Le projet de loi de finances 2026 (PLF 2026), présenté devant l’Assemblée Populaire Nationale, constitue un jalon important dans la dynamique de réforme fiscale engagée en Algérie. Il vise à renforcer les recettes de l’État tout en adaptant le cadre juridique aux réalités économiques contemporaines : numérisation, lutte contre la fraude, développement durable, transition énergétique, et équité entre contribuables.
Le PLF 2026 s’inscrit dans un contexte de reprise économique modérée (la croissance est projetée à 4,1 % en 2026). Il entend concilier les impératifs budgétaires — améliorer les ressources de l’État et des caisses sociales — avec des mesures visant à encourager l’investissement, la formation, l'inclusion sociale et la transition vers des pratiques fiscales plus modernes.
Cet article récapitule et commente les principales réformes fiscales introduites : impôts directs, enregistrement et timbre, taxe sur le chiffre d’affaires, impôts indirects, ainsi que les innovations destinées à renforcer la sécurité fiscale et la lutte contre la fraude.
Le projet de loi de finances 2026 apporte plusieurs changements au Code des impôts directs et taxes assimilées (CIDTA). Ces réformes visent surtout à simplifier la vie des contribuables, à moderniser l’administration fiscale et à sécuriser les recettes de l’État.
Voici, en termes simples, les principales nouveautés.
Moins de déclarations fiscales à remplir
Jusqu’à présent, certaines catégories de revenus (loyers, dividendes, intérêts sur créances et dépôts) devaient être déclarées via des formulaires spécifiques.
Avec la réforme :
- Ces obligations disparaissent.
- Tous les revenus seront désormais regroupés dans une déclaration annuelle unique (formulaire G n°1). Conséquence pour le citoyen : moins de papiers, plus de simplicité.
Les bénéfices des sociétés étrangères clarifiés
Certaines entreprises étrangères travaillent en Algérie par le biais de succursales ou de contrats de type « clé en main » (travaux + services + équipements).
Désormais :
- Les bénéfices nets réalisés en Algérie par ces succursales seront considérés comme distribués, qu’ils soient rapatriés à l’étranger ou non.
- Les contrats « clé en main » devront inclure dans l’assiette imposable tous les bénéfices, y compris ceux liés à la fourniture d’équipements (souvent exclus auparavant).
L’objectif est d’éviter les pratiques d’optimisation fiscale qui permettaient à certaines multinationales de réduire leurs impôts en fractionnant artificiellement leurs contrats.
Déclarations de salaires désormais en ligne et avec plus de détails
La déclaration annuelle des salaires (formulaire G n°29) doit désormais se faire en ligne pour les entreprises équipées du système JIBAYATIC, avec le NIN de chaque salarié.
Une règle plus claire pour les plus-values immobilières
Pour les ventes de biens immobiliers anciens sans preuve du prix d’achat, la plus-value imposable sera désormais calculée forfaitairement sur 40 % du prix de vente.
Moins de complexité pour les déductions fiscales
Avant, certains textes demandaient aux contribuables de fournir des détails sur des impôts et taxes qui ne sont en réalité pas déductibles. La réforme supprime ces passages inutiles, donnant lieu à une déclaration plus claire, sans obligations superflues.
Baisse de l’impôt sur les dividendes
L’impôt sur les dividendes pour les résidents passe de 15 % à 10 %, afin d’encourager l’investissement en actions et soutenir les entreprises algériennes.
Clarification et durcissement du régime applicable aux entreprises étrangères
Les entreprises étrangères sans installation permanente en Algérie devront désormais se conformer aux mêmes obligations fiscales que les sociétés locales, déclarer tous leurs contrats sous 10 jours, et ne pourront plus choisir leur régime fiscal, afin de lutter contre la fraude et sécuriser les recettes de l’État.
Fin des déductions internes entre sièges et filiales
Les entreprises étrangères en Algérie ne pourront plus déduire de leur résultat imposable les paiements internes à leur siège ou filiales (redevances, commissions, intérêts), afin d’éviter le transfert artificiel de bénéfices à l’étranger.
Simplification des sanctions pour absence de déclaration
Les sanctions pour absence de déclaration sont clarifiées : la majoration de 25 % en cas de taxation d’office est maintenue, mais les règles sont simplifiées et les anciens articles supprimés.
Nouvelle organisation de la taxe formation et apprentissage (Art. 18 à 21)
Les taxes formation et apprentissage deviennent semestrielles et couvrent désormais aussi les stages étudiants, avec une déclaration obligatoire tous les 6 mois, afin de mieux répartir les formations et améliorer leur qualité.
