Le logement promotionnel public (LPP) constitue l’un des dispositifs centraux de la politique algérienne de l’habitat. Il s’agit d’un programme de logements réalisés par des promoteurs immobiliers agréés, avec un soutien direct de l’État, afin d’offrir aux citoyens des logements à un coût maîtrisé. Pour encourager ces projets, l’État peut mettre à la disposition des promoteurs des terrains issus de son domaine privé, en leur appliquant un abattement, c’est-à-dire une réduction sur la valeur du terrain. Cette réduction constitue une aide publique, accordée pour faciliter la réalisation et la commercialisation de logements destinés au public dans des conditions financièrement accessibles.
Toutefois, le régime du LPP prévoit deux types de commercialisation :
- la vente réglementée, réservée aux bénéficiaires remplissant des conditions de revenu ;
- la vente libre, dans laquelle les logements peuvent être vendus sans conditions sociales particulières, à des prix déterminés librement par le promoteur, généralement alignés sur les prix du marché.
Lorsqu’un logement LPP est finalement vendu en vente libre, la logique de l’aide publique initialement accordée disparaît : le promoteur bénéficie alors d’un avantage financier (l’abattement sur le terrain) tout en commercialisant son produit au prix du marché. Pour éviter cette rupture d’équité et pour préserver les intérêts du Trésor public, le législateur a prévu un mécanisme clair : le promoteur doit restituer à l’État la valeur de l’abattement reçu.
Ce principe figure dans l’article 13 bis 1 du décret exécutif n° 14-203 du 15 juillet 2014, modifié et complété, qui encadre l’ensemble du dispositif LPP. Mais si le principe existe, ses modalités pratiques — moment du paiement, autorités compétentes, documents justificatifs — nécessitaient d’être précisées par un texte d’application.
C’est précisément l’objet de l’arrêté interministériel du 23 octobre 2025 : déterminer comment, à quel moment et auprès de quelle administration le promoteur immobilier doit restituer cette valeur d’abattement lors de la vente libre des logements.
L’objectif poursuivi est double :
- assurer la protection des finances publiques, en garantissant que l’État recouvre effectivement l’avantage financier qu’il a consenti ;
- sécuriser la procédure de vente, en rendant obligatoire l’émission d’une attestation de mainlevée confirmant que les obligations du promoteur ont été honorées avant la publication de l’acte de vente.
Cet arrêté s’inscrit ainsi dans la continuité du cadre juridique déjà en place, en apportant les clarifications nécessaires au bon fonctionnement du marché du logement LPP lorsqu’il bascule vers une logistique de commercialisation libre.
Objet et portée de l’arrêté (Article 1)
L’article 1 de l’arrêté dispose :
« En application des dispositions de l’article 13 bis 1 du décret exécutif n° 14-203 du 17 Ramadhan 1435 correspondant au 15 juillet 2014, modifié et complété, fixant les conditions et les modalités d’acquisition du logement promotionnel public, le présent arrêté a pour objet de fixer les modalités de restitution de la valeur de l’abattement appliqué sur la valeur des terrains relevant du domaine privé de l'État des logements promotionnels publics, destinés à la commercialisation en vente libre. »
En d’autres termes :
- Lorsque les terrains cédés par l’État ont bénéficié d’un abattement pour permettre la construction de logements LPP ;
- Et que ces logements sont commercialisés librement, c’est-à-dire sans conditions sociales ni tarifs réglementés ;
Le promoteur doit restituer la valeur de l’abattement à l’État. Cela signifie que, si un promoteur a reçu de l’État un terrain à prix réduit pour construire des logements LPP, il doit rembourser cette réduction lorsque ces logements sont finalement vendus au prix du marché. L’obligation de rembourser existait déjà dans la loi ; ce que fait l’arrêté, c’est préciser concrètement la procédure : combien payer, à quel moment, à quel service administratif verser la somme, et quel document obtenir pour prouver que tout a été réglé avant de finaliser la vente.
Modalités de paiement de la restitution
L’article 2 consacre une obligation directe et impérative :
« Le promoteur immobilier est tenu de restituer au Trésor public, lors de chaque vente de logement promotionnel public en vente libre, la valeur de l’abattement (…) payable en un seul versement, auprès du receveur des domaines territorialement compétent. »
Les points juridiques essentiels sont les suivants :
a) L’obligation de restitution pèse exclusivement sur le promoteur
Il est débiteur de la somme envers le Trésor public, et non l’acheteur du logement.
b) Le paiement est exigible “à chaque vente”
L’obligation naît au moment de chaque acte de vente, ce qui évite que le promoteur puisse différer ou regrouper les paiements.
c) Le paiement se fait en un seul versement
Aucun échelonnement n’est prévu, ce qui sécurise les recettes de l’État.
d) Le calcul du montant renvoie à l’arrêté du 14 mai 2011
Le renvoi à l’article 13 de l’arrêté de 2011 garantit une cohérence entre :
- les règles de cession des terrains de l’État,
- les règles de restitution en cas de vente libre.
Attestation de mainlevée : condition préalable à la publicité foncière
L’article 3 prévoit :
« Les services des domaines délivrent une attestation de mainlevée (…) L’attestation (…) doit être jointe au dossier de l'acte de vente au moment de sa publication. »
Juridiquement, cela signifie que :
La vente ne peut pas être publiée — donc opposable aux tiers — sans preuve du paiement.
La publicité foncière exige un dossier complet.
L’attestation de mainlevée devient un document obligatoire
Elle constitue la preuve que :
- le promoteur a payé la restitution,
- aucune charge ou dette résiduelle ne pèse sur le terrain au profit de l’État.
C’est une mesure de sécurisation juridique pour l’acquéreur, le notaire et les services de l’État.
Entrée en vigueur par publication
L’article 4 prévoit :
« Le présent arrêté sera publié au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire. »
Cette disposition confirme :
- que l’arrêté ne peut produire d’effets juridiques qu’après sa publication officielle,
- que sa portée est nationale et immédiatement opposable aux promoteurs concernés.
Cet arrêté :
- applique une obligation préexistante du décret n° 14-203 : la restitution de l’avantage accordé par l’État lorsqu’un logement LPP est vendu au prix du marché ;
- précise les modalités concrètes pour garantir la récupération effective de cet avantage ;
- sécurise la chaîne juridique et financière de la vente en imposant l’attestation de mainlevée.
Son fondement repose sur trois piliers :
- la protection du domaine privé de l’État ;
- la prévention des détournements des aides publiques ;
la régularité des actes de vente de logements LPP mis sur le marché libre.
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