Ainsi, la lecture du Chef d'Etat était que le Conseil Constitutionnel doit nécessairement être introduit dans le processus de régulation des élections. Pour ainsi dire, une autorité ne peut être totalement indépendante.
Le Conseil Constitutionnel considère également que la non insertion du législateur de ce fondement constitutionnel, à la loi organique concernée, constitue une omission devant être corrigée.
Pour conclure, le dernier contrôle invoqué concernait l'article 11 et 49 de la loi organique.
L'article 49 de la loi organique en l'espèce prévoit le transfert des prérogatives relatives à l'organisation des élections à l'Autorité indépendante.
Par ailleurs, l'article 11 vient limiter l'intervention de l'Autorité National indépendante au titre des violations de la loi organique du régime électoral. On constate donc qu'il y'a une contradiction entre l'article 49 prévoyant un transfert complet des prérogatives à l'ANI et l'article 11 qui limite le champ d'intervention de cette même autorité à la loi relative au régime électoral laissant les dispositions réglementaires en dehors de son champ d'intervention.
Le Conseil Constitutionnel affirme la position du Chef d'Etat, et considère que l'article 11 en l'espèce doit être reformulé comme suit "L’autorité indépendante intervient automatiquement en cas de violation des dispositions de la présente loi organique, de celles de la loi organique relative au régime électoral et des dispositions réglementaires y afférentes".
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