Alignement de la taxe foncière avec la réforme de l’enregistrement (Art. 22)
La taxe foncière sera désormais mise à jour automatiquement grâce aux informations transmises par les notaires. Au lieu de dépendre des anciennes « minutes » papier, les notaires enverront des copies électroniques conformes des actes de vente, donation ou héritage, ce qui permet aux impôts de recalculer la taxe foncière de façon plus rapide et fiable, en lien avec la réforme de l’enregistrement de 2025.
Télé-déclaration obligatoire de l’impôt sur la fortune (Art. 23)
La déclaration de l’ISF se fera désormais exclusivement en ligne via Jibayatic, avec calcul automatique de l’impôt. Cela permet de sécuriser la confidentialité, de simplifier les démarches et de constituer une base de données fiable sur les fortunes en Algérie.
Harmonisation du passage au régime réel (Art. 24)
Actuellement, les petits contribuables soumis à l’Impôt Forfaitaire Unique (IFU) doivent passer au régime réel d’imposition dès qu’ils dépassent un certain chiffre d’affaires, mais les délais pour ce passage n’étaient pas clairs et pouvaient varier selon les articles du Code fiscal. La réforme précise que ce passage au régime réel se fera systématiquement à la fin de l’année suivante après dépassement du seuil, comme c’est déjà le cas pour d’autres régimes fiscaux. L’objectif est de clarifier les règles et éviter les contradictions dans le calcul de l’impôt.
Peines plus sévères contre la fraude fiscale (Art. 25)
Jusqu’ici, la gravité des sanctions pénales pour fraude fiscale dépendait du montant des impôts éludés.
Avec la réforme, ce lien est supprimé. Toute fraude fiscale est punie de 2 à 5 ans de prison + 2 à 5 millions DA d’amende, avec aggravation (jusqu’à 10 ans et 10 millions DA) si l’affaire est complexe ou organisée. Il s’agit de s’aligner sur la loi pénale de 2025 et confier ces dossiers au pôle national économique et financier, spécialisé dans la grande fraude (blanchiment, corruption, spéculation, etc.).
Remboursement des excédents d’impôts facilités (Art. 26 et 27)
Quand une entreprise ou un particulier paie plus d’impôts que nécessaire (trop-versé), elle peut demander un remboursement.
Nouveautés :
- Ce remboursement est désormais traité comme une simple gestion administrative, et non plus comme un litige contentieux (ce qui allégeait les délais).
- Les contribuables ont 4 ans pour déposer leur demande.
- Les nouveaux contribuables sont dispensés d’acomptes la première année.
- En cas de cessation d’activité, le remboursement doit être demandé avant le 31 décembre de l’année suivante.
But : accélérer les remboursements et éviter les blocages administratifs.
Paiement de l’impôt sur les bénéfices des sociétés étrangères (Art. 28)
Le PLF 2026 oblige les sociétés étrangères non résidentes à calculer et payer l’impôt sur leurs bénéfices réputés distribués comme si elles étaient soumises à l’IBS, aux mêmes délais que les entreprises algériennes. L’objectif est d’uniformiser les règles fiscales et d’éviter que ces sociétés retardent ou compliquent le paiement de l’impôt en Algérie.
Correction sur la taxe locale de solidarité (TLS) (Art. 29)
La taxe locale de solidarité (TLS) est une taxe que le contribuable calcule et paie lui-même. Lors de la loi de finances 2025, les règles pour payer le solde restant avaient été supprimées par erreur. Le PLF 2026 corrige cela en précisant que : le contribuable doit maintenant verser le solde avec un bordereau détaillant ce qu’il a déjà payé, des pénalités s’appliquent en cas de retard, et tout trop-payé pourra être remboursé ou déduit des prochaines échéances. En clair, cela clarifie comment finir de payer correctement la TLS et gérer les éventuels excédents.
Enregistrement
Simplification des règles pour l’enregistrement des actes (Art. 30)
Les modalités d’enregistrement des actes soumis au droit fixe sont désormais regroupées dans un seul article (art. 15), avec obligation de joindre un extrait analytique. Le but est de clarifier la lecture, faciliter le travail des notaires et de l’administration, et sécuriser juridiquement le processus.
Renforcement des sanctions en cas de fraude (Art. 31 et 32)
- L’amende minimale en cas de fraude à l’enregistrement est relevée à 50.000 DA (au lieu d’un seuil inférieur).
- Mise à jour technique : les textes renvoient désormais au nouvel article 764 du Code de procédure pénale (et non plus à l’ancien article 599).
