Le transport maritime, pilier du commerce mondial, représente aussi une source majeure de pollution atmosphérique. Les émissions issues des carburants lourds utilisés par les navires — notamment les oxydes de soufre (SOₓ), les oxydes d’azote (NOₓ) et les particules fines — contribuent au réchauffement climatique et à la dégradation de la qualité de l’air dans les zones côtières.
Face à ces enjeux, l’Organisation maritime internationale (OMI) a adopté une série de conventions et d’amendements, regroupés notamment dans la Convention MARPOL (Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires). Ces normes s’appliquent à tous les États membres, dont l’Algérie, et imposent des limites strictes aux émissions des navires opérant dans certaines zones sensibles comme la Méditerranée.
Le cadre juridique international : OMI et Convention MARPOL
L’OMI et la Convention MARPOL
La Convention MARPOL, adoptée en 1973 et modifiée à plusieurs reprises, constitue le texte fondamental en matière de prévention de la pollution marine. Elle comprend plusieurs annexes, dont :
- Annexe VI : relative à la prévention de la pollution atmosphérique par les navires.
Cette annexe fixe des plafonds d’émission pour divers polluants et impose l’utilisation de carburants à faible teneur en soufre.
La zone de contrôle des émissions (ECA) en Méditerranée
En 2022, les États riverains de la Méditerranée, réunis sous l’égide de l’OMI, ont approuvé la création d’une zone ECA (Emission Control Area) spécifique à cette mer.
→ Cette zone entrera en vigueur à partir de 2025.
Concrètement, cela signifie que tous les navires circulant en Méditerranée — y compris ceux desservant les ports algériens — devront utiliser des carburants dont la teneur en soufre ne dépasse pas 0,10 %, contre 0,50 % actuellement.
Les obligations pour les navires opérant en Méditerranée
1. Utilisation de carburants plus propres
Les navires devront désormais utiliser :
- soit du fuel marin désoufré (MGO - Marine Gas Oil),
- soit des systèmes de dépollution à bord (appelés scrubbers) pour réduire les émissions de soufre.
Ces équipements permettent de “laver” les gaz d’échappement avant leur rejet dans l’atmosphère, mais ils nécessitent un entretien coûteux et une gestion rigoureuse des résidus liquides.
2. Contrôle et certification
Chaque navire doit détenir un certificat international de prévention de la pollution atmosphérique (IAPP) attestant de sa conformité aux exigences de l’Annexe VI de MARPOL.
Les autorités portuaires (notamment les Capitaneries des ports algériens) pourront effectuer des contrôles d’inspection et retenir les navires en cas de non-conformité.
Les implications pour l’Algérie et ses ports
Modernisation nécessaire des infrastructures portuaires
Pour accompagner la mise en œuvre des nouvelles normes, les ports algériens (Alger, Oran, Skikda, Béjaïa, Annaba, Arzew, etc.) devront s’adapter en :
- assurant la disponibilité de carburants marins conformes (MGO, LNG),
- développant des installations de soutage “vertes”,
- et renforçant les capacités d’inspection environnementale.
Les raffineries nationales, notamment celles de Skikda et Arzew, seront également sollicitées pour produire ou importer des carburants à faible teneur en soufre.
Impacts économiques pour les armateurs
Les compagnies maritimes opérant vers ou depuis l’Algérie devront supporter :
- des coûts supplémentaires liés aux carburants plus propres,
- des investissements techniques (modernisation de moteurs, installation de scrubbers),
- et une formation accrue des équipages sur les procédures de conformité environnementale.
Cependant, à long terme, ces efforts devraient améliorer :
- la réputation environnementale du pavillon algérien,
- la sécurité sanitaire des zones portuaires,
- et la compétitivité logistique du pays vis-à-vis des standards européens et méditerranéens.
La dimension juridique et institutionnelle en Algérie
L’Algérie, en tant qu’État partie à la Convention MARPOL depuis 1980, est juridiquement tenue d’intégrer ces nouvelles exigences dans son droit interne.
Cela implique :
- la mise à jour du Code maritime algérien et des règlements de navigation,
- l’adoption de décrets exécutifs encadrant le contrôle de la pollution atmosphérique par les navires,
- et le renforcement des capacités du ministère des Transports et de l’Environnement pour assurer la mise en œuvre.
Une coopération régionale accrue avec les pays voisins (Tunisie, Maroc, Espagne, Italie, France) est également essentielle pour harmoniser les contrôles dans tout le bassin méditerranéen.
La réduction des émissions d’oxydes de soufre en Méditerranée n’est plus une simple orientation politique : c’est une obligation internationale issue du droit maritime mondial.
Pour l’Algérie, cette évolution représente à la fois un défi logistique et économique, et une opportunité stratégique pour moderniser son secteur maritime.
La conformité aux normes OMI / MARPOL permettra :
- de préserver l’environnement marin et la santé publique,
- de renforcer la crédibilité du pavillon algérien,
- et de positionner durablement les ports du pays dans la dynamique du transport maritime durable en Méditerranée.
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