Face à la multiplication des usages des drones — qu’ils soient récréatifs, civils, industriels ou sécuritaires —, l’État algérien poursuit la mise en place d’un cadre juridique complet pour encadrer leur exploitation.
Après avoir défini, par le décret présidentiel n° 21-285 du 13 juillet 2021, le cadre général régissant les systèmes d’aéronefs sans pilote à bord, et avoir fixé en 2025 les règles relatives à leur activité, enregistrement et identification, un nouveau texte vient s’ajouter à cette architecture réglementaire : l’Arrêté interministériel du 6 Chaoual 1446 correspondant au 5 avril 2025, signé conjointement par le ministre de la Défense nationale et le ministre des Transports.
Pris en application de l’article 34 du décret présidentiel 21-285, cet arrêté fixe les conditions et modalités de la formation et de la qualification des télépilotes de drones.
Il s’appuie sur plusieurs textes structurants du droit aérien algérien :
- le décret n° 63-426 du 28 octobre 1963 relatif au personnel navigant civil,
- le décret exécutif n° 04-414 du 20 décembre 2004 sur les fonctions de l’aéronautique civile,
- ainsi que les décrets définissant les attributions ministérielles (n° 21-366 de 2021 et n° 24-389 de 2024).
Ce texte consacre ainsi la professionnalisation du métier de télépilote, en créant une formation officielle, certifiée et contrôlée par l’État. Il marque une évolution vers une aéronautique numérique sécurisée, où le drone devient un appareil aérien à part entière, soumis à des standards similaires à ceux de l’aviation civile classique.
Une formation obligatoire pour tous les télépilotes
Le télépilote, un acteur reconnu du système aérien
L’article 1er définit le but de l’arrêté : établir les conditions et modalités de formation et de qualification nécessaires pour piloter un aéronef sans pilote à bord.
L’article 2 précise le vocabulaire technique : drones à voilure fixe, tournante ou hybride, instructeurs, simulateurs de vol, ou encore attestation d’aptitude de classe 3.
Le texte adopte ainsi un langage harmonisé avec celui de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).
Une formation structurée et contrôlée
Selon l’article 3, tout télépilote, qu’il agisse à titre de loisir, de compétition ou professionnel, doit suivre une formation agréée par le Centre national des systèmes d’aéronefs sans pilote à bord, organe placé sous la tutelle du ministère de la Défense nationale.
La réussite aux tests théoriques et pratiques est obligatoire pour obtenir une qualification.
Des conditions d’accès strictes selon les usages
Télépilotes de loisir
Les candidats doivent :
- avoir 16 ans révolus (avec dérogation possible) ;
- présenter un certificat médical de bonne santé.
Télépilotes professionnels
Les conditions sont renforcées :
- 18 ans révolus minimum ;
- attestation d’aptitude de classe 3, délivrée par un médecin du travail agréé.
Cette distinction (articles 4 et 5) montre la volonté de proportionner les exigences à la nature de l’activité, tout en garantissant un niveau minimal de sécurité.
Le rôle central des instructeurs et organismes de formation
Des instructeurs qualifiés et habilités
Les articles 6 à 12 encadrent la désignation des formateurs.
Les instructeurs, qu’ils soient théoriques ou pratiques, doivent être habilités par le Centre national, après justification d’une expérience aéronautique ou de télépilotage reconnue.
Le Centre peut aussi délivrer des titres d’instructeur d’essai sur qualification.
Des organismes de formation agréés
Les articles 13 à 18 instaurent un régime d’agrément pour les centres de formation.
Ces établissements, publics ou privés, doivent obtenir l’autorisation du Centre national pour dispenser :
- la formation de base (ab initio),
- les qualifications spécifiques,
- ou encore la formation d’instructeur.
L’agrément est valable 24 mois, renouvelable après inspection. En cas de manquement, il peut être suspendu ou retiré.
Des programmes, examens et licences encadrés
Les programmes théoriques et pratiques (articles 24 à 28) sont homologués par le Centre national, et les formations pratiques se déroulent dans des zones dédiées à cet effet.
Les modifications de programme doivent être notifiées 60 jours à l’avance.
Évaluations rigoureuses
Pour les télépilotes de loisir, la certification repose sur :
- un test théorique (en centre ou via plateforme numérique),
- un vol démonstratif en solo.
Pour les télépilotes professionnels, les examens sont plus complets, combinant théorie et pratique, sous le contrôle du Centre national.
La moyenne requise est fixée à 70 % (article 32).
Diplômes et validité
Trois niveaux de certification sont prévus (articles 34 à 37) :
- Attestation (loisir ou compétition) : valable 2 ans ;
- Brevet (formation de base professionnelle) : acquis définitivement ;
- Licence (activité professionnelle reconnue) : valable 2 ans, renouvelable sous conditions (formation continue, activité récente, aptitude médicale).
Dispositions particulières et reconnaissance internationale
Les articles 39 à 45 traitent des formations spécifiques et des équivalences étrangères :
- Les détenteurs de licences étrangères peuvent obtenir une équivalence après validation par le Centre national.
- Les pilotes d’avion ou d’hélicoptère algériens reçoivent automatiquement un brevet de télépilote (article 42), à condition de suivre une qualification-type spécifique au drone (article 43).
Enfin, le Centre national conserve un pouvoir d’audit et d’inspection sur tous les organismes agréés (article 46), garantissant la conformité des formations au cadre national et international.
Vers un pilotage professionnel et responsable
L’arrêté interministériel du 5 avril 2025 s’impose comme un texte fondateur dans la structuration du secteur des drones en Algérie.
En définissant précisément les conditions de formation, de qualification et d’agrément, il inscrit le télépilotage dans une logique de sécurité, de compétence et de reconnaissance professionnelle.
Ce texte traduit une ambition claire : faire du télépilote un acteur certifié de l’aéronautique moderne, garant d’un usage sûr, réglementé et responsable des systèmes sans pilote à bord.
En cela, il complète l’édifice réglementaire amorcé depuis 2021, affirmant la volonté de l’État d’encadrer ce nouvel espace aérien avec la même rigueur que celui des avions habités.
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