Responsabilité des notaires, greffiers et huissiers (Art. 33 à 36)
Les notaires et huissiers restent responsables du paiement des droits d’enregistrement, avec des amendes révisées (100 000 DA pour transfert de propriété, 1 000 DA pour les autres actes). On peut désormais enregistrer un acte même si un acte lié n’est pas encore enregistré, à condition de joindre les documents. Les amendes minimales sont uniformisées à 1 000 DA et les huissiers sont désormais inclus dans ces obligations.
Réforme des taxes judiciaires (Art. 37 et 38)
Les personnes condamnées à une peine criminelle ou à de la prison sont exemptées de la taxe judiciaire d’enregistrement. Une nouvelle taxe est instaurée pour les copies d’actes judiciaires (30 DA pour une ordonnance, 40 DA pour un jugement, 50 DA pour un arrêt, +10 DA/page dès la 4ᵉ, plafonnée à 500 DA), tandis que les copies électroniques restent gratuites pour promouvoir la dématérialisation et la traçabilité.
Clarification des règles fiscales sur certaines opérations (Art. 39 à 42)
Les textes sont harmonisés pour l’imposition des cessions de créances et dettes (1 %). Les promesses de vente immobilières sont désormais taxées à 2,5 % à la promesse et 2,5 % à la vente finale, avec 5 000 DA en cas de résiliation, le Trésor conservant le premier paiement. Les exonérations sont étendues aux logements financés par Mourabaha et Ijara Mountahia Bitamlik, pour clarifier la fiscalité, faciliter l’accès au logement et sécuriser les recettes de l’État.
Droit de timbres
Avec la PLF 2026, le Code du timbre se met en conformité avec le nouveau Code de procédure pénale. Pas de changement concret pour les citoyens, mais une clarification pour les juges et les administrations.
Paiement en ligne des droits de timbre (Articles 44 et 155 bis)
- Les citoyens peuvent désormais payer leurs droits de timbre (passeport, carte d’identité, registre de commerce, etc.) par internet via la plateforme numérique « Tabioucom ». La quittance électronique obtenue a la même valeur que celle délivrée par les impôts.
Le PLF 2026 met donc fin à l’obligation de se déplacer pour payer son timbre ; tout peut se faire en ligne. C’est un gain de temps et une étape vers la modernisation de l’administration.
Révision des tarifs des passeports (Article 45)
- Les tarifs des passeports sont clarifiés et réajustés.
- Une nouvelle règle précise comment convertir ces montants en monnaie étrangère (euros, dollars) dans les consulats à l’étranger, avec un taux fixé par arrêté ministériel. Il s’agit d’éviter les différences entre les consulats.
Augmentation des droits pour les cartes de résident des étrangers (Article 46)
- Les cartes de séjour pour étrangers coûtent désormais plus cher :
- 5.000 DA (6 mois)
- 10.000 DA (1 an)
- 20.000 DA (2 ans)
- 40.000 DA (10 ans)
- En cas de perte ou détérioration : taxe supplémentaire de 10.000 DA.
- Les étudiants étrangers auront des cartes adaptées à la durée de leurs études.
L’Algérie a choisi d’appliquer un principe de réciprocité (comme les Algériens paient à l’étranger).
Création d’un droit de timbre pour le certificat Apostille (Article 47)
- L’Algérie ayant rejoint la Convention de La Haye (1961), un nouveau document est introduit : le certificat apostille, qui remplace la légalisation consulaire pour les documents destinés à l’étranger.
- Coût : 1.500 DA par certificat.
- En cas de perte de la vignette : duplicata à 600 DA.
Révision des tarifs des visites techniques des véhicules (Article 48)
- Augmentation importante des tarifs pour les contrôles techniques et les réceptions de véhicules (par exemple, 15.000 DA pour la réception d’un prototype automobile, 2.000 DA pour un véhicule déjà immatriculé).
- Une partie des recettes sera affectée à un fonds spécial pour développer les transports publics.
Vignette automobile : exemptions (Article 49)
- Exonération de vignette pour :
- Les véhicules électriques ou hybrides.
- Les véhicules fonctionnant au gaz naturel carburant (GNC).
Il y a une volonté d’encouragement à utiliser des véhicules plus propres et à réduire la pollution.
Nouvelle répartition des recettes de la vignette :
- 30 % → Budget de l’État (au lieu de 50 %).
- 20 % → Caisse Nationale des Retraites (nouveau).
- 50 % → Fonds de solidarité des collectivités locales.
