Le pescatourisme représente une forme innovante et durable de diversification des activités maritimes. Mêlant pêche professionnelle et activité touristique, il permet aux pêcheurs d’embarquer des passagers à bord de leurs navires pour leur faire découvrir le monde de la pêche, sans participation directe à l’acte de pêche. En Algérie, cette activité est désormais encadrée par des dispositions spécifiques, traduisant une volonté d’ouvrir le secteur de la pêche à de nouvelles formes de valorisation économique.
Définition du pescatourisme en droit algérien
Le décret exécutif n°16-203 du 25 juillet 2016 fixant les conditions et les modalités d’exercice des activités de transport maritime urbain et de plaisance maritime, consacre expressément le pescatourisme. L’article 3 le définit comme suit :
« Le pescatourisme est une opération d’embarquement de passagers à bord des navires armés et équipés à la pêche ou navires aquacoles, à titre d’activité complémentaire de plaisance, pour leur faire découvrir le métier de marin pêcheur ou d’aquaculteur ainsi que le milieu marin . »
Cette définition inscrit le pescatourisme dans une logique de tourisme durable, centré sur la transmission de savoir-faire, la valorisation du patrimoine maritime, et le respect de l’environnement marin.
Un encadrement juridique précis : conditions d’exercice
Les articles 24 à 34 du décret précisent les conditions spécifiques de mise en œuvre du pescatourisme :
- Autorisation préalable obligatoire : délivrée par l’administration compétente après dépôt d’un dossier incluant notamment un projet d’activité, une assurance responsabilité civile, et un avis technique de sécurité maritime.
- Navires éligibles : uniquement ceux régulièrement immatriculés comme navires de pêche, en bon état de navigation, et disposant d’un équipage formé à l’accueil de passagers.
- Durée de l’activité : le pescatourisme doit rester accessoire par rapport à la pêche, pour éviter toute dérive vers une transformation totale de l’usage du navire.
- Nombre de passagers : limité selon la capacité du navire et les normes de sécurité en vigueur.
- Assurance et sécurité : obligation de souscrire une assurance spécifique couvrant les passagers, et mise en place de dispositifs de sécurité renforcés à bord.
Une activité à régime mixte : pêche et tourisme compatibles ?
Le pescatourisme repose sur un régime mixte, combinant un statut de pêcheur professionnel avec une activité de nature touristique. Ce chevauchement soulève des questions pratiques :
- Compatibilité avec les règles de pêche : les sorties de pescatourisme ne doivent pas interférer avec les obligations réglementaires (zones, périodes, quotas).
- Charge de travail et sécurité à bord : le personnel de bord doit pouvoir assurer à la fois la sécurité des passagers et la conduite du navire.
Le décret semble établir un équilibre fragile, où la finalité touristique ne doit pas primer sur l’activité principale de pêche, pour éviter toute requalification juridique du navire ou du statut du marin.
Enjeux de sécurité, responsabilité et encadrement des passagers
La présence de personnes non professionnelles à bord de navires de pêche soulève de nouveaux défis :
- Déclaration des passagers obligatoire avant chaque sortie (article 29).
- Encadrement strict : les passagers doivent respecter des consignes de sécurité strictes, et ne pas participer aux manœuvres.
- Responsabilité civile : les armateurs doivent souscrire une assurance spécifique, couvrant les risques liés à la présence de touristes à bord.
De plus, des conditions d’âge sont prévues : les mineurs ne peuvent embarquer qu’avec une autorisation parentale, et certains types de navires peuvent interdire l’embarquement aux enfants en bas âge.
Limites, lacunes et problématiques pratiques
Malgré cette avancée réglementaire, plusieurs limites subsistent :
- Flou sur la formation requise pour les pêcheurs : aucune obligation claire de formation à l’accueil touristique ou à la médiation environnementale.
- Pas de dispositif incitatif clair : absence d’aides à la reconversion ou à l’aménagement des navires pour accueillir des passagers.
- Charge administrative lourde : la procédure d’autorisation peut dissuader certains petits pêcheurs de se lancer.
De plus, la cohabitation entre activité économique et exigence de sécurité reste délicate, notamment sur les petits navires ou en haute mer.
Comparaison avec le droit de pays voisins : France, Italie, Espagne
Le pescatourisme est déjà pratiqué depuis plusieurs années dans les pays du nord de la Méditerranée :
- France : autorisé depuis 2012, le pescatourisme est soumis à une autorisation préfectorale et à une formation spécifique. Les pêcheurs peuvent bénéficier d’aides européennes via le FEAMP.
- Italie : pionnière en la matière, l’Italie encadre strictement cette activité depuis les années 2000, avec une forte intégration dans les politiques de tourisme bleu.
- Espagne : plusieurs régions côtières (Catalogne, Andalousie) ont mis en place des programmes régionaux de soutien au pescatourisme, en lien avec la promotion du patrimoine marin.
Comparativement, l’Algérie adopte une approche juridiquement encadrée, mais moins accompagnée économiquement. Le cadre réglementaire existe, mais les dispositifs d’incitation et de formation restent à développer pour en faire un réel levier de développement local.
L’introduction du pescatourisme dans le droit algérien constitue une avancée notable vers une diversification durable des activités maritimes. Toutefois, son encadrement juridique encore jeune nécessite des ajustements pratiques, notamment en matière de formation, de sécurité et d’incitation économique. Une meilleure articulation entre pêche et tourisme, ainsi qu’un dialogue renforcé entre acteurs locaux et administration, permettront de transformer cette activité en véritable opportunité de développement pour les communautés littorales.
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