Le logement promotionnel public (LPP) est un dispositif central de la politique nationale du logement, destiné à offrir aux citoyens des habitations de qualité à un coût raisonnable. Pour garantir l’efficacité de ce programme, le décret exécutif n° 14-203 du 15 juillet 2014, modifié et complété, a prévu un mécanisme permettant de traiter les situations où des logements destinés à être vendus restent malgré tout inoccupés et invendus.
C’est l’article 13 bis de ce décret qui introduit la notion de “mévente avérée”, mais sans en définir précisément les critères.
Or, pour qu’un promoteur, une agence publique ou l’administration puissent faire valoir l’existence d’une mévente, encore faut-il savoir à quelles conditions exactes cette mévente est reconnue par la loi. Sans définition précise, il serait difficile :
- d’identifier les projets réellement en difficulté ;
- de déclencher les mécanismes d’ajustement prévus par le décret ;
- ou encore de justifier des modifications tarifaires, des mesures de soutien ou des adaptations opérationnelles.
C’est dans ce cadre que s’inscrit l’arrêté interministériel du 23 octobre 2025. Pris conjointement par le ministre des finances et le ministre de l’habitat, de l’urbanisme, de la ville et de l’aménagement du territoire, il répond à un besoin clair : définir, de manière objective et vérifiable, les éléments permettant de constater une mévente avérée des logements LPP.
Cet arrêté s’appuie notamment sur :
- le cadre juridique complet du logement promotionnel public (décret n° 14-203) ;
- et plus spécifiquement l’article 13 bis, qui rend indispensable l’adoption d’un texte définissant les critères de mévente.
L’objectif est de fournir à l’administration, aux promoteurs et aux collectivités un référentiel clair pour identifier les programmes LPP réellement en situation de mévente, afin de pouvoir activer les mesures prévues par la réglementation.
Objet de l’arrêté
L’article 1 précise que l’arrêté a pour objet d’appliquer l’article 13 bis du décret n° 14-203. Concrètement, il vient définir les éléments et critères permettant de reconnaître officiellement qu’un programme de logements LPP fait l’objet d’une mévente avérée.
Il ne crée pas le principe de la mévente – déjà prévu dans le décret de 2014 – mais il en précise la portée, pour éviter toute interprétation arbitraire.
Situations constituant une mévente avérée
L’article 2 fixe trois situations précises dans lesquelles la mévente d’un programme LPP est juridiquement reconnue.
Dans tous les cas, un critère temporel essentiel est exigé :
les logements doivent être restés invendus pendant deux (2) ans ou plus à compter de leur mise en vente.
Voici les trois cas définis par l’arrêté :
Inadéquation des prix du LPP avec le marché local
La mévente est reconnue :
« dans le cas de non-concordance des prix de vente des logements promotionnels publics (…) avec les prix de vente de l’immobilier pratiqués dans les zones ayant connu une mévente ».
En termes simples :
- si les logements LPP sont proposés à un prix supérieur ou déconnecté du marché immobilier local ;
- et restent invendus pendant au moins deux ans,
cela constitue un cas de mévente avérée.
L’objectif est d’éviter que des prix mal ajustés empêchent la vente effective des logements.
Logements construits en dehors des zones urbanisées ou dépourvus d’équipements
La mévente est également reconnue lorsque :
des logements sont construits hors zones urbaines, sans équipements ni infrastructures socio-économiques de base, et restent non vendus pendant deux ans ou plus.
Cela concerne les projets :
- implantés dans des zones éloignées ou insuffisamment desservies ;
- dépourvus de routes, transports, écoles, réseaux, commerces, etc. ;
- et que les acquéreurs potentiels boudent pour ces raisons.
L’arrêté reconnaît ici une cause structurelle de mévente liée à la localisation et à l’absence d’aménagements.
Désistement des souscripteurs pour motifs financiers
Le troisième cas se produit lorsque :
les souscripteurs se désistent parce qu’ils ne peuvent pas réunir le prix du logement et refusent de recourir au crédit bancaire.
Ici, la mévente résulte :
- d’une incapacité financière réelle des souscripteurs,
- combinée à un refus du recours au crédit,
- entraînant un stock de logements invendus pendant deux ans ou plus.
L’arrêté entend ainsi tenir compte de la contrainte financière réelle des ménages.
Publication et entrée en vigueur
Comme tout acte réglementaire, l’arrêté prévoit sa publication au Journal officiel, condition indispensable pour sa mise en application et son opposabilité à tous.
L’arrêté du 23 octobre 2025 constitue un texte d’application essentiel pour la gestion du logement promotionnel public. En définissant clairement les critères de mévente avérée, il :
- sécurise juridiquement les décisions administratives ;
- offre aux promoteurs un cadre objectif pour justifier une situation de blocage ;
- permet aux pouvoirs publics d’ajuster leurs politiques en fonction de critères mesurables et non subjectifs.
Son rôle est donc de transformer une notion générale prévue par le décret de 2014 en référentiel opérationnel clair, permettant d’identifier et d’encadrer les programmes LPP confrontés à une absence durable de demande.
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