Concrètement, une partie de l’argent de la vignette servira désormais directement à financer les retraites, afin de soutenir le système national de pensions.
Taxes sur le chiffre d’affaires
TVA à taux réduit
Le taux réduit de TVA (9 %) s’applique désormais à de nouvelles activités :
- La réhabilitation et la mise en état d’anciens logements (pas seulement les constructions neuves).
- Les prestations d’hébergement et de restauration dans les hôpitaux pour les patients.
- Les formations professionnelles, y compris pour les stagiaires, avec leurs services de cantine et d’hébergement.
- Le transport de voyageurs par bus, qui est désormais aligné sur celui par train.
But de la mesure : alléger la charge fiscale sur des services essentiels (logement, santé, formation, transport collectif).
Taxe intérieure de consommation (TIC) – Tabac et pierres précieuses (art. 52 – art. 25 CTCA)
a) Produits tabagiques
- Tarifs harmonisés entre tabac blond et brun (pour éviter les fraudes).
- Le tabac à narguilé est soumis au même tarif que la cigarette.
- Uniformisation du taux proportionnel à 15 % pour toutes les catégories de tabac (sauf cigarette électronique).
b) Pierres précieuses
- Suppression de la TIC pour les pierres précieuses.
- Elles seront désormais soumises à un nouvel impôt spécifique de 30 % sur leur valeur (droit sur les pierres précieuses).
Répartition des recettes de la TIC
- 90 % : budget de l’État.
- 10 % : Fonds spécial pour la promotion des exportations (au lieu de 5 % auparavant).
Taxe sur les produits pétroliers (art. 54 – art. 28 bis CTCA)
- Suppression de la taxation sur certains carburants qui ne sont plus commercialisés (ex. essence normale, super).
- Mise à jour de la liste des carburants taxés pour coller à la réalité du marché.
Simplification de la régularisation TVA (art. 55 – art. 40 CTCA)
- Actuellement : les entreprises devaient déclarer deux fois (le 20 et le 25 mars).
- Désormais : une seule date limite le 20 mars pour régulariser la TVA.
But : simplifier les démarches fiscales des entreprises.
Obligation de logiciels certifiés (art. 56 – nouvel art. 51 bis CTCA)
- Les entreprises qui n’émettent pas de factures mais utilisent un logiciel ou une caisse enregistreuse devront utiliser des systèmes certifiés (inaltérables, sécurisés, archivés).
- Un certificat devra être fourni par l’éditeur ou un organisme accrédité.
L’objectif est de lutter contre la fraude et sécuriser les enregistrements comptables.
Amendes fiscales revalorisées (art. 57 – art. 114 CTCA)
- Amende de base : 25.000 DA (au lieu de montants plus faibles).
- En cas de fraude : 100.000 DA.
- Défaut d’apposition des plaques d’identification : 10.000 DA.
- Autres manquements (ex. non-respect des obligations de facturation) : 50.000 DA.
Impôts indirects
Encadrement des activités liées aux métaux précieux
Les bijoutiers, artisans et marchands d’or, d’argent et de platine devront désormais obtenir une autorisation délivrée par l’administration fiscale pour exercer leur activité.
- Cette autorisation peut être retirée en cas de non-respect des conditions fixées par la loi ou le cahier des charges. L’objectif est de mieux contrôler ce secteur très sensible en raison de la valeur élevée et de la facilité de circulation de ces produits.
Par ailleurs, deux nouveaux dispositifs sont introduits :
- Exportation temporaire : les bijoutiers peuvent envoyer leurs ouvrages à l’étranger (par exemple pour des expositions ou pour transformation) à condition de les réimporter dans un délai fixé et avec une autorisation préalable.
- Importation temporaire : les artisans peuvent importer temporairement des ouvrages pour les transformer localement avant de les réexporter, également sous autorisation.
Ces mesures visent à encourager la création de valeur locale tout en sécurisant les flux commerciaux.
Création d’un impôt spécifique sur les pierres précieuses
Un nouveau droit proportionnel de 30 % est instauré sur la valeur des pierres précieuses (diamants, rubis, saphirs, émeraudes, etc.), qu’elles soient importées ou vendues localement.
- Les marchands de pierres précieuses devront obtenir une autorisation ou un agrément, tenir un registre détaillant leurs achats et ventes, et déclarer leur profession auprès de l’administration fiscale.
- Ce dispositif remplace l’ancienne taxe intérieure de consommation (TIC) appliquée aux pierres précieuses.
- L’objectif est double : augmenter les recettes fiscales et lutter contre le blanchiment d’argent, un risque particulièrement élevé dans ce secteur.
Lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
La loi introduit un nouveau titre dédié à la prévention et la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBA/FT) pour les marchands de métaux et pierres précieuses.
Parmi les obligations :
- satisfaire à des conditions de qualification professionnelle et de bonne moralité,
- vérification des listes internationales de personnes ou entités liées au terrorisme,
- obligation de tenir un registre des clients et de leurs transactions.
En cas de manquement, l’agrément ou l’autorisation pourra être suspendu ou retiré.
Sanctions financières renforcées
- Une amende de 50 000 DA est désormais prévue pour chaque infraction liée au non-respect des obligations de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
- Les produits saisis issus du commerce ou de la fabrication illicite (tabac, alcools, vins, contrefaçons) devront être détruits. Les modalités seront fixées par arrêté conjoint des ministères concernés (finances, commerce, environnement).
Les nouvelles règles en matière de procédures fiscales
Choix définitif du régime fiscal pour les nouveaux contribuables
Désormais, toute personne qui démarre une activité et qui déclare son existence auprès de l’administration fiscale doit choisir son régime d’imposition dès le départ.
Trois options existent :
- le régime forfaitaire (Impôt Forfaitaire Unique – IFU),
- le régime du bénéfice réel,
- ou le régime simplifié.
La nouveauté est que ce choix devient irrévocable : une fois décidé, il n’est plus possible de changer de régime en fonction des résultats ou des circonstances économiques.
Objectif : éviter les changements opportunistes et renforcer la stabilité et l’équité entre contribuables.
Contrôle fiscal
L’administration fiscale pourra désormais notifier les contribuables à la dernière adresse communiquée (siège, domicile, lieu d’activité, etc.). Cela responsabilise chaque contribuable : il doit mettre à jour ses coordonnées pour ne pas manquer un courrier officiel. Lors d’un contrôle, certains contribuables devront obligatoirement fournir des documents spécifiques :
- la comptabilité analytique (pour ceux qui en tiennent une),
- les comptes consolidés et combinés (pour les entreprises qui y sont soumises).
De plus :
- les demandes de renseignements de l’administration doivent recevoir une réponse dans un délai de 30 jours.
- en cas de soupçon de transfert indirect de bénéfices à l’étranger, le délai peut être prolongé d’un an.
Contrôle des comptabilités informatisées
Un nouvel article (20 ter) encadre les entreprises qui tiennent leur comptabilité via logiciel ou système de caisse. Les obligations sont renforcées :
- fournir un engagement de l’éditeur du logiciel garantissant la conformité aux règles comptables (inaltérabilité, sécurisation, archivage),
- en cas de contrôle, remettre une copie électronique des écritures comptables aux inspecteurs,
- possibilité pour l’administration de sceller les fichiers informatiques et de les traiter elle-même,
- obligation de détruire les copies après la fin du contrôle, avec procès-verbal.
Objectif : adapter les contrôles à la numérisation et lutter contre la fraude via logiciels truqués ou caisses « parallèles ».
Suppression de la Commission de conciliation de Wilaya (CCW)
Jusqu’ici, certains litiges fiscaux étaient tranchés par une commission locale appelée CCW. Cette commission est supprimée car jugée inefficace.
À la place, il est prévu de créer une commission de recours de wilaya, mieux structurée et plus adaptée au traitement des contestations, notamment en matière de droits d’enregistrement.
Droit de préemption fiscal
L’administration fiscale peut exercer un droit de préemption :
- Si elle estime que le prix déclaré lors d’une vente (immeuble, fonds de commerce, parts sociales, etc.) est trop bas, elle peut racheter le bien au prix déclaré + frais.
- Ce droit doit être exercé dans un délai de 3 mois après l’enregistrement de la vente.
- Des exclusions sont prévues (ex. ventes entre proches parents, ventes aux enchères publiques, ventes au profit d’un organisme public, etc.).
- La notification se fait désormais obligatoirement via huissier de justice.
Contentieux et recours
Plusieurs ajustements sont introduits pour renforcer les droits des contribuables :
- Les contribuables peuvent à nouveau déposer un recours préalable auprès de l’administration avant de saisir la justice, ce qui évite d’aller directement au tribunal.
- Création d’une commission spécialisée dans les droits d’enregistrement (notaires, géomètres, représentants de l’habitat et de l’agriculture y siègent).
- Les délais de contestation sont précisés, par exemple : 2 ans pour contester une décision de refus de remboursement d’un excédent fiscal.
Conservation des documents
Les documents comptables et fiscaux doivent être conservés plus longtemps lorsqu’ils sont tenus sur support informatique :
- jusqu’à 6 ans après l’année concernée.
Fin de la saisine directe du tribunal administratif
Jusqu’ici, lorsqu’un contribuable contestait une décision de l’administration fiscale, il pouvait saisir directement le tribunal administratif. Désormais, cette possibilité disparaît :
- le contribuable devra d’abord passer par un recours préalable (par exemple devant une commission spécialisée),
- ce n’est qu’après cette étape que le litige pourra être porté devant le tribunal.
Nouvelles règles sur les poursuites pénales en matière fiscale
La grande nouveauté vient de l’adaptation du droit fiscal au nouveau code de procédure pénale (loi 25-14 du 3 août 2025).
- Pour les affaires fiscales simples, l’administration fiscale doit toujours déposer une plainte pour engager des poursuites.
- Mais pour les affaires complexes liées à la fraude et à l’évasion fiscales, la compétence revient désormais au pôle national pénal économique et financier. Dans ce cas :
- une plainte de l’administration fiscale n’est plus nécessaire pour engager les poursuites,
- l’administration peut toutefois se constituer partie civile.
L’article 104 bis du code des procédures fiscales précise que le retrait d’une plainte par l’administration fiscale met fin à l’action publique, conformément à l’article 9 du nouveau code de procédure pénale.
Recours et sursis de paiement pour les grandes entreprises
Une modification importante concerne les grandes entreprises dont les dossiers fiscaux sont suivis par la Direction des Grandes Entreprises (DGE).
- Actuellement, pour bénéficier d’un sursis légal de paiement (ne pas payer immédiatement une somme contestée), elles doivent régler à nouveau 20 % de l’impôt contesté.
- Désormais, elles auront une alternative :
- soit payer ces 20 %,
- soit fournir des garanties financières (ex. hypothèque, caution bancaire) couvrant les sommes en litige.
Dispositions fiscales diverses
Régularisation fiscale volontaire
- Mise en place d’un dispositif exceptionnel jusqu’au 31 décembre 2026.
- Éligibles : personnes physiques ou morales résidentes en situation irrégulière vis-à-vis du fisc.
- Déclaration simplifiée auprès du Directeur des Impôts de Wilaya :
- Montant de l’imposition, soumis à un taux unique libératoire de 10%,
- Identification complète (nom, adresse, NIF, NIN).
- Aucune poursuite ne pourra être engagée pour les sommes déclarées.
Le PLF offre la possibilité aux contribuables de se mettre en conformité volontairement, élargir l’assiette fiscale, simplifier la procédure et renforcer la confiance dans le système.
Revalorisation de la taxe d’habitation
- Ajustement des tarifs :
- Locaux à usage d’habitation : 400 à 1600 DA
- Locaux professionnels : 400 à 3200 DA selon la localisation.
- Produit de la taxe :
- Affecté aux wilayas pour réhabilitation du parc immobilier,
- Part des communes désormais considérée comme recette ordinaire, non grevée d’affectation spéciale.
Droits de timbre pour promoteurs immobiliers (Art. 91)
- Taxe pour certificat d’agrément : 250.000 DA (contre 10.000 DA auparavant).
- Objectif : élargir l’assiette fiscale et harmoniser avec d’autres agréments similaires.
Taxe sur les chargements prépayés (Art. 92)
La taxe sur les chargements prépayés (cartes et crédits téléphoniques) est désormais répartie entre l’État (49 %), la Caisse de solidarité et garantie des collectivités locales (50 %) et la Caisse Nationale de Retraites (1 %). L’idée est que chaque rechargement contribue à la protection sociale, à la solidarité locale et au financement des retraites, faisant participer indirectement les utilisateurs de télécommunications au bien-être collectif.
Précisions sur les services de télécommunications internationaux (Art. 95)
- Clarification : certaines prestations (interconnexion, location de capacité, maintenance) fournies hors du territoire national restent exonérées de retenue à la source.
- Objectif : sécuriser l’exonération pour les services techniques indispensables à la souveraineté numérique.
Exonération fiscale pour startups (Art. 96)
Les entreprises disposant du label « start-up » bénéficient d’une exonération totale d’impôt (IRG, IBS ou IFU) pendant 4 ans, pouvant être prolongée de 2 années supplémentaires si le label est renouvelé. Cette mesure vise à encourager l’innovation, à assurer une équité fiscale entre les différentes formes juridiques et à soutenir durablement les jeunes entreprises performantes.
Exonération pour incubateurs (Art. 97)
- Label « incubateur » : exonération IRG/IBS pour 2 ans, renouvelable à chaque renouvellement du label.
- Objectif : encourager la qualité et la pérennité des structures d’accompagnement des start-ups.
Taxe additionnelle sur les produits tabagiques (Art. 98)
- Hausse du tarif de 65 DA à 75 DA/paquet,
- Répartition des 10 DA supplémentaires :
- 5 DA : Fonds urgences et soins médicaux
- 5 DA : Fonds de lutte contre le cancer
Objectif : santé publique et financement ciblé des fonds médicaux.
Déduction fiscale pour investissements verts (Art. 99)
- Dépenses pour hydrogène vert, énergies renouvelables, boisement/reboisement déductibles jusqu’à 5% du bénéfice imposable.
Objectif : soutenir la transition énergétique, la croissance durable et la lutte contre le changement climatique.
Précompte à l’importation – exclusion du troc frontalier
Les opérations d’importation réalisées dans le cadre du troc frontalier ne seront plus soumises au précompte fiscal de 2 %. Cette mesure vise à simplifier les échanges dans les zones frontalières et à maintenir la cohérence avec les règles déjà en vigueur pour ce type de commerce local.
Exonération fiscale pour Sukuk souverains
Les revenus et plus-values issus de la cession de Sukuk souverains (titres financiers islamiques) d’une durée minimale de 5 ans, émis à partir du 1er janvier 2025, sont exonérés d’IRG et d’IBS. Cette mesure vise à encourager le développement de la finance islamique et à diversifier les sources de financement de l’État.
Abrogation de l’exonération TVA et DD pour produits médicaux COVID-19
- Dispositif exceptionnel instauré pour la pandémie supprimé, retour à la fiscalité normale à compter du 1er janvier 2026.
Taxe spécifique sur yachts et jet-skis
La taxe spécifique s’applique aux yachts, bateaux de plaisance et jet-skis motorisés (400 000 DA pour les jet-skis), dont 80 % vont à l’État et 20 % à la Caisse Nationale des Retraites. L’objectif est de limiter l’usage de ces biens pour le blanchiment, encadrer le marché de luxe et renforcer le financement des retraites.
Fichier national des sociétés civiles (FNSC) (Art. 112)
- Création d’un fichier à la DGI avec informations sur les sociétés civiles :
- Constitution, notaires, membres, agréments, etc.
- Transmission sous 30 jours après constitution ou modification.
- Amendes : 50.000 DA pour non-respect, 10.000 DA par erreur/inexactitude.
Déclaration des constructions juridiques et trusts (Art. 113)
- Administrateurs de trusts et constructions juridiques doivent télédéclarer :
- Constitution, modification, extinction.
- Bénéficiaires effectifs et valeurs des biens.
- Amendes : 2.000.000 DA pour défaut de déclaration, 200.000 DA par erreur/inexactitude.
Obligation R&D pour grandes entreprises (Art. 115)
- Entreprises ≥ 2 milliards DA de chiffre d’affaires doivent consacrer 1 % du bénéfice imposable à R&D.
- Taxe en cas de non-respect = différence entre 1 % et dépenses effectivement réalisées.
Exonérations pour importation de têtes ovines pour l’Aïd (Art. 117)
- Période : 15 avril 2025 – 30 juin 2026.
- Exonérations : droits de douane, TVA, domiciliation bancaire, contribution de solidarité, précompte.
- Espèces concernées : ovins domestiques pour abattage (sous position tarifaire 0104.10.91.10).
Dispositions douanières
Des exonérations et réductions fiscales sont prévues pour soutenir plusieurs filières : matières premières aquacoles (exonération douanière et TVA réduite), importation de cheptels et viandes fraîches (droits de douane à 5 % jusqu’en 2026), huile brute de soja (délai prolongé pour substitution locale jusqu’en 2026) et café vert (exonération TVA/TIC et droits réduits à 5 % jusqu’en 2026). Objectif : garantir l’approvisionnement national, stabiliser les prix et protéger le pouvoir d’achat.
Micro-importation et auto-entrepreneurs
Les micro-importateurs obtiennent le statut d’auto-entrepreneur avec un régime fiscal simplifié : droits de douane réduits à 5 %, exonération de TVA et un impôt forfaitaire unique de 0,5 %. Objectif : faciliter la micro-importation tout en assurant une contribution fiscale.
Dispositions domaniales
Redevance et eau
Une redevance annuelle de 200 000 DA est instaurée pour l’utilisation des ressources en eau (concessions et autorisations), répartie entre l’État (80 %) et l’ANRH (20 %), avec application aux exploitations agricoles de plus de 50 ha.
En parallèle, l’exploitation des ressources en eau et du domaine forestier est désormais soumise à des redevances précises (5 % des recettes pour les eaux thermales, 1 000 DA/tête de bovin, 2 500 DA/ha pour l’aquaculture, 60 000 à 150 000 DA/ha pour l’écotourisme).
Exploitation touristique des plages
En principe, les plages appartiennent au domaine public de l’État. Jusque là, la loi de finances de 2012 prévoyait que les recettes issues de la concession des plages (c’est-à-dire l’argent payé par les exploitants privés pour louer un espace de plage : parasols, buvettes, activités…) allaient 100% aux communes côtières. L’État, pourtant propriétaire des plages, ne touchait aucune part. Désormais, l’argent des concessions sera partagé équitablement entre l’État et les communes (50% État, 50% communes).
Concessions foncières pour promotion immobilière commerciale
En principe, les terrains appartenant à l’État pouvaient être concédés mais subsistait un vide juridique en matière de promotion immobilière commerciale. Désormais, lorsqu’un terrain est concédé par l’État pour la promotion immobilière commerciale, la concession sera convertie en cession (vente définitive) qu’ à deux conditions, à savoir que le projet soit réalisé et que le certificat de conformité soit délivré (c’est-à-dire que la construction soit achevée selon les normes).
Dispositions diverses
Prolongation de la cession des logements OPGI (Art. 143)
- Le délai pour acheter les logements de l’État et des OPGI est prolongé jusqu’au 31 décembre 2026.
Navires de pêche usagés (Art. 144)
- Autorisation d’importer des navires de grande pêche âgés de moins de 15 ans (au lieu de 5 ans), afin d’encourager la pêche en haute mer face au manque de navires récents sur le marché mondial.
Assurance obligatoire en coassurance (Art. 148)
- Les entreprises publiques doivent souscrire leurs assurances auprès de compagnies agréées en Algérie via un système de coassurance, afin de limiter le recours aux assurances étrangères payées en devises.
Sukuk souverains (Art. 149)
- Le Trésor peut émettre des obligations islamiques (Sukuk) adossées à :
- des actifs de l’État,
- ou à des projets d’investissement publics afin de diversifier les financements et attirer l’épargne islamique.
Avances de la Banque d’Algérie au Trésor (Art. 150)
- La Banque d’Algérie pourra accorder au Trésor des avances jusqu’à 20% des ressources budgétaires (au lieu de 10%), sur une durée d’un an renouvelable, afin de donner plus de souplesse financière à l’État.
Crédits immobiliers pour fonctionnaires
- Le Trésor prendra en charge 100% des intérêts et marges des crédits immobiliers pour certaines catégories de fonctionnaires, dans le but d’améliorer leurs conditions de vie.
Logements AADL 3 (Art. 152)
- Le Trésor financera les intérêts des prêts bancaires pour 300 000 logements AADL en 2026 afin d’atteindre les 2 millions de logements promis pour 2025-2030.
Exonérations pour la coopération internationale (Art. 153)
- L’Agence algérienne de coopération internationale bénéficie d’exonérations de TVA, droits de douane et taxe bancaire pour ses projets de solidarité avec des pays tiers.
Exonérations fiscales pour les biens Wakfs publics (Art. 154)
- Les biens wakfs (biens religieux à but caritatif) sont exonérés de presque tous les impôts et taxes. La nouveauté du PLF 2026 est que les revenus générés par l’exploitation de ces biens sont aussi exonérés.
Industrie pharmaceutique (Art. 156)
- Les laboratoires doivent assurer la disponibilité des médicaments essentiels.
- Amende réduite de 10% à 5% du chiffre d’affaires en cas de manquement.
Importation de véhicules neufs et équipements (Art. 157)
- Autorisation d’importer des véhicules neufs (transport, TP, hydraulique) et équipements. Le projet de loi de finances 2026 élargit l’autorisation d’importation aux véhicules neufs destinés au transport de personnes (bus, minibus…), de marchandises (camions…), aux travaux publics (pelles, bulldozers, engins de chantier), et à l’hydraulique (engins utilisés pour la gestion de l’eau, barrages, canalisations, etc.).
Attention ! On ne parle pas ici des voitures particulières classiques pour particuliers, mais des véhicules et équipements lourds nécessaires aux secteurs économiques stratégiques.
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